Éditorial

Dorothée Boulanger and Chloé Buire

p. 1-3

Translation(s):
Editorial

References

Boulanger, Dorothée, Chloé Buire. 2023. “Éditorial”. Sources. Materials & Fieldwork in African Studies no. 5: 1-3. https://www.sources-journal.org/1087

Ce cinquième numéro de la revue Sources marque le premier passage de témoin dans la direction de notre équipe de rédaction. Après une transition de plusieurs mois, Marie-Aude Fouéré et Ophélie Rillon, fondatrices de la revue1, ont laissé la place à Dorothée Boulanger et Chloé Buire au poste de rédaction en chef en janvier 2023. Bastien Miraucourt reste la clef de voûte du dispositif de mise en ligne de nos articles et de leurs ramifications numériques (hébergement des matériaux bruts dans des entrepôts de données ouvertes, construction des métadonnées, exposition des objets numériques-sources au sein des articles, etc.), tout en assurant le travail d’édition des textes. Toujours aussi mobilisé, le comité de rédaction s’étoffe progressivement avec l’arrivée de collègues venu·e·s de nouveaux horizons.

Du fait de sa jeunesse, en ce début 2023 Sources n’est pas présente sur une grande plateforme éditoriale, et elle n’est pas non plus encore incluse dans les grands index et répertoires internationaux de revues académiques. La revue n’en reste pas moins de plus en plus lue et partagée, et, au vu du nombre de propositions d’articles que nous recevons, il semble bien que notre ligne éditoriale attire de plus en plus d’autrices et d’auteurs, soucieu·se·s de « donner à voir les lieux, moments, actrices et acteurs de la (co-)production du savoir que neutralisent le plus souvent les écritures universitaires conventionnelles » (Fouéré, Rillon et Pommerolle 2020, §24).

Le passage de relais à la tête d’une revue est toujours une réjouissance ; elle prouve la vitalité d’un projet scientifique et la pérennité d’un travail d’équipe, pourtant encore trop souvent invisibilisé dans la multiplicité des responsabilités académiques. Mais quand il s’agit de la première passation suite à la création d’une revue, l’enjeu est aussi celui de la capacité d’adaptation de tout un projet. Nous nous saisissons donc de cet espace de l’éditorial pour remercier chaleureusement Marie-Aude et Ophélie de nous faire confiance, en laissant le fruit de plusieurs années de travail être nourri et orienté par de nouvelles mains. Surtout, nous les remercions d’avoir créé un espace de compagnonnage intellectuel aussi ouvert et bienveillant, non seulement au sein du comité de rédaction, mais aussi dans les échanges avec les autrices et les auteurs, avec les relectrices et les relecteurs, avec les équipes de coordination des numéros thématiques et avec les membres du comité de lecture.

Nous espérons que cette nouvelle phase dans le développement de Sources sera aussi l’occasion de renforcer les échanges avec celles et ceux qui lisent nos articles. Nous chercherons à étoffer les liens avec nos partenaires sur le continent africain, au premier rang desquels les équipes des UMIFRE qui soutiennent activement la revue bien sûr, mais également les équipes de recherche et les équipes éditoriales avec lesquelles nous sommes amenées à travailler. Ce cinquième numéro signe d’ailleurs la conclusion d’un premier pari de croisement éditorial avec la Revue d’histoire contemporaine de l’Afrique autour de l’histoire du génocide des Tutsi au Rwanda2.

