Un itinéraire de recherche du terrain aux archives : Le Cap (Afrique du Sud), fêtes, musiques, ‘identités’, politique

A Research Itinerary from Fieldwork to Archives: Cape Town (South Africa), Festivals, Music, ‘Identities,’ Politics

Um itinerário de pesquisa do terreno aos arquivos: Cidade do Cabo (África do Sul), festas, música, ‘identidades’, política

Denis-Constant Martin

p. 189-221

Traduction(s) :
A Research Itinerary from Fieldwork to Archives: Cape Town (South Africa), Festivals, Music, ‘Identities,’ Politics

Citer cet article

Martin, Denis-Constant. 2021. « Un itinéraire de recherche du terrain aux archives : Le Cap (Afrique du Sud), fêtes, musiques, ‘identités’, politique ». Sources. Materials & Fieldwork in African Studies n° 3 : 189-221. https://www.sources-journal.org/537

De 1992 à 2015, j’ai poursuivi une recherche au Cap, en Afrique du Sud, portant sur les fêtes du Nouvel An, consistant en compétitions de troupes de carnaval (Klopse), de chœurs masculins (Malay Choirs) et de fanfares chrétiennes (Christmas Choirs). Au cours de cette recherche, j’ai enregistré de nombreux entretiens, filmé et photographié les manifestations festives et leurs préparatifs, collecté de la documentation imprimée, tous matériaux qui ont servi à la rédaction de nombreux textes en français et en anglais, qu’un film documentaire et un CD ont complétés. Cet article retrace les conditions dans lesquelles j’ai effectué cette recherche au long cours. Il souligne le partenariat indispensable avec des acteurs importants de ces fêtes ainsi que ses implications. Il indique enfin comment la documentation a été collectée puis déposée aux archives d’un centre de documentation musicale en Afrique du Sud.

For more than twenty years (from 1992 till 2015) I did research on the New Year Festivals which are organised at the beginning of every year in Cape Town (South Africa). These festivals include three series of competitions: between carnival troupes named Klopse (from the English clubs), between male choirs called Malay Choirs and between Christian brass bands known as Christmas Choirs or Christmas Bands. In the course of this research I conducted a great number of interviews, videoed and photographed the festivals and their preparations, collected many printed documents on which I based several articles, book chapters and books (in English and in French); I also recorded a CD with a local choir singing for the Klopse as well as for the Malay Choirs and produced a video documentary on the 1994 edition of the festival. In this paper I explain the conditions in which I conducted this research, underlining the importance of the partnership I entered into with major actors of the festivals, and signal the implications of such partnerships. I also discuss the conditions in which my documentation was constituted and why most of it was deposited with a South African musical archive.

De 1992 a 2015, realizei uma investigação na cidade do Cabo, na África do Sul, relativa às festividades do Ano Novo, as quais consistem em competições de grupos carnavalescos (Klopse), de coros masculinos (Malay Choirs) e de fanfarras cristãs (Christmas Choirs). No decurso desta pesquisa gravei numerosas entrevistas, filmei e fotografei as manifestações festivas e respectivos preparativos, recolhi documentação impressa. Esses materiais serviram de base à redacção de textos em francês e inglês, completados por um filme documentário e um CD. O artigo descreve as condições em que efectuei a investigação ao longo do tempo. Sublinha ainda a parceria indispensável com protagonistas importantes destas festas assim como as suas implicações. Finalmente explica como foi realizada a recolha de documentação, posteriormente depositada nos arquivos de um centro de documentação musical sul-africano.

Données liées à cet article : « Cape Town (South Africa), festivals, music, ‘identities’, politics – Le Cap (Afrique du Sud), fêtes, musiques, “identités”, politique ».
Site internet : https://cape-town-festivals.nakala.fr/
Collection Nakala : https://nakala.fr/collection/10.34847/nkl.df4au56x
Ces données comprennent 136 documents de différente nature (textes, fac-similés de presse, photos, vidéos, documents sonores…) répartis en 12 sections. Voir la « Liste des sources » à la fin de cet article.

De 1992 à 2015, j’ai poursuivi une recherche au Cap, en Afrique du Sud, au cours de laquelle j’ai enregistré de nombreux entretiens, filmé et photographié des manifestations festives et leurs préparatifs, et collecté de la documentation imprimée. Tous ces matériaux ont servi à la rédaction de nombreux textes, qu’un film documentaire et un CD ont complétés1. Cette entreprise répondait à une double interrogation qui avait été au cœur d’un certain nombre de mes travaux précédents : les processus de construction identitaire et leur utilisation en politique, analysés au sein de deux collectifs de réflexion (Martin 1994 ; 2010), et les relations entre le politique et les pratiques culturelles (surtout musiques et fêtes populaires), la place des configurations identitaires dans ces pratiques en constituant un élément évidemment important (Martin 2001 ; 2002 ; 2020). L’hypothèse qui sous-tendait ces études était que, pour accéder au plus complexe, au plus affectif des représentations sociales du pouvoir et de ses organisations – dimensions les plus difficilement verbalisables –, les questionnaires ou les entretiens directifs étaient insuffisants et qu’une entrée par les pratiques culturelles, à l’aide d’observations (consignées en enregistrements et vidéos susceptibles d’analyse symbolique) et d’entretiens non directifs (notamment de groupe), serait plus fructueuse. J’avais testé cette hypothèse à Trinidad et Tobago et, lorsque s’est présentée l’opportunité d’entreprendre une enquête de plus grande ampleur en Afrique du Sud, j’ai choisi de partir de ce postulat et de tenter d’appliquer plus systématiquement les méthodes qu’il exigeait.

À vrai dire, lorsque je rédigeai le projet que j’envisageais de réaliser au Cap, je ne connaissais pas grand-chose de l’Afrique du Sud et encore moins des réalités de cette ville. J’avais lu des textes sur l’apartheid et je m’intéressais de très près à l’évolution des luttes contre le racisme et la ségrégation dans ce pays. J’avais eu la possibilité d’en parler avec des réfugiés sud-africains, en particulier avec l’universitaire et militante Ruth First et le musicien Chris McGregor, mais il ne m’avait pas été possible d’aller enquêter sur place, les autorités sud-africaines refusant le visa d’entrée aux journalistes ou chercheurs perçus comme hostiles. J’avais toutefois réussi à passer quelques jours à Johannesburg et Pretoria en 1981 : alors directeur du CREDU (Centre de recherche, d’échanges et de documentation universitaire) à Nairobi (devenu ensuite IFRA, Institut français de recherche en Afrique), je bénéficiais d’un passeport de service qui permettait d’entrer sans visa en Afrique du Sud. Je décidai donc de m’y rendre afin d’envisager avec l’ambassade de France à Pretoria la possibilité de développer des échanges entre universités françaises et sud-africaines, ce qui, dans l’immédiat, fut considéré peu opportun. Ce séjour me permit néanmoins de voir, même superficiellement, la réalité de l’apartheid et d’assister à une représentation de Woza Albert!, pièce de Percy Mtwa, Mbongeni Ngema et Barney Simon2, qui dénonçait l’apartheid avec une causticité d’une incroyable énergie devant le public non ségrégué du Market Theater de Johannesburg. Je découvris ainsi que, sous la férule brutale de P. W. Botha, Premier ministre dans une période où la chape de l’apartheid était particulièrement pesante, la rouerie du gouvernement ménageait quelques minuscules espaces de coopération interraciale, qu’il entendait brandir aux yeux du monde et pensait pouvoir utiliser pour affaiblir les oppositions internes : les choses étaient plus compliquées que je ne le pensais. Je ne pourrais revenir en Afrique du Sud avant la fin 1990, ayant obtenu, non sans mal, un visa pour répondre à une demande de conférence de l’Africa Institute de Pretoria. Au cours de ce voyage, j’enregistrai des entretiens avec des musiciens de jazz à Johannesburg (Martin 1992). Par la suite, je retournai à Johannesburg en 1991, découvris Le Cap en 1992 et commençai à y vérifier la faisabilité de la recherche que j’envisageais alors sur les fêtes du Nouvel An, organisées dans cette ville mais dont je ne savais pratiquement rien.

Je souhaiterais ici proposer un récit rendant compte de la manière dont s’est déroulé ce travail en retraçant un itinéraire de recherche entamé avec une faible connaissance et de l’objet (les fêtes du Nouvel An, Nuwe Jaar en afrikaans), et de leur environnement social et géographique (Le Cap et ses faubourgs). Cette recherche, qui a duré beaucoup plus longtemps que je ne prévoyais initialement, a entraîné la collecte d’une abondante documentation, sous forme d’entretiens enregistrés, de prises de vue en vidéo, de photos et de documents imprimés (notamment coupures de presse) dont je discute plus bas l’utilisation et l’archivage.

Du Lot-et-Garonne au Cap en passant par Nantes

Outre l’évolution politique du pays, les musiques créées en Afrique du Sud m’avaient depuis longtemps particulièrement intéressé. C’est ainsi qu’en 1972, je rencontrai à la demande de Jazz magazine le compositeur, chef d’orchestre et pianiste Chris McGregor, avec qui je me liai d’amitié. L’événement déclencheur de mon projet sur les fêtes du Nouvel An est lié à une visite que je lui fis, après son installation dans le Lot-et-Garonne, dans les années 1980. Feuilletant un livre illustré consacré aux années 19503, j’y découvris avec ébahissement des photos représentant des scènes et des acteurs d’un « carnaval » organisé au Cap. Double stupéfaction : une manifestation appelée carnaval était célébrée depuis le début du xxe siècle dans la « Cité mère »4 de l’Afrique du Sud par des habitants catégorisés coloureds et appartenant surtout au prolétariat et à la toute petite bourgeoisie ; leurs costumes, leurs grimages et leur nom, coons, s’inspiraient de l’esthétique des spectacles états-uniens de blackface minstrels, dénoncés pour les dérives racistes qui les avaient marqués. Ces photos, en apparence paradoxales – fêtes organisées en janvier et février ; reprise de codes spectaculaires réputés racistes par des personnes elles-mêmes victimes d’un racisme institutionnel – soulevaient de nombreuses questions. Je découvris au fur et à mesure qu’il fallait prendre en compte un ensemble de fêtes au cours desquelles se mesurent des groupes de divers types, comprenant des « carnavals »5, des compétitions de chœurs masculins (Malay Choirs)6 et de fanfares chrétiennes (Christmas Choirs), le tout constituant des « fêtes du Nouvel An » comprises comme un rituel de renouveau. Par ailleurs, des entretiens successifs me convainquirent que le terme coon (injure raciste aux États-Unis) et l’esthétique des blackface minstrels avaient, au Cap, été totalement dissociés de leur origine pour prendre un sens différent, lié au plaisir des réjouissances et au sentiment de libération qu’elles suscitent. Pourtant, un souci de « correction politique » poussa les organisateurs et les chefs de troupes à utiliser Minstrels plutôt que Coons, que les États-Uniens continuaient à associer aux spectacles de blackface, pour reprendre finalement l’appellation originale afrikaans Klops (club). On utilise donc aujourd’hui officiellement Klopse (pluriel de Klops) pour désigner les troupes et Kaapse Klopse Karnaval (carnaval des clubs du Cap) pour le carnaval, ce qui n’empêche pas un très grand nombre de participants de continuer à parler de Coons et à s’auto-désigner ainsi. Mais, au tout début des années 1990, alors que commençait de s’écrouler l’apartheid, j’ignorais encore tout cela, n’ayant à l’esprit que les intrigantes photos vues chez Chris McGregor. Aussi, lorsque Jean-Luc Domenach, alors directeur du Centre d’études de relations internationales (CERI, Sciences Po Paris)7, m’incita à « faire quelque chose » sur l’Afrique du Sud puisqu’il serait désormais possible d’y entrer en tant qu’universitaire et d’y poursuivre des recherches, je proposai, dans la lignée de mes travaux précédents, d’entreprendre une enquête sur ce carnaval.

Après une mission exploratoire au Cap en octobre 1992, je remis donc à la direction du CERI, en novembre 1992, un projet intitulé « Sous les masques, l’Afrique du Sud… Métissage culturel, représentations sociales et perceptions politiques : le carnaval du Nouvel An au Cap, Afrique du Sud », qui postulait que « l’étude des expressions populaires collectives (c’est-à-dire reconnues par l’ensemble des membres d’une communauté comme émanant de cette communauté, quel que soit par ailleurs le rôle non négligeable des individus créateurs) à vocation non politique doit fournir un matériau peu censuré recélant ces représentations [du politique], celles-ci étant extraites par analyse combinant la prise en compte des symboliques et des structures, la confrontation des messages ouverts et des messages latents […] » et ambitionnait de saisir « comment, en une période charnière de l’histoire de l’Afrique du Sud, une communauté minoritaire en nombre8 mais constituant une sorte de “condensé culturel” de l’Afrique du Sud envisage les changements, pour elle-même comme pour le pays tout entier ».

