Protocoles bioculturels communautaires et travail-frontière : jeux de scripts autour des ressources génétiques à Madagascar

Arofenitra iombonan'ireo tantsaha sy ireo asa fanelanelanana natao : ireo fomba fijery sy tanjona samihafan’ireo mpisehatra miasa amin’ireo harena momba ny fototarazo eto Madagasikara

Protocolos bioculturais comunitários e trabalho-fronteira: jogos de scripts em torno dos recursos genéticos em Madagáscar

Biocultural Community Protocols and Boundary Work: Script Games about Genetic Resources in Madagascar

Manohisoa Rakotondrabe et Fabien Girard

p. 69-124

Citer cet article

Rakotondrabe, Manohisoa, Fabien Girard. 2022. « Protocoles bioculturels communautaires et travail-frontière : jeux de scripts autour des ressources génétiques à Madagascar ». Sources. Materials & Fieldwork in African Studies n° 4 : 69-124. https://www.sources-journal.org/747

Cet article a comme source d’enquête le processus de négociation et de rédaction du Protocole Bioculturel Communautaire (PBC) des paysans d’Analavory sur l’accès et le partage des avantages de l’utilisation des ressources génétiques et des connaissances traditionnelles associées. Il s’agit d’un document de 27 pages, développé dans le cadre d’un projet financé par Darwin Initiative et porté par Bioversity International (2015-2018), intitulé : « Projet de mise en œuvre mutuellement soutenue du Protocole de Nagoya et du Traité sur les plantes pour l’alimentation et l’agriculture ». Ce projet a eu comme objectif premier de mettre en place à Madagascar et au Bénin un cadre juridique assurant l’articulation des deux grands instruments juridiques qui forment le régime international de gouvernance de la biodiversité : le Traité sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture (TIRPAA) et le Protocole de Nagoya. Le TIRPAA ne s’applique qu’aux « ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture » (RPGAA) et met en place une sorte de panier virtuel couvrant 64 espèces cultivées pour lesquelles les parties s’engagent à accorder un accès facilité. Quant au Protocole de Nagoya, il s’applique à tous types de ressources dont les conditions d’accès sont fixées dans un cadre bilatéral. L’instrument est surtout venu renforcer les droits des communautés locales en matière d’accès aux ressources génétiques et aux savoirs traditionnels qu’ils détiennent, notamment via la reconnaissance des PBC qui ont fait leur entrée à Madagascar suite à la ratification du Protocole de Nagoya ratifié en 2014. Sortes de chartes écrites par lesquelles les communautés codifient les conditions d’accès à leurs ressources et savoirs associés, les PBC sont aussi présentés comme des outils stratégiques qui permettent de négocier localement les représentations autour de la semence et des savoirs traditionnels.
C’est donc comme processus et instrument stratégique, moins comme texte, que le PBC des paysans d’Analavory est analysé. En cela, l’article appréhende le PBC d’Analavory comme « travail-frontière », c’est-à-dire comme ensemble d’« arrangements » qui visent à assurer « la création et la transformation des frontières entre différents mondes sociaux habités par des communautés d’acteurs spécifiques » (Koehrsen 2017) ; et il cherche à déterminer si ce travail-frontière a permis de concilier les représentations vernaculaires de la semence et des savoirs traditionnels et celles issues du régime international de la biodiversité.
Ce que notre étude du protocole d’Analavory tend à montrer, c’est qu’il faut être attentif à la façon dont les différents acteurs – financeurs, courtiers, organisations non gouvernementales (ONG), agents de l’État – introduisent des « scripts » ou « scénarios » dans les négociations ; et surtout la façon dont certains scripts, à la fois du fait de la puissance des acteurs qui les portent et de la structure actuelle du courtage en développement qui repose sur des longues chaînes d’aide impliquant de multiples acteurs, finissent par orienter ou perturber le processus d’écriture du PBC sans permettre une conciliation des représentations des différents acteurs. L’allongement de la chaîne d’aide, est-il montré, fait intervenir une variété d’acteurs qui sont en mesure d’introduire des scripts alternatifs. La multiplication des scripts peut à son tour brouiller le travail-frontière, en favorisant aussi l’irruption de scripts cachés. Enfin, certains membres de la communauté sont mis en position d’exploiter le phénomène de brouillage, mais au risque d’un renforcement des pouvoirs d’une élite locale.
Le résultat observable sur le terrain est un ensemble d’incommunicabilités et d’équivoques qui ont affecté la portée exacte du protocole et surtout l’absence d’alignement entre les représentations vernaculaires des plantes et des connaissances traditionnelles et les définitions des ressources phytogénétiques telles qu’elles sont inscrites dans le régime international d’accès et de partage des avantages.