Si une revue est toujours une aventure collégiale et un socle de rencontres, sa raison d’être réside dans la substance des articles que nous élaborons avec les autrices et les auteurs. Chaque numéro nous conduit ainsi à découvrir de nouvelles possibilités, mais aussi à affronter de nouveaux défis, afin de tenir la promesse d’une revue où les données de terrain, les conditions de leur production et les enjeux de leur interprétation peuvent être abordés de concert, sans préjuger d’aucune hiérarchie entre ces différentes composantes de la construction des savoirs scientifiques. Les articles de ce numéro varia soulignent d’ailleurs les remises en question que provoque notre parti-pris d’écriture : où trace-t-on la frontière entre des matériaux bruts et le début de leur interprétation (voir par exemple l’article de E. Ille et M. Salah qui explore les possibilités des StoryMaps, ou celui de C. Riffard sur les enjeux dits « génétiques » de la numérisation de manuscrits littéraires) ? Quelles sont les possibilités de ré-emploi de nos données, au-delà de leur contexte d’élaboration ou de leurs premières récoltes (voir ici les réflexions de J. Pearce à partir de photos prises sur des sites historiques abandonnés ou de H. Bayoumi sur plus d’un siècle de recensements de population en Égypte) ? Jusqu’où nos travaux de recherche sont-ils susceptibles de dialoguer avec d’autres médias, d’autres formes culturelles (lire l’entretien avec C. Seignobos sur l’usage du dessin dans l’approche scientifique, ou la table-ronde présentée par M. Le Lay sur la question de la représentation théâtrale) ? Quels sont les rôles spécifiques des sources et archives de recherche locales, non seulement dans la création d’une histoire plus fine de l’Afrique, mais aussi d’une appropriation plus juste de cette histoire par les communautés concernées (voir la réflexion de V. Layne, depuis l’Afrique du Sud, ou la traduction en kinyarwanda de l’entretien rassemblant P. Rutayisire, C. K. Mulinda et P. Gakwenzire) ?

Avec Sources, Marie-Aude Fouéré et Ophélie Rillon ont fait le pari qu’en replaçant la rigueur empirique au cœur de la production des savoirs et en promouvant leur diffusion en accès ouvert, il était possible, aussi, de contrer la répartition encore très inégalitaire de l’accès des différentes communautés scientifiques à la scène éditoriale académique internationale. Force est de constater qu’après trois ans d’existence, nous peinons à inclure plus de collègues travaillant dans des institutions africaines, que ce soit en tant qu’autrices et auteurs, relectrices et relecteurs, porteuses et porteurs de numéros thématiques ou membres de nos comités. C’est bien ce chantier, tant épistémologique que politique, qui nous mobilisera dans les années à venir.

1 Avec Marie-Emmanuelle Pommerolle, laquelle a contribué de manière décisive à la conception du projet Sources en tant que directrice de l’

2 Voir l’éditorial commun, à partir duquel cette aventure commune a été initiée : https://oap.unige.ch/journals/rhca/announcement/view/15.

Comités de rédaction de la Revue d’histoire contemporaine de l’Afrique et de Sources : Matériaux et terrains en études africaines. 2021. « Éditorial : collaboration trans-revues RHCA et Sources sur l’histoire du génocide des Tutsi du Rwanda ». Revue d’histoire contemporaine de l’Afrique (« Annonces »). https://oap.unige.ch/journals/rhca/announcement/view/15.

Fouéré, Marie-Aude, Ophélie Rillon, et Marie-Emmanuelle Pommerolle. 2020. « Pourquoi Sources ? Rigueur empirique, réflexivité et archivage en sciences humaines et sociales et dans les études africaines ». Sources. Materials & Fieldwork in African Studies, no 1 : 1‑21. https://www.sources-journal.org/77.

1 Avec Marie-Emmanuelle Pommerolle, laquelle a contribué de manière décisive à la conception du projet Sources en tant que directrice de l’IFRA-Nairobi (2014-2018), mais a laissé la rédaction en chef à Marie-Aude Fouéré et Ophélie Rillon à son départ de l’institut.

2 Voir l’éditorial commun, à partir duquel cette aventure commune a été initiée : https://oap.unige.ch/journals/rhca/announcement/view/15.

Dorothée Boulanger

Faculty of Medieval and Modern Languages, University of Oxford. Corédactrice en chef de Sources. Matériaux & terrain en études africaines (2022-).
https://orcid.org/0000-0002-4724-7284

Chloé Buire

Les Afriques dans le monde, CNRS. Corédactrice en chef de Sources. Matériaux & terrain en études africaines (2022-).
https://orcid.org/0000-0002-2658-6703