Ce projet fut accepté et j’obtins les financements nécessaires pour entreprendre au moins la première phase de l’enquête, qui devait combiner l’observation (non participante) des festivités du début de l’année, des recherches en bibliothèque et des entretiens. C’est sur ces bases, qui guideront mes investigations jusqu’à la fin, que j’organisai mon travail. Je prévis d’arriver au Cap en décembre 1993 de manière à être présent au tout début des fêtes, dès la nuit de la Saint-Sylvestre, et d’avoir le temps de prendre ou de renouer les contacts nécessaires pour assister à ces festivités dans les meilleures conditions.

La construction du terrain

À partir de là, il s’agissait de construire le terrain d’enquête. Je partais en effet du principe9 que le « terrain » n’est pas un donné d’évidence. Il est construit pour les besoins d’une recherche, en fonction de ses hypothèses, de ses objectifs ; il est construit à l’intérieur des limites qu’imposent les réalités physiques et sociales dans lesquelles travaille le chercheur ; il est construit au cours de l’interaction entre enquêteurs et enquêtés.

Pour ce faire, je ne disposais au commencement que d’un tout petit nombre de points d’appui : Catherine Lauga-Glenn (plus tard Du Plessis), amie de ma regrettée collègue du CERI Marie-France Toinet, qui enseignait à l’université du Cap (UCT) et offrait une aide chaleureuse (hébergement notamment, pendant un temps) et quelques contacts ; Val Steyn, directrice de la Pace Dance Company, rencontrée au Festival d’été de Nantes en 1992 qui, après que je lui ai exposé mon projet, me proposa de lui rendre visite au Cap où, avouant qu’elle ne connaissait pas vraiment les fêtes du Nouvel An, me suggéra d’aller voir Chris Syren, directeur de Making Music, une société de production de spectacles musicaux qui, à son tour, me donna les numéros de téléphone des organisateurs des deux principaux carnavals de l’époque : Melvyn Matthews et Victor Adams. Dans le monde universitaire, le professeur Renfrew Leslie Christie, doyen de la recherche à l’université du Western Cape (UWC), croisé lors de la visite d’une délégation du CERI en Afrique du Sud en octobre 1992 – visite que je prolongeai au Cap avant de rédiger la proposition de recherche soumise un mois plus tard – reçut favorablement mon projet et accepta de m’accueillir dans son université ; je fus donc rattaché en 1994 au département d’anglais alors dirigé par David Bunn, puis Peter Merrington10, en échange d’un séminaire sur « culture et politique ». Enfin, le professeur de sociologie à l’université de Stellenbosch, Simon Bekker, invité régulier du Centre d’études d’Afrique noire (CEAN) de Sciences Po Bordeaux11, qui m’avait convié à participer à un groupe de travail sur les identités en Afrique du Sud, me parla de la création d’un Institut d’études avancées à Stellenbosch et me fit connaître le professeur Lategan, son futur directeur. Ce dernier m’incita à poser ma candidature à une résidence de recherche qui me permettrait de poursuivre mes enquêtes au Cap. Le Stellenbosch Institute of Advanced Studies (STIAS) fut inauguré, j’y fus accueilli en 2007 et bénéficiai à nouveau d’un soutien matériel et d’un environnement exceptionnels en 2013 et 2015. En tout, je pus effectuer, de 1993 à 2015, 17 missions au Cap financées principalement par le CERI, le CEAN-LAM, le CNRS (Centre national de la recherche scientifique), l’Institut français d’Afrique du Sud (IFAS-Recherche) et STIAS.

Interlocuteurs et réseaux

Dès 1992, j’avais pris contact avec Melvyn Matthews, responsable du Cape Town Original Coon Carnival puis, en 1993, avais rencontré Victor Adams, promoter du District Six Coon Carnival Board. Si le second avait été très aimable et m’avait permis d’assister aux différentes journées de « son » carnaval et de les filmer, mon projet ne l’avait pas véritablement intéressé. Tel ne fut pas le cas de Melvyn Matthews, qui comprit très vite mon but et décida de m’apporter toute l’aide qu’il pouvait. Il devint ainsi, et demeure encore aujourd’hui, un de mes principaux interlocuteurs dans « le monde des fêtes du Nouvel An »12. Le second fut le chef de troupe, chef de chœur et responsable d’une compétition de chœurs, Anwar Gambeno, dont Melvyn Matthews me fit faire la connaissance. Cette « prise en charge » par les pivots d’un réseau d’acteurs des fêtes du Nouvel An entraînait un risque d’« enclicage »13 dont je devins conscient au fil des années. Mais le réseau qui m’adoptait était d’une extrême richesse et débordait les cadres des « cliques » rivales – aux frontières toujours mouvantes – du terrain dans lequel j’enquêtais.

Il était en outre complété et, d’une certaine manière, « compensé » par des contacts que j’avais pu établir par l’intermédiaire d’autres relations, notamment grâce à Vincent Kolbe, ancien bibliothécaire aux Public Libraries de Bonteheuwel et de Kensington (townships coloureds), militant anti-apartheid, musicien et encyclopédie vivante de la culture du Cap ; à Chris Ferndale, ancien activiste du Front démocratique uni (UDF)14, employé à la mairie du Cap puis au parlement régional du Western Cape, et poète très proche des milieux du jazz local, et à Achmat Davids, travailleur social, linguiste, grand connaisseur de l’histoire et des spécificités de l’islam au Cap, notamment de sa tolérance pour la musique15. Ayant pesé les avantages et les inconvénients de mes relations privilégiées avec Melvyn Matthews et Anwar Gambino, je décidai rapidement d’y rester fidèle. Il faudrait sans doute évoquer au surplus les liens d’amitié qui naissent dans ce type d’investigation : ils ont joué un rôle décisif au démarrage, puis ont été durablement tissés avec certains de mes interlocuteurs et ont indéniablement tenu une grande place, qui m’a toujours paru fructueuse, dans mon travail au Cap ; biais sentimental peut-être mais, je crois, inévitable dans ce type de recherche et souvent fécond.

Pour fructueux qu’ils soient, ces liens ne sont pas sans risques autres que l’« enclicage » : ils peuvent biaiser l’ethnographie et, par conséquent, certains résultats de l’analyse. Outre l’utilisation de plusieurs réseaux d’interlocuteurs qui ne remettait pas en cause les liens tissés avec les partenaires principaux, trois garde-fous m’ont toutefois semblé efficaces : la mise en perspective comparatiste des phénomènes étudiés (notamment les fêtes) ; le recours à des formes d’analyse musicale, basées sur l’étude des caractéristiques intrinsèques de la musique, qui excluent tout jugement esthétique ; enfin, le passage par l’histoire qui permet de contextualiser les pratiques contemporaines et en favorise une compréhension plus distanciée.

Enquêtes

Une fois le terrain circonscrit par le projet et progressivement balisé par les réseaux d’interlocuteurs et de partenaires16, j’entrepris trois types d’enquête : observation des fêtes du Nouvel An en 1994 ; entretiens avec des acteurs et commentateurs de ces événements ; recherche et lecture de textes portant sur elles. Ils ont été producteurs de documents de travail qui, une fois ma recherche achevée, ont constitué mes archives d’enquête.

Observation

1994 fut une année particulière pour l’Afrique du Sud puisque s’y déroulèrent les premières élections au suffrage universel marquant le terme de l’apartheid, sinon de ses conséquences17. Les fêtes précédèrent celles-ci de quelques mois et prirent place dans un climat tendu, marqué par des attentats et agité par la crainte d’une généralisation de la violence. Chez les coloureds, et en particulier parmi les plus défavorisés, s’y ajoutait l’incertitude – attisée par les conservateurs blancs sur la base de préjugés instillés par plus d’un siècle et demi de « pouvoir pâle » (Thion 1969) – quant au traitement qui leur serait réservé par un gouvernement perçu comme « africain ». Les fêtes du Nouvel An prirent donc une tonalité particulière : à la fois proclamation éclatante du rôle historique des coloureds au Cap et appels réitérés à la paix.

Deux carnavals principaux furent organisés cette année-là : l’un, par le District Six Coon Carnival Board, dans le stade de Green Point ; l’autre par le Cape Town Original Coon Carnival à la Green Point Cycle Track. Ces deux enceintes étant proches, il me fut aisé d’aller de l’une à l’autre pour regarder, filmer en vidéo et prendre des photos. Les vidéos, complétant l’observation, me servirent à l’analyse symbolique du déroulement, des costumes, des langages du corps, des répertoires musicaux et fournirent la matière d’un documentaire (Martin 2009). Les photos y contribuèrent aussi et illustrèrent certaines publications ainsi que la pochette d’un CD (The Tulips 2002). Je ne pus par la suite assister à d’autres carnavals mais suivis de loin leur évolution à l’aide de captations que m’envoya Melvyn Matthews. Je pus, en revanche, écouter les années suivantes quelques compétitions de chœurs et collecter des enregistrements audio ou vidéo d’autres auxquelles je n’étais pas présent.

Entretiens

Parallèlement, j’entamai dès la fin 1993 des entretiens que je continuai d’enregistrer jusqu’en 2015, d’abord sur le carnaval des Klopse puis sur toutes les musiques pratiquées au Cap18, et notamment les compétitions de chœurs malais19. Lors des premières enquêtes, en 1994, il m’avait paru nécessaire de recourir à une assistante de recherche. Après un premier essai insatisfaisant avec une étudiante de UWC, je fus mis en relation avec Gadidja Vallie20, qui m’aida considérablement : prise de rendez-vous pour les entretiens, navigation dans les townships coloureds, traduction de l’afrikaans lorsque nécessaire et enquête par téléphone auprès d’un grand nombre de « capitaines » de troupes de carnaval. Par la suite, j’appris à travailler seul21. Tous les entretiens furent enregistrés en anglais, la plupart sur cassette, sur minidisque puis sur fichier numérique. De la fin 1993 à mai 2015, j’amassai plus de 90 entretiens audio, dont 9 de groupe, à quoi il faut ajouter deux entretiens vidéo avec des vétérans du carnaval et deux tables rondes organisées au Stellenbosch Institute of Advanced Studies en 200722. Ces entretiens, recourant autant que faire se pouvait à des méthodes non directives23, furent systématiquement transcrits (à l’exception des entretiens vidéo).

Documentation

Lorsque j’entrepris cette recherche, je pensais naïvement que l’histoire des fêtes du Nouvel An avait déjà été écrite et que je pourrais me contenter d’utiliser des matériaux de seconde main pour me concentrer sur les questions contemporaines. En réalité, hormis des évocations, souvent dans une tonalité folkloriste, incluses dans des ouvrages journalistiques sur Le Cap et quelques furtives notations dans des livres d’historiens, il n’existait que trois textes sérieusement informés et proposant de premières analyses. Le premier est l’étude pionnière de Gerald L. Stone (psychothérapeute et linguiste, un des seuls blancs à avoir été membre d’une troupe de carnaval, rencontré grâce à Melvyn Matthews), exposé non publié présenté à l’université du Cap (Stone 1971). Gerald Stone, très généreusement, me remit non seulement un exemplaire de ce texte, mais me communiqua également une partie de ses archives. Les deux autres textes sont les publications de l’historien Shamil Jeppie (Jeppie et Levitan 1990 ; Jeppie 1990), professeur à l’université du Cap (UCT), qui par la suite m’aida très amicalement à comprendre la place de l’islam dans la vie sociale et la culture des coloureds. Du point de vue historique, l’essentiel restait à faire.

Je passai donc de nombreuses journées à la National Library of South Africa, remarquablement organisée, au personnel extrêmement obligeant, où je pus parcourir, et lorsque nécessaire photocopier, des collections anciennes de journaux du Cap dans lesquelles je notais toutes les mentions et relations des fêtes du Nouvel An et des divertissements qui les avaient précédées depuis le milieu du xixe siècle, notamment celles portant sur les tournées de blackface minstrels états-uniens, blancs et afro-américains. Je pus également y consulter des livres et revues où je pensais trouver des informations utiles. Ce travail en bibliothèque fut, moins intensivement, complété au centre de documentation du Center for African Studies de UCT, ainsi que par l’achat d’ouvrages à la remarquable librairie de Long Street, Clarke’s24. Ces matériaux servirent à préciser la chronologie de l’invention de pratiques culturelles créoles au Cap, à saisir le développement des compétitions de Klopse et de chœurs malais à partir de 1907, à établir une liste des troupes mentionnées dans la presse (certainement non exhaustive et entachée d’erreurs d’orthographe dues à la difficulté pour les rédacteurs blancs de comprendre le dialecte afrikaans et la prononciation des festivaliers coloureds, mais quand même très utile) pour, finalement, compiler des Chronicles of the Kaapse Klopse, restituant des visions historiques des fêtes du Nouvel An et des manifestations capetoniennes les ayant précédées, de 1707 à 1996. Ces chroniques furent initialement publiées sur le site du « laboratoire virtuel » Critical World, Université de Montréal, et sont déposées sur les plateformes HAL et Nakala (voir « Liste des sources »). Je pouvais ainsi contribuer à dresser les grandes lignes d’une histoire jusqu’alors négligée.