This article investigates the process of negotiating and drafting the Analavory farmers’ Biocultural Community Protocol (BCP) regarding access and benefit sharing of genetic resources and associated traditional knowledge. This 27-page document was part of a project funded by the Darwin Initiative and supported by Bioversity International (2015–2018)—the “Project for the Mutually Supportive Implementation of the Nagoya Protocol and of the Plant Treaty for Food and Agriculture.” Its primary objective was to establish a legal framework in Madagascar and Benin that would link the two main legal instruments making up the international regime for the governance of biodiversity: the International Treaty on Plant Genetic Resources for Food and Agriculture (ITPGRFA), and the Nagoya Protocol. The ITPGRFA only applies to “plant genetic resources for food and agriculture” (PGRFA) and constitutes a virtual pool of 64 cultivated species to which the parties commit to granting facilitated access. The Nagoya Protocol applies to all types of resources for which access conditions are agreed bilaterally. The instrument has mainly strengthened the rights of local communities to access genetic resources and traditional knowledge, notably through the recognition of BCPs which first appeared in Madagascar following the ratification of the Nagoya Protocol in 2014. BCPs are akin to written charters by which communities define the conditions of access to their resources and associated knowledge. They are also presented as strategic tools which enable local discussions on the representations of seeds and traditional knowledge.
Therefore, the Analavory farmers’ BCP was analysed as a process and strategic instrument, rather than as a textual source. Accordingly, this article approaches the Analavory BCP as “boundary work,” i.e. as a set of “arrangements” that aim to ensure “the creation and transformation of boundaries between different social worlds that are inhabited by specific communities of actors.” It also seeks to determine whether this boundary work enables the reconciliation between vernacular representations of seeds and traditional knowledge and those resulting from the international biodiversity regime.
Our study of the Analavory protocol tends to show that attention should be paid to how the various actors–funding entities, non-governmental organizations (NGOs), State agents—introduce “scripts” or “scenarios” into the negotiations. Above all, it shows how some scripts, both because of the power of the players driving them and of the current structure of brokering in development which rely on long aid chains involving multiple actors, influence or disrupt the BCP writing process without enabling a reconciliation of representations from the various actors. Extending the aid chain involves many various actors who might introduce alternative scripts. The large number of scripts can then blur the boundary work, and also promote the emergence of hidden scripts. Finally, some members of the community reach a position where they can take advantage of the disruption, but at the risk of strengthening the local elite powers.
As a result, observations on the ground reveal that the true scope of the protocol was affected by a mix of ambiguous and broken communication, and mostly, that there was a lack of alignment between vernacular representations of plants and traditional knowledge on the one hand, and definitions of plant genetic resources as enshrined in the international regime on access and benefit sharing on the other.