Implications des partenariats de recherche

Chercheuses et chercheurs sur le terrain ont besoin de partenaires locaux : certains fournissent des informations et des contacts, d’autres acceptent de prendre du temps pour les rencontrer et répondre à leurs questions. Ces relations doivent entraîner des réciprocités. J’ai toujours refusé de payer ces partenaires25, tout en sachant que je leur étais redevable et qu’il me faudrait, au moins pour certains d’entre eux, trouver un moyen de les remercier. En me présentant, j’ai toujours eu soin de souligner que mon travail n’était pas journalistique et que je n’appartenais pas aux milieux de la production musicale.

Pourtant, en France, je fus quelquefois sollicité pour intervenir comme conseiller à la programmation dans l’organisation de manifestations autour de l’Afrique du Sud. Dans ces situations, je suggérai aux décideurs qui, le plus fréquemment, faisaient des voyages exploratoires sur place, d’entendre des formations conduites par mes principaux interlocuteurs : Melvyn Matthews et Anwar Gambeno. Je n’étais nullement en position de programmateur, simplement d’« influenceur », mais il résulta de ces « conseils » que les Tulips et les Cape Traditional Singers, ensembles dirigés par Anwar Gambeno, ainsi qu’une fanfare issue du mouvement des street bands lancé par Melvyn Matthews furent invités à se produire en France : en 1997 au Festival « Fin de siècle à Johannesburg » de Nantes ; en 2004 au Festival des Hauts de Garonne puis en 2013 au Carnaval des deux rives de Bordeaux ; enfin, en 2013 également, au Festival d’automne à Paris26. Ces groupes avaient auparavant eu l’occasion de se produire hors d’Afrique du Sud mais ces voyages en France accrurent leur prestige (non sans provoquer quelques jalousies) et donnèrent aux plus jeunes de leurs membres l’occasion de sortir pour la première fois de leur pays. Les rencontres hors du Cap dont ces invitations furent l’occasion multiplièrent les contacts informels, sans nécessairement ajouter aux enquêtes proprement dites et, surtout, resserrèrent encore les liens d’amitié entretenus non seulement avec les responsables mais aussi avec plusieurs membres de ces groupes.

J’avais insisté sur le fait que je n’avais pas de liens avec le marché de la musique. Toutefois, j’étais membre de la Société française d’ethnomusicologie et pouvais lui emprunter un matériel d’enregistrement de qualité satisfaisante. Je proposai donc à Anwar Gambeno d’enregistrer son chœur27, en précisant que je ne pouvais rien promettre mais que je m’engageais à proposer ces enregistrements à des firmes phonographiques spécialisées, ce qu’il accepta sans difficulté. Chris Ferndale nous obtint l’utilisation d’un auditorium de la mairie du Cap et nous gravâmes 19 chansons, dont 15 furent finalement retenues pour un CD publié par Buda Records (The Tulips 2002), disque qui reçut en juillet 2002 un « choc » du Monde de la musique28, ce qui malheureusement ne stimula pas sa vente.

Ce type de réciprocité n’est pas sans poser des questions : il ne peut bénéficier qu’à certains interlocuteurs et introduit une dimension quasi commerciale dans les relations de recherche. Dans la mesure où je l’ai établie avec mes partenaires principaux, où je n’y ai jamais eu le moindre intérêt financier, où elle a fonctionné par l’intermédiaire de programmateurs ou d’un producteur de disque qui prenaient les décisions finales et signaient les contrats, où, au-delà de ces chœurs et cet orchestre, j’avais le sentiment de faire connaître des musiques originales et très peu diffusées hors du Cap et où, ni Melvyn Matthews, ni Anwar Gambeno, ni quiconque n’ont jamais rien exigé de moi, il m’a semblé tolérable d’assumer cette position d’influenceur et de truchement.

Ces quelques interventions hors du champ de la recherche proprement dite ont répondu, dans mon esprit et probablement dans ceux de mes partenaires, à une forme de réciprocité qui me semble nécessaire dans un travail tel que celui que j’avais entrepris au Cap et je ne pense pas qu’elles en aient modifié les résultats. Le seul inconvénient qu’elles ont provoqué, dans les dernières années de mes enquêtes, fut le mécontentement de certains chefs de Klops ou de chœur de n’avoir pas aussi été invités en France, exprimé par quelques personnes (peu au demeurant) qui m’avaient, certes, aidé mais pas autant, loin de là, que Melvyn Matthews et Anwar Gambeno.

L’enfermement dans lequel avait vécu l’Afrique du Sud, et tout particulièrement les membres de groupes infériorisés par l’apartheid, avait empêché que circule l’information sur les carnavals organisés dans d’autres régions du monde. Outre des exposés dans des universités sud-africaines, il me fut demandé à deux reprises de faire une intervention sur les rapports entre les fêtes du Cap et des carnavals européens ou américains. Chris Ferndale organisa ainsi en 1994 un séminaire avec des responsables de troupes et organisateurs de carnavals, au cours duquel j’insistai sur l’universalité des rites du renouveau, qui incluent les carnavals, et projetai des vidéos montrant qu’en Europe, notamment, les comportements carnavalesques pouvaient être bien plus débridés et « indécents » qu’ils ne l’étaient au Cap29.

Je refis en 2009 le même genre d’intervention au District Six Museum30, dans le cadre d’un atelier sur Carnivals in World Perspective pour la Kaapse Klopse Karnival Associasie. Enfin, je participai en 1996 à des séances de travail réunissant le bureau du Carnival Development Committee et les nouveaux conseillers municipaux chargés de suivre ce dossier, ainsi qu’à une réunion technique consacrée à la définition d’une nouvelle politique culturelle pour la municipalité du Cap. On me demanda également d’être, en 2009, conseiller pour l’exposition Klopse Carnival in Cape Town organisée par les musées publics Iziko du Cap puis, dans les années 2000, pour la création d’un Musical Heritage Centre sur le domaine viticole Solms-Delta à Franschhoek31. Sans tenir lieu de « restitution » dans l’idée qu’on s’en fait habituellement, ces interventions me paraissent a posteriori avoir permis de donner à la présentation des résultats de mes recherches une dimension plus pratique, plus en phase finalement avec les intérêts de mes interlocuteurs, qu’un simple compte rendu (effectué par ailleurs dans plusieurs universités). À celles-ci, il convient d’ajouter les quelques fois où mes partenaires privilégiés me demandèrent de les accompagner lors de rendez-vous avec des officiels de la mairie ou de la province, non pas tant sur la base de ma compétence supposée, mais parce que la présence d’un universitaire blanc européen donnait une plus grande légitimité aux démarches qu’ils entreprenaient dans une situation où le poids d’une histoire de mépris et de dévalorisation à l’endroit des coloureds, surtout du prolétariat, était encore lourd. Je n’en fus pas conscient dès le départ mais acceptai de jouer ce rôle qui, ici encore, venait en contrepartie du soutien qu’ils m’avaient accordé et sans lequel je n’aurais pas pu accomplir mon travail.

Dernière implication de recherche dont je me dois de souligner l’importance : les accompagnements d’étudiantes et d’étudiants. Deux d’entre elles entreprirent des recherches au Cap qui complétaient les miennes : Armelle Gaulier et Lorraine Roubertie, à l’université Paris 8 (Gaulier 2007 ; 2009 ; Roubertie 2006 ; 2012). Ce que l’on appelle une « direction » (en l’occurrence, des codirections) de travaux universitaires est en fait une relation dialectique au cours de laquelle s’échangent des savoirs et des expériences, relation qui s’avère le plus souvent extrêmement fructueuse pour la personne chargée de l’encadrement. Lorsqu’il se trouve que celui ou celle qui a titre de « directeur » et les étudiantes (dans le cas présent) travaillent dans le même domaine, cet échange est encore plus riche. Pour dire bref, si j’ai fourni à Armelle Gaulier et Lorraine Roubertie des contacts initiaux et des suggestions d’orientation, elles ont très rapidement élaboré elles-mêmes leurs problématiques et construit leurs terrains d’où elles ont rapporté des analyses originales très stimulantes et des contacts nouveaux qui m’ont été par la suite fort utiles. La collaboration avec Armelle Gaulier, ayant une formation d’ethnomusicologue, aboutit à la rédaction commune d’un ouvrage, qui a combiné le résultat de ses recherches à tonalité plus ethnomusicologiques à celui des miennes de tendance plus socio-anthropologique. Elle y a compensé mon incapacité à conduire des analyses musicales techniques, non sans apporter au surplus une importante contribution aux analyses socio-anthropologiques (Gaulier et Martin 2017).

Aboutissements de la recherche

Publications

Mes recherches au Cap ont fourni la base de trois livres : Coon Carnival, New Year in Cape Town, Past and Present, Cape Town, David Philip, 199932 ; Sounding the Cape, Music, Identity and Politics in South Africa, Somerset West, African Minds, 2013 ; Cape Town Harmonies, Memory, Humour and Resilience, Somerset West, African Minds, 2017 (avec Armelle Gaulier). Le premier traite de l’histoire des fêtes du Nouvel An et en propose une première analyse des points de vue de la créolisation et de la construction des identités coloureds. Le deuxième dresse un panorama général des musiques pratiquées au Cap, approfondit les mécanismes de la créolisation sud-africaine et tente d’affiner l’analyse identitaire. Le troisième s’intéresse aux répertoires des chœurs masculins et s’appuie sur les analyses musicales d’Armelle Gaulier pour y trouver des matériaux susceptibles d’aider à mieux comprendre leurs composantes mémorielles et le rôle de l’humour dans des phénomènes de résilience collective.

J’ai décidé de publier ces trois ouvrages en anglais et en Afrique du Sud, dans l’espoir qu’ils pourraient ainsi participer aux débats portant sur l’histoire des cultures sud-africaines, donc sur les « identités », notamment sur la place occupée par les coloureds dans cette histoire et sur celle qu’ils pourraient tenir dans l’Afrique du Sud post-apartheid. J’avais, par ailleurs, la conviction que les lecteurs francophones intéressés par ces questions pourraient les lire en anglais. Lorsque j’envisageai de publier un premier livre sur les fêtes du Nouvel An, Catherine Lauga-Glenn m’orienta vers Russel Martin, alors responsable des éditions David Philip qui avaient acquis un grand prestige dans la lutte anti-apartheid (Hacksley 2009). En ce qui concerne le deuxième, Anri Herbst, professeure au Collège de musique de UCT et rédactrice en chef du Journal of the Musical Arts in Africa, me conseilla de reprendre contact avec François Van Schalkwyck, qui avait été le réviseur (copy editor) de Coon Carnival. Celui-ci avait en effet lancé African Minds, une maison d’édition abritant une collection de travaux universitaires publiés sous licences Creative Commons, c’est-à-dire en version imprimée payante mais aussi en PDF accessible gratuitement en ligne, redistribuable et réutilisable. Hormis le fait que les publications d’African Minds sont extrêmement bien présentées, la possibilité de rendre mes travaux sur Le Cap accessibles au plus grand nombre possible de lecteurs me séduisit particulièrement33. De nombreux articles et chapitres d’ouvrage34, en français et en anglais, ainsi que, comme mentionné plus haut, un documentaire et un CD contribuèrent également à la diffusion du résultat de mes recherches.

Archives

Une fois ces diverses publications réalisées, me restaient des documents susceptibles d’être encore utilisés, par d’autres, pour d’autres recherches. Je pensai à nouveau que le mieux serait de les confier à un organisme sud-africain. Après avoir classé tous mes documents (imprimés, photos, enregistrements audio et vidéo) et sélectionné ceux qu’il me paraissait possible de rendre publics, je décidai finalement de les remettre à DOMUS, le centre de documentation sur la musique (Documentation Centre for Music) abrité par le département de Musique de l’université de Stellenbosch. J’ai choisi DOMUS à la fois parce qu’une part importante de mes investigations avait été rendue possible grâce à des résidences de recherche à STIAS, qui est lié à l’université de Stellenbosch, et parce que je connaissais la qualité de la gestion des collections déposées dans ce centre, dont il n’existe pas d’équivalent dans les autres universités du Cap35. Une partie des documents collectés durant plus de vingt ans de recherches de terrain constituait de ce fait un fonds d’archives, consultable sur place mais non numérisé, et donc pas mis en ligne36. L’autre partie, qui demeure en ma possession, consiste en divers matériaux : cassettes VHS des prises de vue ayant servi pour le film documentaire, de certains entretiens, ainsi que d’autres manifestations, notamment des répétitions de chœurs et de troupes de carnaval ; diapositives argentiques et photos numériques prises par moi-même ; copies scannées des imprimés remis à DOMUS ; une collection disparate de captations sonores ou audiovisuelles du carnaval et des compétitions de chœurs (ces dernières, produites par les comités organisateurs de ces manifestations, sont soumises à des droits de propriété et je ne peux donc les rendre publiques)37. Finalement, j’avais compilé une série de coupures de presse et d’extraits de livres que j’ai rassemblés dans mes Chronicles of the Kaapse Klopse.

Ces documents pourraient intéresser des chercheuses et des chercheurs, étudiants ou professionnels, en particulier sud-africains, désireux de poursuivre les travaux entrepris par Armelle Gaulier, Lorraine Roubertie et moi-même. Les divers supports sur lesquels ils se trouvent illustrent les changements techniques qui ont modifié les conditions de collecte : passage de l’enregistrement audio sur cassettes, puis sur MiniDVs, puis sur enregistreur numérique ; passage de la prise de vue vidéo du VHS au numérique ; passage de la photo argentique au cliché numérique ; passage de l’imprimé photocopié (ou tiré sur papier à partir de microfilms) au texte scanné et numérisé. Ces changements soulèvent aujourd’hui des difficultés de reproduction et de consultation : il faut avoir conservé en état de marche des appareils pouvant lire ces différents supports ou trouver des organismes capables de reporter ce qui se trouve sur les plus anciens sur ceux qu’on utilise actuellement, seuls susceptibles d’être mis en ligne. Pour des raisons de droits de propriété, certains ne pourront, de toute manière, pas être diffusés publiquement mais pourraient être consultés sur demande38. Ces problèmes techniques ne peuvent, pour la plupart, être surmontés par les personnes détentrices de ces matériaux. Seules des institutions, dotées des capacités de conversion des documents originaux et de conservation de leurs copies numérisées pourraient les résoudre pour, au bout du périple, les rendre accessibles par internet. Reste à décider si ce dont ils rendent compte suscite un intérêt suffisant pour justifier un tel investissement.

Remarques non conclusives

Ce récit a tenté de résumer une recherche de terrain au long cours qui a produit une masse importante de matériaux, en entrant dans le détail des conditions de leur collecte. Cette recherche porte sur un objet longtemps négligé et encore souvent considéré comme manquant de légitimité universitaire. L’étude des fêtes du Nouvel An et des musiques du Cap a, il me semble, conforté le postulat de la complexité des attitudes des citoyens face au pouvoir et mis tout particulièrement en évidence leur dimension affective et les ambivalences qui les trament (Martin 2002). Elle a également confirmé la fluidité et la variabilité des constructions identitaires, caractéristiques qui nourrissent d’incessants débats parmi ceux qui se réclament de ces « identités » ou à qui elles sont attribuées (Martin 2010). L’idée de « tradition » constitue un élément important de ces débats et leur remodelage, leur réinvention permanente sous-tendent l’évolution des mémoires, et par conséquent la manière dont elles peuvent être utilisées en politique. Les carnavals des Klopse comme les compétitions de chœurs malais l’illustrent abondamment. Par ailleurs, mes recherches ont contribué à préciser un pan de l’histoire culturelle du Cap jusqu’alors peu exploré et ajouté des arguments pour dénoncer les préjugés qui ont longtemps nourri la dévalorisation et la marginalisation des coloureds et de leurs pratiques culturelles. David Coplan (2008) avait déjà montré que celles-ci avaient en réalité lancé des dynamiques de création affectant la totalité des cultures sud-africaines. La vitalité des fêtes du Nouvel An ainsi que la vigueur musicale du Cap en fournissent de nouvelles preuves (Martin 2013 ; Roubertie 2012). Finalement, j’espère que mon travail apporte quelques éléments supplémentaires pour aider à l’annihilation complète du stéréotype des coloureds comme population dépendante des blancs, sans histoire et sans culture, préjugé qui n’a pas totalement disparu et pèse encore sur la politique au Cap, dans le Western Cape et à l’échelon national39.

Liste des sources

Les sources sont disponibles via ce site : https://cape-town-festivals.nakala.fr/
Collection Nakala : https://nakala.fr/collection/10.34847/nkl.df4au56x

Avertissement. Les documents et clichés présentés dans cette collection ne constituent qu’une partie de la documentation collectée au cours de ma recherche. S’agissant de la presse et des photos, j’ai opéré une sélection en choisissant ce qui me paraissait le plus représentatif et ce qui, dans une succession chronologique, pouvait rendre compte de l’évolution des fêtes du Nouvel An au Cap et de leurs significations sociales, voire politiques. Je conserve évidemment le reste de cette documentation. J’ai opéré, sous le titre « Chronicles of the Kaapse Klopse », une sélection d’extraits de textes (publiés dans la presse, ou dans des ouvrages) relatifs à l’histoire des musiques et des fêtes du Cap (document 1).

La totalité des coupures de presse peut être consultée à la South African Library du Cap. On peut trouver sur internet et dans certains livres (en particulier, le superbe : John Edwin Mason, One Love, Ghoema Beat, Inside the Cape Town Carnival, Cape Town, Struik Travel & Heritage, 2010) bien d’autres photos. Les documents imprimés sont divers et ne constituent pas des collections cohérentes ; ici encore, j’ai sélectionné ceux qui me paraissaient les plus pertinents pour comprendre la vie des acteurs des fêtes du Nouvel An (carnavaliers, responsables de troupes et de chœurs, organisateurs de carnavals et de compétitions). On trouvera donc des documents internes aux boards organisateurs, aux klopse, aux Malay Choirs et aux Christmas Choirs, ainsi que ceux qui rappellent l’importance de l’association MAPP dans la lutte culturelle et musicale contre l’apartheid. En revanche, j’ai choisi de ne pas inclure des enregistrements ou des transcriptions d’entretiens. Ceux-ci ont été recueillis avec le consentement oral des interlocuteurs — sans signature d’un quelconque formulaire d’autorisation — qui avaient au préalable été informés du but de mon travail et du cadre dans lequel je l’effectuais. Ils reposaient donc sur un agrément m’autorisant à utiliser les propos tenus pour ma recherche et ses débouchés imprimés mais il n’a jamais été question qu’ils soient plus largement diffusés. On en trouvera des extraits significatifs dans les trois ouvrages que j’ai consacrés aux fêtes et musiques du Cap. La totalité des enregistrements de ces entretiens et leurs transcriptions ont été déposés à DOMUS où ils pourraient éventuellement être consultés. Cette prudence, peut-être excessive, est motivée par le fait que les fêtes du Nouvel An ont longtemps fait l’objet de contestations critiquant le comportement des membres des klopse (d’autant plus qu’ils ont été, à un moment ou à un autre, nommés coons ou minstrels), mésinterprétés par des personnes nourries de préjugés de classe, d’une conception victorienne de la décence et ignorant l’universalité des rituels du renouveau, les costumes, les musiques et les langages du corps illustrés par d’autres carnavals à travers le monde et qu’il m’est arrivé d’être moi-même critiqué pour les traiter avec sérieux.

1. Chronicles of the Kaapse Klopse followed by Themes in Klopse Names

1 document PDF (260 pages).
Identifiant : https://doi.org/10.34847/nkl.92efbl79

Chronicles of the Kaapse Klopse followed by Themes in Klopse Names

2. Photographies

41 photographies (1972 à 2015). Auteur : Denis-Constant Martin, sauf mention contraire.
Identifiant : https://doi.org/10.34847/nkl.632arx0m

Liste des photographies

01. Mes deux partenaires privilégiés, sans qui je n’aurais pu mener à bien mes recherches au Cap : Anwar Gambeno (à gauche) et Melvyn Matthews (à droite).
02. Première rencontre avec Chris McGregor, Polegate (Sussex de l’est), avril 1972.
03. Programme de la représentation de Woza Albert, Market Theater, Johannesburg, 1 juillet 1981.
04. Nuit de la Saint-Sylvestre 1993-1994, défilé des Malay Choirs dans le Bo Kaap, un des plus vieux quartiers du Cap, autrefois « réservé » aux coloureds musulmans.
05. Défilé des klopse dans le centre-ville, Wale Street, 3 janvier 1994.
06. Entrée des troupes dans l’enceinte du carnaval des klopse, Green Point Track, 3 janvier 1994 : les Penny Pinchers All Stars, précédés de leurs tambours-majors (drum majors).
07. Le plaisir (fun) et le sentiment de libération (tariek) des carnavaliers durant la Grand March Past (défilé ordonné), Green Point Stadium, 3 janvier 1994.
08. Chaque troupe arbore un emblème peint ou sculpté (board, objet d’une compétition : best board) : les Cape Town Entertainers souhaitent une heureuse nouvelle année aux spectateurs, Green Point Track, 3 janvier 1994.
09. Dans le contexte particulier de 1994 (quelques mois avant les premières élections au suffrage universel ; période pré-électorale marquée par des violences) beaucoup de troupes brandissent également le symbole de la paix, Green Point Track, 3 janvier 1994.
10. Compétition de chanson comique en anglais (English moppie) : les Cape Town Hawkers (effectivement composés en majorité de marchands ambulants ou forains, hawkers), Green Point Track, 8 janvier 1994.
11-12. Visite du président Nelson Mandela au carnaval des klopse, 1er janvier 1996 (clichés Melvyn Matthews, avec l’aimable autorisation de ce dernier).
13. Fêtes des Tulips-Cape Traditional Singers (noms sous lesquels se produit le chœur dirigé par Anwar Gambeno), 22 juin 2005 ; soliste : Johaar Kenny ; des jeunes filles chantent dans le groupe mais n’ont pas le droit d’y apparaître pendant les compétitions.
14. Répétition en vue d’un concert associant les Tulips-Cape Traditional Singers et Hlanganani, ensemble de marimbas basé à Langa, 26 septembre 2007 ; cas rare sinon alors unique de partage d’une scène par un Malay Choir et un orchestre composé d’Africains noirs.
15-16-17. Les Tulips-Cape Traditional Singers au festival des Hauts de Garonne, Bordeaux, en plein air et dans la librairie Mollat ; 3 et 7 juillet 2004.
18-19-20. Défilé de street bands, 16 juin 2005. La Western Cape Street Bands Association a été créée en 2005, en association avec la Kaapse Klopse Karnaval Assosiasie afin de donner à de jeunes musiciens une formation (technique instrumentale, lecture, pratique d’ensemble) leur permettant par la suite de rejoindre les orchestres qui accompagnent les klopse pendant le carnaval du nouvel an et, éventuellement, de participer à d’autres activités musicales.
21. Soirée langarm (réunion de danse très populaire chez les coloureds, où l’on joue des airs à la mode, ainsi que des vastrap, danse qui remonte sans doute au xixe siècle) organisé au profit de la Kaapse Klopse Karnaval Assosiasie ; 7 novembre 2009.
22. Répétition du chœur Las Vegas Lentegeur (nom d’un township coloured) dans une école ; 8 novembre 2009.
23. Répétition des Tulips-Cape Traditional Singers sous la direction d’Anwar Gambeno : Afrikaans Moppie, « Katrina Die Voorloeper » (les paroles que les chanteurs doivent mémoriser sont inscrites sur les panneaux de papier accrochés au mur dans une vaste pièce attenante à la maison du chef de chœur) ; Mogamat Petersen, banjo ; 24 novembre 2009. Voir vidéos : https://doi.org/10.34847/nkl.ad346cxc
24. Lorsque commencent les répétitions des chœurs des klopse, une banderole portant les couleurs du klops est tendue en travers de la rue à la hauteur de la klopskammer (quartier général, lieu de répétition) du klops ; Bishop Lavis (township coloured), 23 octobre 2011.
25. Répétition du chœur du klops Carnival Boys, dans la cour couverte devant la maison du « capitaine » de la troupe ; Lavender Hill, 30 octobre 2011.
26. Répétition du chœur du klops Fabulous Playboys ; les panneaux de papiers sont remplacés par une projection de diapos ; Silvertown, 30 octobre 2011.
27. Répétition du klops Kenfac Entertainers sous la direction du jeune comédien Waseef Piekaan (T-shirt gris, CD à la main) ; Factreton, 23 octobre 2011.
28. Jeune chanteuse du klops Woodstock Starlites ; Woodstock, 23 octobre 2011.
29. Répétition du chœur du klops Woodstock Starlites ; Woodstock, 23 octobre 2011.
30. Répétition des Tulips-Cape Traditional Singers sous la direction d’Anwar Gambeno, avec quatuor à cordes, pour la compétition du Combined Chorus (chœur sans soliste), dans une vaste pièce attenante à la maison du chef de chœur ; 22 février 2012.
31-32. Id. durant une panne d’électricité.
33. Les Cape Traditional Singers en costume de Malay Choir, chanson comique (moppie) soliste : Johaar Kenny ; Festival d’automne à Paris, 28 avril 2013. Voir vidéos : https://doi.org/10.34847/nkl.ad346cxc
34. Les Cape Traditional Singers en costume de klops, Festival d’automne à Paris, 28 avril 2013. Voir vidéos : https://doi.org/10.34847/nkl.ad346cxc
35. Jeune chanteur des Cape Traditional Singers, Festival d’automne à Paris, 28 avril 2013. Voir vidéos : https://doi.org/10.34847/nkl.ad346cxc
36. Le Fezeka Youth Choir (issu de la Fezeka Secondary School de Gugulethu, township noir africain), sous la direction de Phume Tsewu, Festival d’automne à Paris, 28 avril 2013. Voir vidéos : https://doi.org/10.34847/nkl.ad346cxc
37. Le Fezeka Youth Choir interprétant « Stimela » (locomotive à vapeur, train en isiZulu), chanson évoquant les voyages en train effectués par les travailleurs migrants en provenance du Mozambique, du Malawi, de Rhodésie, etc. ; Festival d’automne à Paris, 28 avril 2013. Voir vidéos : https://doi.org/10.34847/nkl.ad346cxc
38. Annonce des concerts des Cape Traditional Singers et de iGugu Le Kapa (Fezeka Youth Choir) au Festival de Hollande, Amsterdam, 17 juin 2015.
39-40. Atelier conduit par Phume Tsewu et des chanteuses de iGugu Le Kapa avec des chanteuses et chanteurs amateurs hollandais, Festival de Hollande, Amsterdam, 18 juin 2015.
41. Riverside Roses, finale de la compétition des Malay Choirs du Keep the Dream Malay Choir Board, 22 mars 2015.