Ny votoatin’ito fanadihadiana manaraka ito dia ny fizotrin’ny fifampiraharahana natao sy ny fomba nanoratana ny Arofenitra Iombonan’ny Tantsaha an’Analavory (Protocole Bioculturel Communautaire) izay mahakasika indrindra ireo Tari-dalana amin’ny fangalàna sy fifampizarana tombontsoa azo avy amin’ny fampiasana ireo harena voajanahary sy ireo fahalalana nentim-paharazana mifandraika aminy. Io Arofenitra io dia antontan-taratasy miisa pejy 27, izay novolavolaina nandritry ny tetikasa novatsian’i Darwin Initiative vola, nanomboka ny taona 2015 ka hatramin’ny taona 2018. Ny lohan-tenin’ilay tetikasa dia hoe : "Tetikasa mampifandray ny Fifanarahana iraisam-pirenena natao tany Nagoya mikasika ny loharano momba ny foto-tarazo (Protocole de Nagoya – tsy mbola misy dikan-teny malagasy ofisialy) sy ny Fifanarahana iraisam-pirenana mikasika ny harena momba ny foto-tarazon’ny zava-maniry ho amin’ny famatsiana sakafo sy fambolena (TIRPAA - tsy mbola misy dikan-teny malagasy ofisialy). Anisan’ny tanjona lehibe napetrak’io tetikasa io ny fametrahana eto Madagasikara sy any Benin, rafitra ara-dalàna miantoka ny fifandraisana sy ny fiaraha-mientana an’ireo fifanarahana iraisam-pirenena anankiroa ireo izay samy tafiditra ao amin’ny fifampitondrana iraisam-pirenena amin’ny fitantanana sy fiarovana ny harena voajanahary : ny TIRPAA sy ny Fifanarahana natao tany Nagoya. Ny TIRPAA dia miompana manokana amin’ireo foto-tarazo famboly sy fanao sakafo ihany, ka amin’izany dia misy « sompitra iombonana iraisam-pirenena » (Système Multilatéral na SML - tsy mbola misy dikan-teny malagasy ofisialy) izay ahitana karazan-java-maniry miisa 64 izay namoraina ny fifanankalozana azy ireo ho an’ireo firenena rehetra nanaiky nanao sonia azy. Raha ny mahakasika ny fifanarahana natao tany Nagoya kosa dia mifameno amin’ilay fifanarahana lehibe iraisam-pirenena mikasika ny karazan-java-manan’aina (Convention sur la Diversité Biologique) izay nosoniavin’i Madagasikara tamin’ny taona 1993 ary nanekeny hibaby ny andraikitra lehibe ny amin’ny tsy maintsy hisian’ny fifanekena mialoha sy fankatoavana avy amin’ny mponina ifotony fa indrindra ny fifampizarana tombon-tsoa azo avy amin’ny fampiasana ny harena voajanahary sy ny fahalalana nentim-paharazana mifandraika amin’izany izay ampiasain’ireo mponina ireo amin’ny andavan’androm-piainany.
Rehefa nanao sonia ny fifanarahana natao tany Nagoya (Protocole de Nagoya) i Madagasikara tamin’ny taona 2014, dia nankatò ny hampidirana ny arofenitra iombonana ho anisan’ny fitaovana hampiasain’ny fokonolona hiarovany ny harena voajanahary sy ny fahalalana nentim-paharazana mifandraika aminy. Izy io dia antontan-tsoratra mirakitra ny fepetra apetraky ny fokonolona ho an’ireo olona ivelan’izany fokonolona izany (toy ny mpikaroka, ny mpandraharaha ara-toe-karena) ka te-hampiasa ireo harena voajanahary sy ny fahalalana nentim-paharazana mifandraika aminy. Azo faritana ihany koa ho lahatahiry mirakitra ireo fomban-drazana sy fanao ary koa ny kolon-tsaina entin’ny fokonolona mitantana ny harembakoka mifaka sy tsy mifaka, na tsy azo tsapain-tanana ananan’izy ireo (ohatra : fahaiza-manao mifaningotra amin’ny asa tanana nentim-paharazana). Fa amin’ny alalan’io arofenitra io ihany koa no hanaovan’ny fokonolona adisisika hahafahany mampahafantatra sy mampiharihary ny fananan’izy ireo zo amin’ny tany fonenany sy ny kolon-tsainy. Ka ho an’ireo olona mpanentana sy mpomba ny fametrahana ny arofenitra eo amin’ny sehatra iraisam-pirenena dia manana tanjona lehibe ny arofenitra, dia ny hampiroborobo ny fomba fiasa, mampiray ny lafiny ara-kolon-tsaina sy ara-biolojika (bioculturel) ny amin’ny fiarovana ny mponina ifotony sy ny tontolo iainana.
Herintaona taorian’ny nanaovan’i Madagasikara sonia an’ilay fifanarahana natao tany Nagoya, no nanomboka napetraka ny arofenitra iombonan’ny tantsahan’Analavory.
Raisina ary ho toy ny fizotra sy fitaovana stratejika, fa tsy toy ny hoe antontan-tsoratra fotsiny ihany, no entina anadihandiana ny Arofenitra iombonan’ny Tantsahan’Analavory. Ka noho izany, dia adihadiana ho toy ny « asa fanelanelanana » na « travail frontière » (tsy misy dikan-teny malagasy ôfisialy) ny Arofenitra. Izany hoe andiana « fitaovana » izay mikendry ny « famoronana sy fanovana ny faritra manasaraka tontolo sôsialy samihafa izay onenan’ny vondrona mpandray anjara isan-tsokajiny manokana » (Koehrsen 2017). Ireto avy ireo mpandray anjara : ny mpitondra ny tetikasa dia ny Bioversity International, ny mpanamora dia ny Natural Justice, eo ihany koa ny ekipan’ny Ministera isan-tsokajiny fa indrindra ireo mpikambana ny kôperativa Fa.M.A. sy mponina ifotony. Hodinihina amin’ity lahatsoratra ity ary ny fomba niatrehan’ireo mpisehatra tsirairay ireo, izay samy manana ny sokajim-piaviany sy ny tontolo misy azy avy, ny fifampiraharahana rehetra natao nandritry ny fametrahana ilay arofenitra tao Analavory. Izany hoe, ny « asa fanelanelanana » natao ve nahafahana nampifanaraka marina ny fahazoan’ny mponina ifotony sy ny fanehoany ny dikan’ny fahalalana nentim-paharazana sy ny fototarazo nentim-paharazana, amin’izay mety ho dikan’izany raha ireo fifanarahana lehibe iraisam-pirenena ho fiarovana ny harena voajanahary no jerena.
Asehon’ito lahatsoratra ito ary fa mila mila jerena akaiky ny fomba fampidiran’ireo mpisehatra tsirairay ireo – ny mpamatsy vola, ny mpanamora, ny fikambanana tsy miankina sy ny solon-tenam-panjakana- ny « tanjony » (« script ») tao anatin’ny fifampiraharahana. Mampisy fiantraikany be dia be amin’ny fizotry ny fifampiraharahana sy ny fanoratana ny arofenitra izany satria misy amin’ireo mpisehatra ireo no manan-kery kokoa noho ny hafa (ny mpamatsy vola ohatra), ary maika moa manampy trotraka ihany koa amin’ny fisavoritahan’ny « tanjona » ny fisian’ny mpisehatra maro izay manalava ny rojom-panampiana, manelanelana ny mpamatsy vola sy ny mponina ifotony iantefan’ny tombontsoa farany.
Hita taratra tamin’ny toe-java-nisy tao Analavory ary fa ny fifandiparan’ireo « tanjona » (script) entin’ny mpisehatra izay samy manana ny azy, no anisan’ny tsy nampety ny “asa fanelanelanana” (travail frontière) natao ka nampandringa ny arofenitra napetraka. Hita amin’ny alalan’ny vokam-pikarohana fa samy mitoetra anaty tontolo sarotra nampifandraisina ny mpisehatra tsirairay : (i) ny an’ny mpitantana ny tetikasa dia ny nisian’ny fifanakalozana foto-tarazo famboly sy fanao sakafo ary ny fampiasana ilay sompitra lehibe iombonana no tena tanjony voalohany, ka nohon’ny fe-potoanan’ny tetikasa (3 taona) sy ny tetibola izay misy fetrany, dia ny nahavitana haingana ny Arofenitra no nimasoany ; (ii) ny an’ny Mpanamora kosa dia ny fiarovana ny zo, ny tombon-tsoan’ny Fokonolona sy ireo harena voajanahary ary ny fahalalana nentim-paharazana mifandraika aminy no nikelezany aina, izany tanjona izany anefa dia mila fotoana sy fifandraisana maharitra hitoeran’ny fifampitokisana eo aminy sy ny fokonolona ary amin’ireo mpisehatra hafa, (iii) ny an’ny Ministera dia ny hampiroborobo ny Fikambananan’ny Tantsaha Mpamokatra Masomboly izay hiriany ho tonga filamatra manerana ny nosy, ary (iv) ny an’ny mponina ifotony kosa, dia ny hamokarany misy hatrany mba hitsinjovany ny vody andro merika. Hita taratra amin’ny alalan’ity lahatsoratra ity ihany koa fa samy manana ny fomba fahazoany sy fanehoany ny atao hoe « foto-tarazo fanao fanafody» sy ny « foto-tarazo famboly sy fanao sakafo» ny mpisehatra tsirairay, ka etsy andaniny ny famaritana izay notsoahina avy amin’ireo fifanarahana iraisam-pirenena mahakasika ny fifampizarana tombon-tsoa, ary etsy ankilany kosa, ny fahazoan’ireo tantsaha an’ireo teny ireo sy ny niainany izany hatramin’izay.