3. Vidéos. Cape Traditional Singers & Fezeka Youth Choir, Traditional Music from The Cape

3 vidéos de concerts (2013). Auteur : Denis-Constant Martin.
Identifiant : https://doi.org/10.34847/nkl.ad346cxc
Extraits de concert filmés par Denis-Constant Martin à la Scène nationale d’Orléans, le 8 octobre 2013 ; reproduits avec l’aimable autorisation de M. Anwar Gambeno et du Festival d’automne à Paris : Joséphine Markowits et Bénédicte Dreher.

Les Cape Traditional Singers

Les Cape Traditional Singers ont été créés par Anwar Gambeno afin de faire entendre en dehors du Cap les répertoires choraux emblématiques de cette ville. Ce groupe chante aussi bien les chansons de carnaval qu’interprètent les klopse (clubs) lors des fêtes du Nouvel An, que les chants des Malay Choirs, dont les compétitions se déroulent chaque année après celles des klopse. Deux genres sont particulièrement typiques du Cap. Les moppies, chansons comiques en afrikaans dans lesquelles des paroles drolatiques sont placées sur un assemblage de bribes mélodiques empruntées un peu partout ; le soliste doit y jouer l’humour en soulignant ou complétant du geste l’histoire. Et les nederlandsliedjies (petites chansons hollandaises) qui appartiennent en propre aux Malay Choirs. Leurs airs et leurs paroles sont d’origine néerlandaise mais ont été transformés par un style d’interprétation qui associe un soliste devant subtilement ornementer les mélodies et « passer » celles-ci au chœur selon des techniques très élaborées ; il en résulte un contraste surprenant entre la voix soliste, qui évoque le monde arabe et l’Orient, et le chœur qui utilise l’harmonie tonale occidentale. Anwar Gambeno est chanteur et directeur musical, pour les Malay Choirs et les klopse. Comme presque tous les chefs de chœur, il ne sait ni lire ni écrire la musique, mais il maîtrise totalement l’art de composer de tête des mélodies et d’harmoniser des polyphonies à trois ou quatre voix. Il sait tirer le meilleur parti de chanteurs qu’il contribue à former, parfois dès un très jeune âge, et attirer des solistes de grande qualité, que ce soit pour les moppies ou les nederlandsliedjies. Anwar Gambeno est également un homme engagé dans sa communauté : son chœur est un havre pour des jeunes qui évitent ainsi les pièges de la drogue et des gangs ; il participe en outre à diverses actions caritatives. Musicien « amateur », dans tous les sens du terme, il défend une conception du chant qui ne refuse pas la modernisation mais vise à conserver les traits les plus forts de ce qu’il appelle « la tradition ».

Crédits

Direction et tambour ghoema : Anwar Gambeno.
Musiciens : Ismail Adams, guitare ; Frank Hendricks, guitare ; Mogamat Adeeb Majiet, tambour ghoema ; Mogamat Petersen, banjo ; Clive Samuel, guitare basse ; Ridhwaan Trompeter, guitare et banjo.
Solistes : Jereme Trompeter, soliste moppie ; Johaar Kenny, soliste moppie ; Mustapha Adams, soliste nederlands.
Chœur : Durrell Africa, Shaheed Alexander, Nicholas Arendolf, Jageja Davids, Morne Davids, Muneeb Gambeno, Peter Gambeno, Irufaan Kamaldien, Jonathan Lombard, Cheslyn Samuel Lombard, Mogamat Manuel, Mogamat Ismail Majiet, Melvyn Matthews, Raymond Solomons, Dassien Woodman.

Le Fezeka Youth Choir

Le chœur formé par Phumelele Tsewu est l’héritier d’une histoire qui remonte au début du xixe siècle. En 1824, des envoyés de la Glasgow Missionary Society fondent une mission à Lovedale (aujourd’hui dans l’Eastern Cape). En 1841, ils y ouvrent un institut pour des jeunes Africains des deux sexes. La musique, le chant des cantiques y font partie intégrante de l’enseignement. Très vite, les élèves donnent une couleur particulière aux hymnes qu’ils interprètent : ils mêlent la polyphonie à quatre parties des chœurs européens aux structures responsoriales, construites en cycles décalés et assises sur des figures rythmiques intriquées du chant africain. Cette transformation de l’hymnodie européenne sera formalisée par des compositeurs formés à Lovedale et dans d’autres institutions tel l’Ohlange Institute du Natal. John Knox Bokwe, Reuben Caluza, Enoch Sontonga, Tiyo Soga composèrent des cantiques chrétiens mais aussi des chants dans lesquels ils parlaient du sort fait aux Africains. « Nkosi Sikelel’ iAfrika » de Enoch Sontonga en est l’exemple le plus connu. Succédant à cette première génération, d’autres compositeurs, comme Joshua Pulumo Mohapeloa, Michael Moerane, Mzilikazi Khumalo et B. P. J. Tyamzashe continuèrent à alimenter le répertoire des chœurs africains, cependant que dans les églises s’imaginaient de nouveaux cantiques sensibles aux influences du gospel afro-américain.

Phumelele Tsewu, professeur d’anglais et ancien vice-principal de la Fezeka Secondary School de Gugulethu (township noir africain du Cap), utilise le chant choral afin de pallier les déficiences de l’enseignement musical. Sa passion, son ouverture d’esprit, sa culture musicale lui ont permis de déceler des voix extraordinaires parmi des enfants de familles extrêmement pauvres. Beaucoup ont pu ensuite faire des études musicales. Génération après génération, il forme des chanteurs à des répertoires extrêmement divers : œuvres de compositeurs africains, airs traditionnels, chansons en afrikaans ou moppies du carnaval du Cap. Excellence et polyvalence ont valu aux chœurs qu’il dirige de remporter de nombreuses compétitions régionales et nationales.

Crédits

Direction : Phume Tsewu
Solistes : Nokwanda Bovana, Zoleka Meke, Busiswa Ndlebe, Zolina Ngejane, Nokuthula Sidambe.
Chœur : Phumeza Dlayedwa, Skunana Fezeka, Bathandwa Gubesa, Viwe Magopeni, Paul Malgas, Simphiwe Mayeki, Lubabalo Mbili, Monde Mdingi, Makaziswe Msuthu, Makaziwe Msuthu, Sibusiso Mxaka, Ntombelanga Ndlovu, Lenin Ndziba, Phelo Nodlayiya, Zukisa Nyaba, Sibulele Sibeko, Juliet Sodayise, Zukiswa Tsewu.

 

Liste des vidéos

01. Roesa (Rosa)
Soliste : Mustapha Adams
« Roesa » est sans aucun doute la nederlandsliedjie la plus populaire aujourd’hui, à tel point qu’elle est devenue l’hymne des Malay Choirs. À l’origine interprétée dans les mariages musulmans, sans doute à partir des années 1930, cette histoire d’amour toute simple chante des valeurs de probité et de fidélité essentielles dans une communauté marquée par l’esclavage, le racisme et les déplacements forcés.
***
02. Katrina Die Voorloeper (Catherine, le tambour-major)
Soliste : Jereme Trompeter
Comme beaucoup de chansons comiques, Katrina parle d’une moffie (homosexuel travesti, sans connotation péjorative) qui est le tambour-major d’une troupe, musicien qui marche en tête avec un costume richement décoré. Son père est fâché contre elle, mais sa mère en est très fière. À la fin de l’histoire Katrina se marie (à un homme), la dot a été payée mais les membres de sa troupe se demandent : « Maintenant qui va être notre tambour-major » ?
***
03. Meadowlands
interprété par les Cape Traditional Singers et le Fezeka Youth Choir
Composée par Strike Vilakazi en 1956, au moment où les habitants du quartier le plus mélangé de Johannesburg, Sophiatown, en étaient chassés, parce qu’il avait été décrété “zone blanche”, et transportés à Meadowlands, lieu autour duquel se développera Soweto, cette chanson popularisée par Dorothy Masuka était habilement écrite. Protestant sans équivoque, pour ceux qui en étaient victimes, contre les déplacements forcés, les censeurs crurent qu’elle soutenait la politique du gouvernement.

Roesa

Katrina Die Voorloeper

Meadowlands

4. Musique : The Tulips, Les Ménestrels du Cap

17 fichiers sonores (1999), livret du CD original (2002).
Identifiant : https://doi.org/10.34847/nkl.81d7ge71

Ces enregistrements ont été effectués avec un équipement prêté par la Société française d’ethnomusicologie par Denis-Constant Martin le 30 mai 1999 dans un auditorium du Civic Centre du Cap, obtenu grâce à l’intervention de M. Chris Ferndale. Ils présentent un échantillon des divers répertoires interprétés par les Malay Choirs et les klopse. De CD est désormais indisponible et ne sera pas réédité. Il est reproduit ici avec l’aimable autorisation de MM. Anwar Gambeno, directeur musical des Tulips-Cape Traditional Singers, et de Gilles Fruchaux, directeur de la collection « Musique du monde » publiée par Buda Musique. Deux plages « bonus » ne figurant pas sur le CD ont été ajoutées ici ; le soliste en est Harun Kenny.

5. Exemples de livres anciens achetés chez Clarke’s

4 documents (1926-1967).
Identifiant : https://doi.org/10.34847/nkl.2bbarium

La librairie Clarke’s40 vend des livres neufs mais elle est surtout réputée comme spécialiste de livres anciens ; elle constitue une ressource précieuse pour tous ceux qui s’intéressent à l’histoire du Cap et de l’Afrique du Sud. Ci-dessous quelques exemples de livres que j’y ai trouvés.

Liste des documents

1. P. W. Laidler, F. S. A. (Scot), The Annals of the Cape Stage, Edinburgh, William Bryce, 1926.
2. William Papas & Aubrey Sussens, Under the Table Cloth*, Papas Looks at the Peninsula, Cape Town, Maskew Miller, 1952.
* “table cloth”, la nappe, nom donné au tapis de nuages qui se forme régulièrement au sommet de la montagne de la Table et redescend ses pentes en direction de la ville
3. Lawrence G. Green, Grow Lovely, Growing Old, The Story of Cape Town’s Three Centuries —The Streets, The Houses, The Characters, The Legends, Traditions and Folk-lore, The Laughter and the Tears, Cape Town, Howard Timmins, 1957.
4. Bruce Franck, Denis Hatfield & George Manuel, District Six, Cape Town, Longmans, 1967.

6. Coupures de presse sélectionnées

52 documents (1862-1996).
Identifiant : https://doi.org/10.34847/nkl.27f1cqwe

Les coupures de presse sélectionnées et présentées ici sont, pour la plupart, issues des collections de la South African Library (SAL, bibliothèque nationale) du Cap, à l’exception de celles datées de 1994, découpées lors de mon séjour au Cap. Les plus anciennes ont été tirées à partir de microfilms des collections des publications, les autres étaient rassemblées dans des dossiers de presse thématiques et ont été photocopiées, le tout par les soins des bibliothécaires de la SAL. Le contenu de certaines de ces coupures est reproduit dans les « Chronicles of the Kaapse Klopse ».

Publications citées

The Cape Chronicle fut un journal brièvement publié au Cap durant la seconde moitié du xixe siècle.
The Argus ou Cape Argus est l’un des plus anciens quotidiens du Cap. Il fut lancé en 1857 et, avec son édition du week-end, le Week End Argus, est toujours publié.
The Cape Times est un quotidien également toujours publié au Cap ; il a été lancé en 1876.
The APO fut l’organe de l’African People’s Organisation, principal mouvement politique coloured créé en 1902, qui organisa à plusieurs reprises un carnaval des klopse.
The Cape Standard était un hebdomadaire qui parut de 1936 à 1947 et se présentait comme « The Non-Europeans’ National Weekly ».
The Sun était un quotidien destiné à un lectorat coloured, qui fut publié de 1932 à 1956.
The Torch, fut l’organe (au ton souvent très polémique) du Non European Unity Movement (NEUM), mouvement anti-apartheid surtout composé d’intellectuels coloureds, partisan d’un boycott systématique de toutes les institutions et manifestations du gouvernement d’apartheid. Il fut interdit dans les années 1960.
The Cape Herald fut un hebdomadaire destiné au lectorat coloured, lancé en 1965, dont le premier rédacteur en chef fut R. E. Van der Ross.
South était un magazine qui fut brièvement publié dans les années 1990.

Liste des sources

01. Annonce du concert des Christy’s Minstrels, Cape Chronicle, 15 août 1862.
02. Annonce du concert des Jubilee Singers, ensemble de chanteurs afro-américains dirigé par Orpheus McAdoo, premier chœur afro-américain à faire entendre en Afrique du Sud des spirituals en plus du répertoire habituel des compagnies de minstrels ; certains de ses membres demeureront en Afrique du Sud et jouèrent probablement un rôle dans l’évolution de l’esthétique des fêtes du Nouvel An ; Argus, 26 juin 1890.
03. Annonce du premier carnaval organisé dans une enceinte sportive, 1er janvier 1907.
04. Article sur les préparations pour le carnaval 1909, Cape Times, 19 décembre 1908.
05. Reprise du Carnaval en 1920 après une interruption de plusieurs années, due, entre autres, à la guerre de 1914-1918, Cape Times, 3 janvier 1920.
06. Reportage sur le carnaval organisé par l’African People’s Organisation, The APO, 31 janvier 1920.
07. Annonce du carnaval de l’APO, Cape Times, 1er janvier 1921.
08. Annonce du carnaval de Newlands (stade de rugby) organisé par le Cape Town Cricket Club, Cape Times, 1er janvier 1921.
09. Article sur la rivalité des boards organisateurs de carnaval, The APO, 28 janvier 1922.
10-11. Reportage sur le carnaval, Cape Times, 4 janvier 1927.
12. Photo d’un chœur de klops, Cape Times, 3 janvier 1930.
13. Photo de deux jeunes membres d’un klops, Cape Times, 3 janvier 1930.
14. Reportage sur le carnaval, Cape Times, 3 janvier 1934.
15. Critiques contre l’organisation des carnavals, Cape Times, 2 janvier 1936.
16. I. D. du Plessis (spécialiste auto-proclamé de la culture coloured, défenseur de l’afrikaans qui devint, après l’établissement de l’apartheid, responsable du Département des affaires coloureds) propose son point de vue sur l’« amélioration » de l’organisation des carnavals, Cape Times, 6 janvier 1936.
17. Les suggestions de I. D. du Plessis sont jugées « ridicules », Cape Standard, 10 janvier 1939.
18. Annonce de la fusion des boards organisateurs de carnavals à cause de la guerre, Cape Standard, 12 décembre 1939.
19. Reportage sur le premier carnaval organisé pendant la guerre, The Sun, 5 janvier 1940.
20. Condamnation des klopse, Cape Standard, 9 janvier 1940.
21. Défense des klopse, Cape Standard, 16 janvier 1940.
22. Nouvelle proposition de I. D. du Plessis pour la réorganisation des carnavals, Cape Times, 8 novembre 1940.
23. À la suite des propositions de I. D. du Plessis, les compétitions des Malay Choirs sont intégrées au carnaval des klopse, Cape Times, 31 décembre 1940.
24. Les klopse participent à l’effort de guerre, The Sun, 9 janvier 1942.
25. Un klops brandit des emblèmes patriotiques, The Sun, 9 janvier 1942.
26. Annonce du premier carnaval après la guerre, Cape Standard, 1er janvier 1945.
27. Introduction des chansons comiques en afrikaans (Afrikaans moppies) dans le carnaval des klopse, Argus, 4 janvier 1949.
28. Poursuite de la controverse sur les klopse, Cape Times, 2 février 1951.
29. Appel au boycott par les klopse du festival organisé pour le tricentenaire de l’arrivée de Jan Van Riebeeck (premier commandant du Cap) en 1952, The Torch, 25 mars 1952.
30. Interdiction de la parade des klopse au centre-ville, Cape Times, 4, 7, 8, 9 janvier 1954.
31. L’origine des klopse selon R. E. Van der Ross (universitaire et homme politique coloured), Cape Times, 8 janvier 1955.
32. Opinion de R. E. Van der Ross sur les klopse, Cape Times, 29 janvier 1955.
33. Reportage sur les préparatifs du carnaval, Cape Times, 30 décembre 1961.
34. Condamnation des klopse (accusés de collaborer avec le Coloured Affairs Department) par le NEUM, The Torch, 17 janvier 1962.
35. Incidents pendant le carnaval, Cape Times, 6 janvier 1964.
36. Impact du ramadan sur le carnaval, Cape Times, 27 juillet et 20 novembre 1965.
37. Plaidoyer pour les klopse, Cape Herald, 31 décembre 1966.
38. Le Group Areas Act (loi instaurant la ségrégation spatiale adoptée en 1950 et mise en place systématiquement dans les années 1960) bouleverse l’organisation et le déroulement du carnaval, Cape Times, 12 novembre 1968.
39. Poursuite des controverses sur le carnaval, Cape Times, 8 janvier ; Argus, 26 janvier 1970 et 17 décembre 1970.
40. Analyse du carnaval par Gerald Stone, psychothérapeute, linguiste et observateur-participant des klopse, Cape Times, 14 janvier 1970.
41. Retour des klopse au centre-ville, Cape Times, 5 et 6 janvier 1973.
42. Les défilés des klopse au centre-ville sont à nouveau interdits en vertu du Riotous Assemblies Act de 1956 (1976 fut l’année du soulèvement de Soweto, suivi également d’importantes manifestations anti-apartheid au Cap), Argus, 23 décembre 1976 ; Cape Times, 25 décembre 1976.
43. Une brigade anti-émeute est accueillie par des cris hostiles lors du carnaval, Cape Herald, 4 janvier 1977.
44. Débats sur la tenue de carnavals en période de luttes intenses contre l’apartheid et de répression, Sunday Times, 3 novembre 1985.
45. Les klopse sont à nouveau autorisés à défiler au centre-ville, Cape Times, 4 janvier 1989.
46. Reportage sur le premier carnaval du début de la fin de l’apartheid, Cape Times, 3 janvier 1990.
47. Carnaval avant les élections, Week End Argus, 1-2 janvier 1994.
48. Omniprésence des vœux de paix en 1994, Week End Argus, 1-2 janvier 1994.
49. Succès du défilé des klopse en 1994, Cape Times, 4 janvier 1994.
50. Le klops Beach Boys arbore les couleurs de l’ANC lors du lancement de la campagne de ce parti avant les élections de 1994, Week End Argus, 29-30 janvier 1994.
51. Allan Boesak (président de la branche du Western Cape de l’ANC) porte un costume de klops, entouré par des membres des Beach Boys, lors de la présentation du Manifeste de l’ANC pour les élections de 1994, South, 4 février 1994.
52. Le président Nelson Mandela est ovationné lors de sa visite au carnaval de 1996, Argus, 2 janvier 1996.

7. Musical Action for People’s Progress, documents

3 documents (1988-1994).
Identifiant : https://doi.org/10.34847/nkl.2a7b36ok

L’association Musical Action for People’s Progress fut créée en 1986 et était affiliée au Front démocratique uni (UDF), organisation rassemblant un nombre important de mouvements anti-apartheid soutenant les idées défendues par le Congrès national africain (ANC), alors interdit. MAPP participa à des actions politiques, organisa des ateliers culturels avec des syndicats, des organisations communautaires et des groupes de jeunes ; elle ouvrit une école de musique placée sous la direction du trompettiste et professeur de mathématiques Duke Ngcukana, et joua également le rôle d’agent pour des musiciens, de jazz notamment. MAPP fut soutenu jusqu’en 1994 par The Network, l’organisation nationale suédoise pour les associations sans buts lucratifs. Mais, à la suite des premières élections au suffrage universel, ce soutien fut arrêté et MAPP ne put trouver les fonds nécessaires à sa survie auprès des autorités sud-africaines, locales ou nationales. Elle fut dissoute après un dernier festival organisé du 2 au 5 février 1994.
Documents communiqués par M. Vincent Kolbe, sauf 03 et 04, acquis lors du festival.

Liste des documents

01. MAPP Newsletter, juin 1988 ; comprend un paragraphe sur les klopse.
02. Brochure de présentation et bilan des activités de MAPP, 1991.
03. (recto) et 04. (verso) Programme de l’ultime festival de MAPP, février 1994.

8. Cape Malay Choir Board (CMCB), documents

11 documents (1984-2015).
Identifiant : https://doi.org/10.34847/nkl.4caf9v81

Le Cape Malay Choir Board fut fondé en 1939 à l’initiative de I. D. du Plessis (spécialiste auto-proclamé de la culture coloured, défenseur de l’afrikaans qui devint, après l’établissement de l’apartheid, responsable du Département des affaires coloureds) et de représentants des chœurs interprétant des chants traditionnels en afrikaans (Malay Choirs), notamment des membres de la famille Dante, active dans les fêtes du Nouvel An depuis la fin du xixe siècle. Il organise chaque année des compétitions de chant en afrikaans.

Les documents ici reproduits m’ont été remis par le président du CMCB, M. Shafiek April, et des chefs de chœur, ou ont été collectés lors des compétitions auxquelles j’ai pu assister.

Liste des documents

01. Feuillet de présentation du CMCB, mars 1984.
02. Brochure-programme du cinquantième anniversaire du CMCB, 1989.
03. Programme des compétitions, 1990.
04. Programme des compétitions, 1992.
05. Programme des compétitions, 1994.
06. Brochure-programme du soixante-cinquième anniversaire du CMCB, 2004.
07. Programme des phases finales de la compétition, 2007.
08. Programme de la compétition des nederlandsliedjies (chants anciens oralement transmis, interprétés par un soliste et le chœur, caractérisés par les ornementations mélismatiques exécutées par le soliste), 2011.
09. Programme des phases finales de la compétition, 2011.
10. Programme des phases finales de la compétition, 2012.
11. Exemple de feuille de notation pour les compétitions du CMCB : chœur des Young Men, nederlands, 2015 (photographiée au domicile de M. Abduraghman “Maan” Morris, Président et directeur musical du Young Men Sporting Club, le 21 avril 2015).

9. Keep the Dream Malay Choir Board (KTDMCB), documents

2 documents (2013).
Identifiant : https://doi.org/10.34847/nkl.521704i5

Fondé en 2010, le Keep the Dream Malay Choir Board (KTDMCB) rassemble des chœurs qui ont quitté le Cape Malay Choir Board (CMCB) pour protester contre son fonctionnement ; les compétitions du KTDMCB sont, à quelques détails près, organisées de la même manière que celle du CMCB. Les documents reproduits ci-dessous m’ont été communiqués par M. Anwar Gambeno qui a joué un rôle important dans la création du KTDMCB.

Liste des documents

01. Keep the Dream Malay Choir Board (KTDMCB) : Programme des compétitions 2013.
02. Keep the Dream Malay Choir Board (KTDMCB) : Brochure de présentation du KTDMCB, 2013.

10. Tulips-Cape Traditional Singers, Documents

4 documents (1981-années 2000).
Identifiant : https://doi.org/10.34847/nkl.ae214859

Le chœur des Tulips (qui apparaît en concert sous le nom de Cape Traditional Singers) a été fondé en 1981 par MM. Anwar Gambeno (qui en est toujours le directeur musical) et Moegsien Davids (aujourd’hui décédé). C’est le groupe vocal avec lequel j’ai le plus travaillé et les documents reproduits ci-dessous m’ont été communiqués par M. Anwar Gambeno.