Este artigo tem como fonte de pesquisa o processo de negociação e de redacção do Protocolo Biocultural Comunitário (PBC) dos camponeses do Analavory sobre o acesso e a partilha dos benefícios da utilização dos recursos genéticos e dos conhecimentos tradicionais associados. Trata-se de um documento de 27 páginas, desenvolvido no âmbito de um projecto financiado pela Darwin Initiative e desenvolvido pela Biodiversity International (2015-2018), intitulado: «Projecto de aplicação mutuamente apoiado do Protocolo de Nagoia e do Tratado sobre as Plantas para a Alimentação e a Agricultura». Este projecto teve como objectivo principal criar em Madagáscar e no Benim um quadro jurídico que assegure a articulação dos dois grandes instrumentos jurídicos que formam o regime internacional de governação da biodiversidade: Tratado sobre os Recursos Fitogenéticos para a Alimentação e a Agricultura (TIRPAA) e Protocolo de Nagoia. A TIRPAA aplica-se apenas aos «recursos fitogenéticos para a alimentação e a agricultura» (RPGAA) e cria uma espécie de cabaz virtual que abrange 64 espécies cultivadas para as quais as partes se comprometem a conceder um acesso facilitado. O Protocolo de Nagoia aplica-se a todos os tipos de recursos cujas condições de acesso são estabelecidas bilateralmente. O instrumento veio sobretudo reforçar os direitos das comunidades locais em matéria de acesso aos recursos genéticos e aos conhecimentos tradicionais que possuem, nomeadamente através do reconhecimento dos PBC que entraram em Madagáscar na sequência da ratificação do Protocolo de Nagoia em 2014. Os PBC são uma espécie de estatuto escrito em que as comunidades codificam as condições de acesso aos seus recursos e conhecimentos associados, sendo também apresentados como instrumentos estratégicos que permitem negociar localmente as representações em torno das sementes e dos saberes tradicionais.
É, portanto, como processo e instrumento estratégico, e não tanto como texto, que o PBC dos camponeses de Analavory é analisado. Nesse aspecto o artigo entende o PBC de Analavory como «trabalho-fronteira», isto é, como conjunto de «disposições» visando a assegurar «a criação e a transformação das fronteiras entre diferentes mundos sociais habitados por comunidades de actores específicas» (Koehrsen 2017) ; e procurando determinar se esse trabalho-fronteira terá permitido conciliar as representações vernaculares da semente e dos saberes tradicionais com as que decorrem do regime internacional da biodiversidade.
O que o nosso estudo do Protocolo do Analavory procura mostrar é que há que estar atento à forma como os diferentes actores - financiadores, corretores, organizações não-governamentais (ONG), agentes do Estado - introduzem «scripts» ou «cenários» nas negociações; e, sobretudo, o modo como certos documentos, quer pelo poder dos actores que os apresentam, quer pela estrutura actual da corretagem em desenvolvimento, assente em extensas cadeias de ajuda envolvendo múltiplos actores, acabam por orientar ou perturbar o processo de escrita do PBC sem permitir uma conciliação das representações dos diferentes actores. Mostra-se que a extensão da cadeia de ajuda envolve uma variedade de actores com capacidade para introduzir scripts alternativos. A multiplicação dos scripts pode, por sua vez, turvar o trabalho-fronteira, favorecendo também a irrupção de scripts escondidos. Por último, alguns membros da comunidade estão em condições de explorar o fenómeno da interferência, embora correndo o risco de reforçar os poderes de uma elite local.
O resultado observável no terreno é a existência de um conjunto de faltas de comunicação e de equívocos que afectaram o alcance exacto do protocolo e, sobretudo, a ausência de alinhamento entre as representações vernáculas das plantas e dos conhecimentos tradicionais e as definições dos recursos fitogenéticos inscritos no regime internacional de acesso e de partilha de benefícios.

Données liées à cet article :
« Protocoles bioculturels communautaires et travail-frontière : jeux de scripts autour des ressources génétiques à Madagascar »
https://nakala.fr/collection/10.34847/nkl.59663v21
Collection comprenant 7 données (9 documents) utilisés dans cet article.
Notamment : « PBC des paysans d’Analavory », version provisoire : https://doi.org/10.34847/nkl.38ca8506.
La reproduction de la version finale du protocole n’a pas été autorisée.
Voir aussi la collection de données réunies dans le cadre du projet ANR : « PBC analysés dans le cadre du Projet ANR Bioculturalis ». https://nakala.fr/collection/10.34847/nkl.e5de90a1

Introduction

La réflexion qui suit a pour objet le processus de développement du Protocole Bioculturel Communautaire (PBC) d’Analavory à Madagascar. Localisée dans le District de Miarinarivo, la Commune Rurale d’Analavory1 se situe à environ 100 km d’Antananarivo, la capitale. La commune abritait environ 68 000 habitants2 en 2015 et constitue de longue date une zone de forte migration interne, due en partie à son emplacement géographique et ses potentialités agricoles. Cette zone se trouve, en effet, au carrefour de la RN1, axe majeur, bien entretenu, qui mène à Antananarivo, et la RN23 qui permet d’accéder au site touristique d’Ampefy et aux périmètres irrigués propices à la riziculture du District de Soavinandriana. C’est un espace agricole dynamique qui approvisionne Antananarivo en riz et surtout en produits maraîchers (Carte n° 1).