Liste des documents

01. Histoire des Tulips-CTS.
02. Constitution des Tulips. 1981.
03. Affiche d’un concert donné en 1999.
04. Dossier de présentation des Cape Traditional Singers, début des années 2000.

11. Documents divers

11 documents (1992-2015).
Identifiant : https://doi.org/10.34847/nkl.805bu26d

Documents divers, classés par ordre chronologique.

Liste des documents

01. Constitution de la Peninsula & District Xmas Bands Union, principale organisation de Christmas Choirs (ou bands, fanfares chrétiennes, troisième élément des fêtes du Nouvel An, qui tiennent leurs compétitions après le carnaval des klopse et celles des Malay Choirs), 1992. Communiquée par M. R. C. Van Zitter, capitaine du The Royal Stars Christmas Band, le 26 janvier 1994, à son domicile, Paarl.
02. Programme des compétitions du Suid-Afrikaanse Koorraad (Conseil des chœurs sud-africains, SAKR), 1994, collecté sur place. Le SAKR fut fondé en 1952 par un certain nombre de chœurs qui quittèrent le Cape Malay Choir Board parce qu’ils refusaient de participer aux célébrations du tricentenaire de l’arrivée de Jan van Riebeeck au Cap, marquant les débuts de la colonisation de l’Afrique du Sud. Toujours en existence en 2019, il semble toutefois très peu actif.
03. Conseils aux organisateurs du carnaval émanant des juges des compétitions du carnaval du Coon Carnival Development Board, 1996. Remis par M. Melvin Matthews.
04. Brassard Mandela distribué à l’occasion de la visite du président Nelson Mandela au carnaval en 1996. Remis par M. Melvyn Matthews.
05. Feuille de résultats pour la compétition d’Afrikaans Combined Chorus du carnaval organisé par le Coon Carnival Development Board en 1996. Communiquée par M. Melvyn Matthews.
06. Programme du Carnaval organisé en 2000 par la Cape Town’s Minstrel Association. Remis par M. Melvyn Matthews.
07. Brochure The Cape Of Great Events publiée en 2002 par la mairie du Cap ; après s’être longtemps efforcée de marginaliser le carnaval ou de compliquer son organisation, la mairie du Cap le promeut pour en faire une attraction touristique. Collecté à l’Office du tourisme du Cap.
08. Sous l’égide de l’ANC, les deux principaux boards organisateurs de carnaval signent en 2007 un accord aux termes duquel ils co-organiseront la road march des klopse dans le centre du Cap. Il est possible d’interpréter ce tract de l’ANC, revendiquant un rôle déterminant dans cet accord, comme une tentative pour toucher une partie de l’électorat coloured à la suite de la perte de la mairie du Cap après l’élection de mars 2006 et en prévision des élections générales de 2009. Remis par M. Melvyn Matthews.
09. Fascicule décrivant les activités musicales du domaine viticole Solms-Delta (Franschhoek) : musée, centre de documentation, chœur, fanfare, etc. Ce domaine se distingue, non seulement par l’originalité de ses vins, mais surtout par sa politique de promotion des employés et de mise en valeur du patrimoine local (vestiges archéologiques, culture orale dont musique). Collecté sur place en 2009. Voir aussi : http://www.solms-delta.co.za/museums-archaeology/ et http://www.solms-delta.co.za/music-van-de-caab/ consultés le 2 février 2021.
10. Règlement intérieur du klops Nokia All Stars pour 2014-2015. Remis par M. Anwar Gambeno, capitaine de ce klops.
11. Brochure de présentation du chœur Jonge Studente, 2015. Remis par M. Ahmed Ismail, président des Jonge Studente, le 22 avril 2015.

12. Denis-Constant Martin : Publications sur Le Cap, les Coloureds, les musiques et les fêtes (1995-2017)

2 documents.
identifiant : https://doi.org/10.34847/nkl.72ebtxl8.

Bibliographie thématique de l’auteur en version française et anglaise.

Liste des documents

01. « Denis-Constant Martin : Publications sur Le Cap, les Coloureds, les musiques et les fêtes (1995-2017) » (version française)
02. « Denis-Constant Martin: Publications on Cape Town, the Coloureds, music and festivals (1995-2017) » (version anglaise)

1 Voir la « Liste des sources » ci-dessous.

2 Woza Albert! (Mtwa, Ngema et Simon 1983), pièce satirique jouée pour la première fois à Johannesburg en 1981.

3 Peut-être Breytenbach(1970).

4 « The Mother City », surnom donné au Cap puisque c’est à partir de la baie de Table que fut entamée la colonisation de l’Afrique du Sud.

5 Au sens anglais du terme, soit grande manifestation exceptionnelle, pas nécessairement liée au calendrier chrétien ; depuis 1907, il y en a eu

6 Ici encore, organisées par des boards différents.

7 Laboratoire où j’étais chercheur depuis 1969.

8 Les personnes catégorisées coloureds depuis le début du xxe siècle (avant, des Africains noirs pouvaient également être placés sous cette étiquette)

9 Inspiré par Jean-Pierre Olivier de Sardan qui considère que, pour l’anthropologue, « le terrain constitue ainsi un ensemble de ressources et de

10 Cette affiliation au département d’anglais me surprit, alors que je pensais plutôt relever des départements de sociologie, d’anthropologie ou de

11 Devenu plus tard Les Afriques dans le monde (LAM).

12 Pour paraphraser le titre du livre de Howard Becker, Les mondes de l’art (Becker 2010).

13 « L’insertion du chercheur dans une société ne se fait jamais avec la société dans son ensemble, mais à travers des groupes particuliers. Il s’

14 Rassemblement d’organisations anti-apartheid, lancé en 1983 par Allan Boesack, qui fut à la pointe de la lutte intérieure, organisa des

15 Voir Davids (1985, 36-38). Achmat Davids eut la gentillesse de, pour ainsi dire, me “lancer sur le terrain” en m’invitant à rejoindre quelques-uns

16 Termes que je préfère à celui d’informateur, trop unilatéral et policier…

17 Voir par exemple Gervais-Lambony (2009) et Tournadre (2014).

18 Non seulement celles liées aux fêtes du Nouvel An, mais aussi les musiques de danse coloureds (langarm), le jazz, le rap, le rock blanc, la musique

19 Le terme « malais » a été utilisé au Cap pour désigner les coloureds musulmans ; il ne renvoie pas à une origine géographique mais aux langues que

20 La chaîne d’amitiés qui me conduisit à elle partit de Maxine McGregor, veuve de Chris (décédé en 1990) qui me conseilla de rencontrer Jimi Matthews

21 Toutefois, lorsque je me concentrai sur les répertoires des chœurs, chantés en afrikaans, j’eu la chance de pouvoir faire appel à Paul Sedres

22 Celles-ci réunirent, sur la question « What is South African Music ? » des universitaires spécialistes de différents genres musicaux et sur « What

23 Il est cependant difficile, dans ce type d’enquête de dissocier le non directif — partant d’une consigne très générale du type « Qu’est-ce que les

24 Voir « Liste des sources » ci-dessous.

25 Un seul, parmi tous ceux que j’ai rencontrés, demanda à l’être, un homme âgé, possédant une expérience et une mémoire considérables des fêtes et

26 Voir les vidéos : https://doi.org/10.34847/nkl.ad346cxc (description ci-dessous dans la « Liste des sources » : « Vidéos. Cape Traditional Singers

27 Les répertoires des troupes de carnaval et des chœurs masculins n’avaient jusqu’alors été consignés que sur de très médiocres cassettes

28 Les « chocs » signalaient dans chaque numéro du Monde de la musique des enregistrements particulièrement recommandés ; voir Le Monde de la musique

29 Une notion victorienne de la « bienséance » poussait certains, y compris chez les coloureds, à voir dans la conduite des Coons des attitudes

30 Musée consacré à l’histoire de ce quartier dont la majorité des habitants étaient coloureds, déclaré « zone blanche » et rasé de 1968 à 1982. Voir

31 Ce domaine se distingue par sa politique de promotion des employés et par l’existence d’un musée et d’un centre de documentation consacrés aux

32 Épuisé ; un projet de republication est en cours de discussion avec un autre éditeur.

33 De fait, de 2015 à 2017, Sounding the Cape a été téléchargé plus de 5 000 fois sur le seul site de l’éditeur (il est également disponible sur d’

34 Voir liste des publications dans la « Liste de sources » ci-dessous.

35 L’université de Stellenbosch, héritière d’un lourd passé de construction idéologique de l’apartheid et de formation des dirigeants du parti

36 La liste des documents déposés à DOMUS est disponible en annexe (fichier MARTIN Denis-Constant Versameling).

37 Une sélection de ces documents est consultable : voir « Liste des sources ».

38 Pour une discussion de cette question, voir Arom et Martin (2015, chap. 3).

39 Une formulation, parmi beaucoup d’autres, de ce stéréotype est due à Marike De Klerk, épouse du (futur) président De Klerk : « Ils [les coloureds]

40 Clarke’s Bookshop, 199 Long Street, Cape Town 8001, South Africatel. : +27 (0) 21 423 5739books@clarkesbooks.co.zahttps://clarkesbooks.co.za/

Adhikari, Mohamed. 2005. Not White enough, Not Black enough: Racial Identity in the South African Community. Athens (OH) : Ohio University Press. https://www.jstor.org/stable/j.ctt1j7x9gx.

Arom, Simha, et Denis-Constant Martin. 2015. « Questions d’éthique ». In L’enquête en ethnomusicologie. Préparation, terrain, analyse, 119-147. Musicologies. Paris : Vrin.

Becker, Howard. 2010. Les mondes de l’art. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Jeanne Bouniort. Paris : Flammarion.

Breytenbach, Cloete. 1970. The Spirit of District Six. Le Cap : Purnell & Sons.

Coplan, David B. 2008. In Township Tonight! South Africa’s Black City Music and Theatre. Second edition. Chicago Studies in Ethnomusicology. Chicago (IL) : The University of Chicago Press.

Davids, Achmat. 1985. « Music and Islam ». In 5th Symposium on Ethnomusicology, August 30-September 1st 1984, 36-38. Grahamstown : International Library of African Music.

Davids, Achmat. 2011. The Afrikaans of the Cape Muslims from 1815 to 1915. Édité par Hein Willemse et Suleman Essop Dangor. Pretoria : Protea Book House.

Gaulier, Armelle. 2007. « La signification sociale des Moppies du Cap ». Mémoire de master 1 en ethnomusicologie. Département de Musique. Saint-Denis : Université Paris 8-Saint Denis.

Gaulier, Armelle. 2009. « Emprunts musicaux et créolisation chez les populations coloured du Cap (Afrique du Sud), le cas des chants nederlandsliedjies ». Mémoire de master 2 en ethnomusicologie. Département de Musique. Saint-Denis : Université Paris 8-Saint Denis.

Gaulier, Armelle, et Denis-Constant Martin. 2017. Cape Town Harmonies: Memory, Humour and Resilience. Somerset West : African Minds. https://doi.org/10.5281/zenodo.824636.

Gervais-Lambony, Philippe. 2009. L’Afrique du Sud. Paris : Le Cavalier bleu.

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Jeppie, Shamil, et Ronnie Levitan. 1990. « Coon Carnival ». ADA (Art, Design, Architecture) n° 8: 21-23.

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Mtwa, Percy, Mbongeni Ngema, et Barney Simon. 1983. Woza Albert! Londres, New York : Bloomsbury Methuen Drama.

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Roubertie, Lorraine. 2006. « Sheer Sound, un acteur culturel important dans la résurgence du jazz sud-africain depuis la chute de l’apartheid ? » Mémoire de master 2 recherche en musicologie. Département de Musique. Saint-Denis : Université de Paris 8-Saint Denis.

Roubertie, Lorraine. 2012. « La transmission du jazz en Afrique du Sud. Penser l’héritage d’un enseignement inégalitaire dans le contexte post-apartheid, l’exemple du Western Cape ». Thèse de musicologie. Département de Musique. Saint-Denis ; Université Paris 8-Saint Denis. https://octaviana.fr/document/172295378.

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Stone, Gerald L. 1971. « The Coon Carnival ». Abe Bailey Institute of Interracial Studies. Le Cap : University of Cape Town.

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The Tulips. 2002. Afrique du Sud : Les ménestrels du Cap – South Africa: The Cape Town Minstrels. Paris : Buda Records 1986102. Compact disc, 58 mn.

Willemse, Hein. “Reshaping Remembrance—A Coloured Expert’s Coloured: Review of Albert Grundlingh & Siegfried Huigen, eds., Reshaping Remembrance, Critical Essays on Afrikaans Places of Memory.” Rozenberg Quarterly, The Magazine : https://rozenbergquarterly.com/reshaping-remembrance-a-coloured-experts-coloured/, consulté le 12 octobre 2021 [archive].