Carte n° 1 : Localisation de la Commune Rurale d’Analavory et les trois Fokontany3 directement concernés par le Protocole Bioculturel Communautaire

Carte n° 1 : Localisation de la Commune Rurale d’Analavory et les trois Fokontany3 directement concernés par le Protocole Bioculturel Communautaire

Manohisoa Rakotondrabe.
Identifiant permanent : https://doi.org/10.34847/nkl.773cdq5r
Télécharger : https://api.nakala.fr/data/10.34847/nkl.773cdq5r/7fa8eff4484404af3dece88dc7cadee05c600357

Le PBC a été développé dans le cadre d’un projet financé par Darwin Initiative, intitulé : « Projet de mise en œuvre mutuellement soutenue du Protocole de Nagoya et du Traité sur les plantes pour l’alimentation et l’agriculture »4. Conduit entre avril 2015 et fin mars 2018, le projet était porté par l’organisation de recherche pour le développement Bioversity International, un courtier international en développement qui en a ensuite sous-traité une partie de l’exécution à Natural Justice, ONG sud-africaine spécialisée dans la défense des droits des peuples autochtones et communautés locales dans les pays du Sud. Natural Justice s’est appuyé sur les compétences d’un jeune Malgache, qui avait fait ses armes au sein de la Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit (GIZ5) et qui était l’un des rares connaisseurs des questions d’accès et de partage des avantages à Madagascar. Ce facilitateur de Natural Justice a été l’interlocuteur principal du directeur du secteur de recherche « Policies for Crop and Tree Diversity Management » de Bioversity International qui a assuré le portage effectif du projet.

Cet assemblage de plusieurs acteurs, qui interviennent à des titres divers dans l’opération de courtage en développement, est assez typique de la transformation qu’a récemment connue le schéma de l’intermédiation, comme nous le verrons, et reste central pour comprendre la difficile négociation du PBC d’Analavory.

Le projet poursuivait l’objectif premier de développer, concurremment à Madagascar et au Bénin, un cadre juridique assurant l’articulation des deux grands régimes juridiques internationaux de la gouvernance de la biodiversité : le Traité sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture (TIRPAA) (Plant Production and Protection Division 2009) et le Protocole de Nagoya (Secrétariat de la Convention sur la diversité biologique 2012). Le Protocole de Nagoya (29 octobre 2010), qui vient compléter le cadre juridique mis en place par la Convention sur la diversité biologique (1992) (CDB), a été ratifié par Madagascar le 3 juillet 2014. Il renforce de manière significative les obligations des États-parties à l’égard des connaissances traditionnelles associées aux ressources génétiques détenues par les peuples autochtones et communautés locales (ci-après : communautés locales), ainsi que sur les ressources génétiques sur lesquelles ces derniers ont des droits « reconnus ». Quant au TIRPAA (3 novembre 2001), également ratifié par Madagascar (13 mars 2006), sa singularité est de ne couvrir qu’une sous-catégorie de ressources génétiques, appelées « ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture » (RPGAA), c’est-à-dire pour l’essentiel les semences de culture et fourragères. Les RPGAA sont soumises à un régime dérogatoire et garantissant un accès facilité aux ressources. Là où la CDB et le Protocole de Nagoya impliquent toujours des négociations bilatérales entre fournisseur et bénéficiaire d’une ressource et aboutissent le cas échéant à un contrat d’Accès et de partage des avantages (APA), le TIRPAA met en place un « Système Multilatéral » (SML) qui est une sorte de panier virtuel couvrant 64 espèces cultivées pour lesquelles les parties s’engagent à accorder à une liste de personnes physiques et morales (par exemple un chercheur, une entreprise, un laboratoire de recherche) un accès facilité aux ressources génétiques via un Accord-type de transfert de matériel (Encadré n° 1).

Encadré n° 1 : Distinguer les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture (RPGAA) des ressources génétiques (RG)

En droit international, les ressources génétiques (RG) sont le matériel génétique ayant une valeur effective ou potentielle. Les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture (RPGAA) forment une sous-catégorie. Il s’agit du matériel d’origine végétale, y compris le matériel de reproduction et de multiplication végétative (semence, plant, bouture, greffe, bulbe, tige racinée, etc.), contenant des unités fonctionnelles de l’hérédité, ayant une valeur effective ou potentielle pour l’alimentation et l’agriculture. C’est, comme l’indique le Préambule du TIRPAA, leur « nature spéciale » et surtout leurs « caractéristiques » qui justifient qu’elles soient soumises à un régime spécifique, dont les principales sont : leur caractère crucial dans la satisfaction des besoins humains fondamentaux en matière de sécurité alimentaire et de moyens de subsistance (CDB 2000, 114) ; la grande interdépendance entre les pays en ce qui concerne ces ressources (Khoury et al. 2015) ; le rôle essentiel des agriculteurs dans la conservation, l’amélioration et la mise à disposition de ces ressources (Santilli 2016, 119). Variétés traditionnelles ou landraces, mais aussi variétés « élites » (encore appelées cultivars) mises au point par les sélectionneurs professionnels qui relèvent de l’Annexe I du Traité (mil à chandelle, aubergine, riz, maïs, blé, pomme de terre, seigle, haricot, sorgho, triticale, coronarium, tenuis, etc.) sont toutes soumises au régime d’accès facilité mis en place par le TIRPAA. On parle de « Système Multilatéral » (SML). L’accès facilité du SML repose sur deux conditions : l’accès doit avoir pour seule fin la conservation et l’utilisation pour la recherche, la sélection et la formation pour l’alimentation et l’agriculture. Si l’accès est destiné à des utilisations chimiques ou pharmaceutiques, par exemple, c’est alors le régime du Protocole de Nagoya qui s’applique (TIRPAA, art. 12.3a). Par ailleurs, seules sont concernées les ressources qui sont gérées et administrées par les Parties contractantes et relèvent du domaine public. À rebours, les ressources génétiques détenues par une entreprise privée ou des agriculteurs, des peuples autochtones ou communautés locales relèvent du champ du Protocole de Nagoya (Santilli 2016, 152).

La thématique générale du présent article se situe à l’intersection entre le régime international de gouvernance de la biodiversité et l’outil local que constitue le Protocole d’Analavory : comment réguler l’accès aux ressources génétiques et connaissances traditionnelles « détenues » par les communautés locales ? La réponse apportée à cette question a considérablement évolué ces dernières années. Le droit international a progressivement reconnu (Girard 2019a) aux communautés locales le rôle de gardien ou d’intendant (« steward ») (Ulloa 2005) de la biodiversité, au point de consacrer une procédure locale d’Accès et de partage des avantages (APA local). Cette procédure, qui vise à renforcer la protection des communautés locales face aux demandes d’accès à leurs ressources et savoirs, impose désormais l’obtention du consentement préalable en cause de cause de la communauté impliquée, la négociation de conditions convenues d’un commun accord et le partage des avantages découlant de l’accès aux ressources et savoirs (Morgera, Tsioumani et Buck 2014, 223).

Cette « redécouverte » du rôle nodal des communautés locales dans l’entretien des écosystèmes et de la biodiversité (Hayden 2007) a surtout été accompagnée par la mise en évidence du lien indissociable entre la diversité des cultures et la diversité biologique (Girard, Hall et Frison 2022), culminant dans le concept de « diversité bioculturelle », aujourd’hui assez largement utilisé pour appréhender le statut des semences et des savoirs traditionnels des communautés locales (Girard 2019b). Sur le plan des règles locales d’APA, l’enjeu devient dès lors très différent : il ne s’agit plus seulement de garantir le consentement libre, préalable et informé des communautés locales face aux bioprospecteurs6 désireux d’accéder à leurs « ressources » et à leurs savoirs, mais plus largement d’assurer que les contrats éventuellement conclus soient négociés dans des conditions procédurales (temps suffisant, dans la langue des communautés et suivant un processus culturellement approprié) qui compensent les asymétries et différences de pouvoir, et surtout qui préservent ce que chaque communauté regarde comme « inaliénable » (c’est-à-dire tout ce qui doit rester « hors commerce », comme la langue ou les sites et espèces sacrés) (Bavikatte, Jonas et von Braun 2010, 298 ; Bavikatte 2014, 135). Les « protocoles bioculturels communautaires » (PBC), que le Protocole de Nagoya consacre sous le nom de « protocoles communautaires », ont été présentés par leurs promoteurs comme un progrès considérable dans cette direction. Madagascar a transposé dans son cadre juridique APA7 la stipulation clé du Protocole de Nagoya qui, au moins pour les connaissances traditionnelles, impose aux États, dans la mise en œuvre de leurs obligations, de tenir compte « […] du droit coutumier des communautés autochtones et locales ainsi que de leurs protocoles et procédures […] » (Protocole de Nagoya, art. 12, para. 1. C’est nous qui soulignons).

Replacés dans ce contexte, les PBC sont des objets nécessairement complexes. Pour leurs promoteurs, les PBC bâtissent sur les « protocoles » ou « procédures » existants – souvent présentés comme anciens, traditionnels ou immémoriaux – par lesquels une communauté assure ordinairement la gestion de ses ressources et savoirs et définit les conditions de leur usage et de leur partage à l’intérieur de la communauté, voire au-delà (Bannister 2009, 288). La fonction des PBC est alors de réaliser une « codification partielle » (Tobin 2013, 142) de ces normes et procédures, de manière qu’elles soient portées à la connaissance des éventuels bioprospecteurs et que la communauté elle-même puisse se préparer aux enjeux que représente le partage de potentielles contributions monétaires et non monétaires (Shrumm et Jonas 2012, 13 ; Morgera et Tsioumani 2010, 157-158). Leur inscription dans le cadre de la « bioculturalité » et de « l’intendance de la nature » en fait cependant bien plus que des outils techniques. Les quelques protocoles qui ont été étudiés de manière comparative (Delgado 2016 ; Parks 2019) et ceux qui sont compris dans notre corpus (Tableau n° 1) contiennent des motifs discursifs récurrents qui débordent leur dispositif technique et procédural, comme l’appel à la tradition, les références à un mode de vie holiste et, surtout, la mise en avant du rôle des communautés locales dans la protection de la biodiversité (la mention du « stewardship ») qui se trouve systématiquement relié aux modes de vie dits traditionnels.

On y verra assurément une forme d’« essentialisme stratégique » (Hughes et Lamont 2018, 162 ; Banerjee 2003, 144) – dont Astrid Ulloa a étudié l’ampleur et l’efficace pour ce qui est du stewardship (Ulloa 2005) –, qui inscrit les protocoles dans un projet politique dont il faut préciser la nature et l’échelle8. Arturo Escobar a longuement étudié comment les discours sur la biodiversité, qui ont été formés au niveau global, ont ensuite circulé au sein de réseaux locaux où leurs « vérités » ont pu être « transformées et réinscrites dans d’autres savoirs-pouvoirs » autour de l’autonomie et de l’identité (Escobar 1998, 56) ; quelque chose de comparable s’observe avec les protocoles bioculturels. Eux aussi répliquent au niveau local les négociations et médiations qui se jouent au niveau global autour des semences, des savoirs traditionnels, de la conservation de la biodiversité (voir aussi Bavikatte et al. 2015, 21). Le cas de l’écriture du PBC des paysans d’Analavory, qui forme la matière de cet article, montre bien la manière dont cherchent à se négocier localement, à travers des jeux complexes de pouvoir, les représentations autour de la semence et des savoirs traditionnels.