  • Chronicles of the Kaapse Klopse followed by Themes in Klopse Names

  • Roesa

  • Katrina Die Voorloeper

  • Meadowlands

1 Voir la « Liste des sources » ci-dessous.

2 Woza Albert! (Mtwa, Ngema et Simon 1983), pièce satirique jouée pour la première fois à Johannesburg en 1981.

3 Peut-être Breytenbach (1970).

4 « The Mother City », surnom donné au Cap puisque c’est à partir de la baie de Table que fut entamée la colonisation de l’Afrique du Sud.

5 Au sens anglais du terme, soit grande manifestation exceptionnelle, pas nécessairement liée au calendrier chrétien ; depuis 1907, il y en a eu plusieurs chaque année, organisés par des comités (boards) rivaux dans différents stades où s’opposent des troupes (Coons ou Klopse) costumées ; voir les Chronicles of the Kaapse Klopse (https://doi.org/10.34847/nkl.92efbl79).

6 Ici encore, organisées par des boards différents.

7 Laboratoire où j’étais chercheur depuis 1969.

8 Les personnes catégorisées coloureds depuis le début du xxe siècle (avant, des Africains noirs pouvaient également être placés sous cette étiquette) sont pour une large part descendantes des esclaves importés en Afrique du Sud entre 1652 et 1807 en provenance d’Indonésie, d’Inde, de Madagascar et de plusieurs régions d’Afrique continentale, auxquels sont venus s’ajouter tous les individus que les autorités racistes qui se sont succédées au xxe siècle ne parvenaient pas à placer dans les catégories « Européens » ou « indigènes » (natives, bantus, les terminologies ont varié). Ils ont constitué une minorité au niveau national mais une majorité dans les régions aujourd’hui rassemblées dans la province du Western Cape. Situés dans la classification hiérarchique des pouvoirs racistes entre les blancs et les Africains noirs, mais méprisés plus que tous les autres (parce que supposément « bâtards », sans histoire et sans culture), ils ont pourtant joué un rôle capital dans l’émergence d’une culture sud-africaine originale, qu’il s’agisse de la langue (afrikaans), de la cuisine ou de la musique. Une des fonctions symboliques des fêtes du Nouvel An est de le rappeler.

9 Inspiré par Jean-Pierre Olivier de Sardan qui considère que, pour l’anthropologue, « le terrain constitue ainsi un ensemble de ressources et de contraintes qui définissent le cœur de la spécificité anthropologique. Mais qu’on ne se méprenne pas : ces contraintes et ressources sont destinées à stimuler l’imagination anthropologique, non à la brider » (Olivier de Sardan 2008, 22).

10 Cette affiliation au département d’anglais me surprit, alors que je pensais plutôt relever des départements de sociologie, d’anthropologie ou de science politique, mais je compris rapidement, d’une part que ce type de recherche était encore loin d’être légitime dans l’Université sud-africaine (sauf chez des pionniers des « études culturelles » qui appartenaient au département d’anglais), d’autre part que planait encore sur toutes les manifestations culturelles coloureds un soupçon d’aliénation voire de connivence avec l’apartheid, que des responsables et enseignants de l’UWC, anciens militants anti-apartheid actifs au sein du Congrès national africain avant 1990, m’aidèrent à surmonter : Renfrew Christie, le Vice-Chancelier Jakes Gerwel, Rhoda Kadalie, enseignante au département d’anthropologie, et Kader Asmal, professeur de droits humains et futur ministre.

11 Devenu plus tard Les Afriques dans le monde (LAM).

12 Pour paraphraser le titre du livre de Howard Becker, Les mondes de l’art (Becker 2010).

13 « L’insertion du chercheur dans une société ne se fait jamais avec la société dans son ensemble, mais à travers des groupes particuliers. Il s’insère dans certains réseaux et pas dans d’autres. Ce biais est redoutable autant qu’inévitable. Le chercheur peut toujours être assimilé, souvent malgré lui, mais parfois avec sa complicité, à une “clique” ou une “faction” locale, ce qui offre un double inconvénient. D’un côté il risque de se faire trop l’écho de sa “clique” adoptive et d’en reprendre les points de vue. De l’autre, il risque de se voir fermer les portes des autres “cliques” locales » (Olivier de Sardan 2020).

14 Rassemblement d’organisations anti-apartheid, lancé en 1983 par Allan Boesack, qui fut à la pointe de la lutte intérieure, organisa des manifestations et conduisit des projets pédagogiques inspirés par la Charte de la liberté adoptée en 1955 par des mouvements anti-apartheid, notamment le Congrès national africain. Voir Seekings (2000).

15 Voir Davids (1985, 36-38). Achmat Davids eut la gentillesse de, pour ainsi dire, me “lancer sur le terrain” en m’invitant à rejoindre quelques-uns de ses amis pour assister au défilé des Malay Choirs (appelés Nagtroepe, troupes de la nuit, pour l’occasion) durant la nuit de la Saint-Sylvestre 1993-1994.

16 Termes que je préfère à celui d’informateur, trop unilatéral et policier…

17 Voir par exemple Gervais-Lambony (2009) et Tournadre (2014).

18 Non seulement celles liées aux fêtes du Nouvel An, mais aussi les musiques de danse coloureds (langarm), le jazz, le rap, le rock blanc, la musique « classique » de tradition européenne, etc. Voir Martin (2013).

19 Le terme « malais » a été utilisé au Cap pour désigner les coloureds musulmans ; il ne renvoie pas à une origine géographique mais aux langues que parlaient les esclaves venus des territoires de l’Indonésie contemporaine, appartenant au groupe malais, ainsi qu’au créole malayo-portugais, parlé aux débuts de la colonisation par colons et esclaves venus de ces territoires. Voir Davids (2011), Gaulier et Martin (2017).

20 La chaîne d’amitiés qui me conduisit à elle partit de Maxine McGregor, veuve de Chris (décédé en 1990) qui me conseilla de rencontrer Jimi Matthews, qui travaillait alors à l’antenne locale de la radio-télévision publique SABC (par ailleurs auteur d’un remarquable documentaire sur la musique dans les années 1980 [Matthews 1989], dont il me remit très aimablement une copie) et qui me conseilla de m’adresser à Gadidja Vallie.

21 Toutefois, lorsque je me concentrai sur les répertoires des chœurs, chantés en afrikaans, j’eu la chance de pouvoir faire appel à Paul Sedres, connu par l’entremise de Lorraine Roubertie (voir plus bas), qui traduisit les paroles et identifia les sources de certaines chansons.

22 Celles-ci réunirent, sur la question « What is South African Music ? » des universitaires spécialistes de différents genres musicaux et sur « What is Cape Town Music ? » des musiciens représentatifs des différents genres plus particulièrement joués au Cap.

23 Il est cependant difficile, dans ce type d’enquête de dissocier le non directif — partant d’une consigne très générale du type « Qu’est-ce que les Coons [le carnaval] signifient pour vous ? » pour susciter une verbalisation des représentations — des questions d’information factuelles ; la conduite des entretiens individuels, rarement répétés, a le plus souvent dû gérer cette double dimension face à des interlocuteurs dont la parole n’était pas toujours aisée (en anglais, face à un universitaire blanc) ; les entretiens non-directifs de groupe, souvent démarrés sur une projection de vidéos du carnaval, posèrent moins de difficultés.

24 Voir « Liste des sources » ci-dessous.

25 Un seul, parmi tous ceux que j’ai rencontrés, demanda à l’être, un homme âgé, possédant une expérience et une mémoire considérables des fêtes et des musiques. Après un premier entretien, enregistré, très riche, son fils exigea une rémunération lorsque je proposai de le revoir dans le but de constituer une histoire de vie. Je refusai, tout en proposant éventuellement une compensation, un « cadeau » qui ne serait pas en numéraire, offre qui fut rejetée. Je n’ai donc malheureusement pas pu le rencontrer à nouveau ; avec lui a disparu une immense connaissance de l’histoire sociale et culturelle du Cap dont son fils – sans doute persuadé que j’allais gagner beaucoup d’argent grâce à mon enquête, soupçon qu’il n’est pas rare de rencontrer dans ce type de recherche – était incapable de comprendre l’importance.

26 Voir les vidéos : https://doi.org/10.34847/nkl.ad346cxc (description ci-dessous dans la « Liste des sources » : « Vidéos. Cape Traditional Singers & Fezeka Youth Choir, Traditional Music from The Cape »).

27 Les répertoires des troupes de carnaval et des chœurs masculins n’avaient jusqu’alors été consignés que sur de très médiocres cassettes, inaccessibles hors du Cap.

28 Les « chocs » signalaient dans chaque numéro du Monde de la musique des enregistrements particulièrement recommandés ; voir Le Monde de la musique n° 267, juillet-août 2002 : 98.

29 Une notion victorienne de la « bienséance » poussait certains, y compris chez les coloureds, à voir dans la conduite des Coons des attitudes grotesques (adoptées pour « faire plaisir » aux oppresseurs blancs) ; dans cette perspective, des images du carnaval de Dunkerque firent un certain effet…

30 Musée consacré à l’histoire de ce quartier dont la majorité des habitants étaient coloureds, déclaré « zone blanche » et rasé de 1968 à 1982. Voir le site internet du District Six Museum : https://www.districtsix.co.za/ (consulté le 14 avril 2021) [archive].

31 Ce domaine se distingue par sa politique de promotion des employés et par l’existence d’un musée et d’un centre de documentation consacrés aux musiques du Cap ; voir « Museums & Archaeology », sur le site internet de Solms-Delta : http://www.solms-delta.co.za/museums-archaeology/ [archive].

32 Épuisé ; un projet de republication est en cours de discussion avec un autre éditeur.

33 De fait, de 2015 à 2017, Sounding the Cape a été téléchargé plus de 5 000 fois sur le seul site de l’éditeur (il est également disponible sur d’autres sites), ce qui ne signifie évidemment pas que tous les exemplaires téléchargés ont été lus…

34 Voir liste des publications dans la « Liste de sources » ci-dessous.

35 L’université de Stellenbosch, héritière d’un lourd passé de construction idéologique de l’apartheid et de formation des dirigeants du parti National, est l’une de celles qui se sont « transformées » (dans le vocabulaire sud-africain) le plus rapidement après 1994. En fait, dès les années 1980, un groupe de théologiens, au nombre desquels comptait le professeur Lategan, futur directeur de STIAS, avaient publié une ferme condamnation de l’apartheid (« The way for South Africa, and in particular for the Afrikaner churches to come “home” to Africa can only be by unequivocal dissociation from apartheid and a concerted move away from it. » (Kinghorn, Lategan et Van Der Merwe 1989 : 46). En 2018, si les étudiants blancs représentaient encore 58,1 % du total, les Africains noirs étaient 20,1 %, les coloureds, 18,1 % et les « Asiatiques », 0,2 %. 47,8 % du total avaient l’anglais comme langue maternelle et 37,8 % l’afrikaans (langue que parle la majorité des personnes catégorisées coloureds dans le Western Cape). Les enseignements y sont aujourd’hui délivrés en anglais (majoritairement), en afrikaans et en isiXhosa. Voir « Statistical Profile : Overview 2018 », Stellenbosch University : http://www.sun.ac.za/english/statistical-profile-2014-test [archive] ; « Language Policy of Stellenbosch University », ibid. : http://www.sun.ac.za/english/Documents/Language/Final%20June%20Language%20Policy%20November%202016.pdf [archive] ; « Documentation Centre for Music (DOMUS) », ibid. : https://libguides.sun.ac.za/domus [archive] ; « Documentation Centre for Music (DOMUS): Collections and Finding aids », ibid. : https://libguides.sun.ac.za/c.php?g=742999&p=5316210 [archive] (pages consultées le 14 avril 2021).

36 La liste des documents déposés à DOMUS est disponible en annexe (fichier MARTIN Denis-Constant Versameling).

37 Une sélection de ces documents est consultable : voir « Liste des sources ».

38 Pour une discussion de cette question, voir Arom et Martin (2015, chap. 3).

39 Une formulation, parmi beaucoup d’autres, de ce stéréotype est due à Marike De Klerk, épouse du (futur) président De Klerk : « Ils [les coloureds] sont des restes [left-overs : miettes, restes]. Ils sont le peuple qui a été oublié quand les autres nations ont été formées. Ils sont le reste. Les coloureds ont toujours été sous l’aile des blancs. Ils n’ont jamais existé par eux-mêmes [...] » The Sunday Tribune, 5 February 1983, cité dans Adhikari (2005, 13).

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Denis-Constant Martin

Chercheur associé, Les Afriques dans le monde – CNRS, Sciences Po Bordeaux.
https://orcid.org/0000-0001-7076-5293