Si l’on accepte donc d’appréhender les PBC moins comme source écrite que comme processus qui vise à concilier des représentations diverses, on peut alors les analyser comme « travail-frontière ». Pour la géographie humaine anglophone, qui s’est largement inspirée des travaux des Science & Technology Studies, le syntagme vise à décrire et régler aussi les enjeux d’interactions entre communautés de chercheurs ou développeurs et communautés locales dans la gouvernance des ressources naturelles ou systèmes socio-écologiques (« place-based governance ») – et on l’évoque désormais dans la gouvernance d’instances intergouvernementales d’expertise comme l’Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services (IPBES9) (Löfmarck et Lidskog 2017). Le travail-frontière recouvre les « arrangements » qui assurent « la création et la transformation des frontières entre différents mondes sociaux habités par des communautés d’acteurs spécifiques » (Koehrsen 2017, 2), de manière à surmonter les problèmes épistémologiques de communication entre systèmes de connaissance et représentations, voire, pour certains, à accueillir et concilier les différentes ontologies qui les sous-tendent10 (Löfmarck et Lidskog 2017).

Le processus de rédaction du PBC des paysans d’Analavory sert de cas d’étude11 pour s’interroger sur la façon dont le travail-frontière parvient à articuler, le cas échéant, différentes représentations de la semence. Peut-on dire, en particulier, que le processus de rédaction du PBC d’Analavory a ouvert, comme le promettent les promoteurs de ces instruments, un nouvel espace discursif visant à une meilleure prise en compte des modes de vie et représentations des communautés impliquées (Bavikatte, Robinson et Oliva 2015) ? Faut-il, à l’inverse, déplorer le seul déploiement d’un « site de promesses, d’espoirs, de craintes et d’hypothèses qui met lui-même en branle de nouvelles relations » (Hayden 2003, 75), au détriment des institutions locales, des solidarités paysannes, des règles traditionnelles d’échange des semences – le PBC n’étant alors qu’une nouvelle forme d’instrumentalisation des pratiques locales et de la notion de communauté au service d’intérêts divers ?

Ce que notre étude du protocole d’Analavory tend à montrer, c’est qu’il faut être attentif à la façon dont les différents acteurs – financeurs, courtiers, organisations non gouvernementales (ONG), agents de l’État – introduisent des « scripts » ou « scénarios » dans les négociations ; et surtout la façon dont certains scripts, à la fois du fait de la puissance des acteurs qui les portent et de la structure actuelle du courtage en développement qui repose sur des longues chaînes d’aide impliquant de multiples acteurs, finissent par orienter ou perturber le processus d’écriture du PBC sans permettre une conciliation des représentations vernaculaires et des représentations portées par le cadre international de protection de la biodiversité. Comme on le détaillera plus tard, les scripts, qui se greffent sur des « hypothèses » fondamentales « sur les éléments qui composent le monde », « définissent des acteurs avec tels ou tels goûts, compétences, motivations, aspirations, opinions politiques » (Akrich 2006, paragr. 9), tout en distribuant les fonctions et compétences entre les différents actants (Bonneuil 2019, 10). Le script est d’une certaine manière comparable au « script cinématographique » (Akrich 2006, paragr. 10) qui définit les personnages et l’espace de l’action ; en d’autres termes, le script « enrôle » les acteurs (c’est-à-dire « conquiert et discipline » : Fujimura 1992, 171), distribue les rôles et, ce faisant, « fabrique » les identités.

À Analavory, le travail-frontière n’a pas permis d’ouvrir un espace discursif de conciliation des représentations. Cet échec du travail-frontière est surtout visible, selon nous, lorsqu’on examine le contenu du PBC dont les catégories de « ressources » qu’il prétend couvrir restent en partie inintelligibles pour les paysans d’Analavory. L’article s’efforce de l’expliquer en traçant la manière dont les scripts dominants se déploient au niveau local par l’intermédiaire de « courtiers en développement » (Bierschenk et al. 2000), en l’espèce Bioversity International qui a assuré le portage du projet12. Ces courtiers ou « brokers » ont certes toujours la « capacité de médiation entre plusieurs mondes » (Demeulenaere 2016, 14‑15), mais leur « compétence locale » est désormais sans réelle attache locale (ibid.). Ce changement dans la structure de l’intermédiation est visible sur le terrain à travers la mise en place de longues « chaînes d’aide » (Sharma 2016) que signale l’interposition de sous-traitants divers – comme ici Natural Justice et son facilitateur – qui peuvent se prévaloir de l’expertise locale dont le courtier a besoin. Le revers est le suivant : l’allongement de la chaîne d’aide rend possible le déploiement de scripts alternatifs, phénomène bien visible à Analavory, avec des effets de « brouillage » de scripts dont notre enquête rend compte. Un espace a pu s’ouvrir sur le terrain au profit de certains membres de la communauté, sans que l’on sache bien s’il faut le lire comme « espace mobile » d’émancipation (Tsing 1999, 157), c’est-à-dire une forme de résistance des acteurs subalternes qui se jouent des scripts, ou un phénomène de capture potentiellement déstabilisateur pour le groupe à plus ou moins long terme.

L’article s’ouvre sur un exposé des méthodologies et du matériau de recherche utilisé. Il porte ensuite l’analyse sur les récits et les discussions qui reviennent le processus de rédaction du PBC lui-même. Ces discussions et récits ont été recueillis deux ans après l’écriture du PBC et s’intéressent aux relations entre porteur, sous-traitant, ministère et communautés en mobilisant la catégorie de script. Une troisième et dernière partie permet d’évaluer le travail-frontière à la lueur du contenu du protocole d’Analavory tel que perçu après coup par les paysans d’Analavory.

Sources et méthodologies

Le protocole d’Analavory dans un cadre comparatiste

La source première et principale de l’enquête est le processus de négociation et de rédaction du « Protocole Bioculturel communautaire des paysans d’Analavory sur l’accès et le partage des avantages de l’utilisation des ressources génétiques et des connaissances traditionnelles associées ». La matière principale de l’enquête est donc formée de résultats d’observations, d’entretiens et de discussions conduits à partir l’arrière-plan que forme le protocole. L’objectif principal était de reconstituer ce processus auquel nous n’avons pas pris part.

Le PBC d’Analavory lui-même est un document de 27 pages, rédigé en malagasy par certains membres de la communauté13 avec l’appui de Natural Justice. Natural Justice est l’ONG mandatée par Bioversity International à partir de 2016 pour faciliter la mise en place et la rédaction du PBC. Le processus de négociation et de rédaction de son contenu a duré deux ans (2016 à 2017), avec une dizaine d’ateliers d’information et de réunions avec les villageois (Figure n° 1), avant d’aboutir à une première version officielle en date du 27 décembre 2017 signée par le maire de la Commune et les deux responsables régionaux des ministères directement concernés : le ministère de l’Agriculture, de l’Élevage et de la Pêche (MAEP) et le ministère de l’Environnement et du Développement durable (MEDD).

Figure n° 1 : Réunions et ateliers conduits par Bioversity International et Natural Justice dans le cadre du projet Darwin de 2015 à 2018

Figure n° 1 : Réunions et ateliers conduits par Bioversity International et Natural Justice dans le cadre du projet Darwin de 2015 à 2018

Manohisoa Rakotondrabe, réalisé à partir des rapports d’activité de MAEP et fiches de présence des ateliers, en croisant avec les rapports de Bioversity International sur https://www.bioversityinternational.org/darwin-benin-madagascar/ [archive].
Identifiant permanent : https://doi.org/10.34847/nkl.10c15xrp
Télécharger : https://api.nakala.fr/data/10.34847/nkl.10c15xrp/da8beca49090b986e693c4fa08dbd90ba80297c4.

Natural Justice, les membres actifs de la coopérative dont on parlera après, tous les autres membres de la communauté qui ont été impliqués ou consultés lors de la rédaction du protocole, ainsi que le comité de pilotage du projet14, étaient convenus que la version signée ne serait pas la version finale, mais qu’elle permettrait d’ores et déjà de protéger les communautés, leurs ressources génétiques et les savoirs traditionnels dans l’éventualité de négociations engagées avec des bioprospecteurs. Contre l’avis de Natural Justice15, Bioversity International a mis cette version intermédiaire en ligne, ce qui confirme les relations parfois difficiles qui ont existé entre le porteur du projet et le sous-traitant.

Nous sommes convenus avec le facilitateur, qui nous l’a expressément demandé, de ne pas reproduire le texte du protocole in extenso, dont nous n’offrons au lecteur qu’un exposé de la structure générale (Figure n° 2, infra ; voir toutefois la première version dans sa traduction française – Document n° 1).

Figure n° 2 : Présentation synoptique du Protocole Bioculturel Communautaire d’Analavory (version 2 du 21 octobre 2019)

Figure n° 2 : Présentation synoptique du Protocole Bioculturel Communautaire d’Analavory (version 2 du 21 octobre 2019)

Première version, diffusée en français par Bioversity International.

Identifiant permanent : https://doi.org/10.34847/nkl.b4372fnr
Télécharger la transcription (ODT) : https://api.nakala.fr/data/10.34847/nkl.b4372fnr/712b0cfeb8651ee7f8e46e31bdefa39ba8375fb0
Télécharger la transcription (RTF) : https://api.nakala.fr/data/10.34847/nkl.b4372fnr/15b95a29d04d27eafc5deb228a46c33a0d81b951.

Transcription

Protocole Bioculturel Communautaire des paysans d’Analavory sur l’accès et le partage des avantages de l’utilisation des ressources génétiques et des connaissances traditionnelles associées
Arofenitra iombonan’ny tantsahan’Analavory : Tari-dalana amin’ny fangalana sy fifampizarana tombon-tsoa azo amin’ny fampiasana ireo harena voajanahary sy ireo fahalalana nentim-paharazana mifandraika aminy
 
Exorde
Présentation de la communauté, de la richesse de ses ressources ;
• Définition du Protocole : « guide » pour renforcer et informer sur l’organisation locale à la conservation, à l’utilisation durable, à l’échange et au partage des avantages issus de la valorisation des ressources génétiques et des connaissances traditionnelles associées ;
• Origine du protocole ;
• Destinataires du protocole ;
• Objectifs du protocole ;
• Rappel des instruments nationaux et internationaux supportant la mise en œuvre du PBC ;
• Annonce du plan du protocole.
 
I. Mode de gestion des ressources génétiques par les paysans d’Analavory
Évocation du « Registre Communautaire de la Biodiversité » et de la banque de semences ;
• Mention des détenteurs de connaissances traditionnelles. Rôle des « Ray Aman-dReny » (ancêtres) et des « mpanao tambavy » (phytothérapeutes traditionnels).
 
II. Défis rencontrés dans la gestion des ressources génétiques et des connaissances traditionnelles associées à Analavory
Perturbation du calendrier cultural due à la dégradation de l’environnement en général ; disparition et raréfaction des espèces animales et végétales à Analavory ;
• Oubli et perte des connaissances traditionnelles détenues par le Fokonolona du fait de la modernisation de la médecine. Perte des connaissances traditionnelles associées aux ressources du fait de la raréfaction de ces ressources ;
• Baisse de l’intérêt porté par les jeunes aux connaissances traditionnelles ;
• Discordance entre les potentialités en ressources locales d’Analavory et le faible niveau de vie des paysans ;
• Problèmes liés à l’implication des paysans dans les décisions qui peuvent affecter leur vie (pratiques d’exploitation des ressources locales en contradiction avec les coutumes locales) ;
III. Modalités d’échanges de Ressources Phytogénétiques pour l’alimentation et l’Agriculture (RPGAA) entre agriculteurs d’Analavory
• Le « troc » de semences entre pairs comme modalité principale d’échange de semences ;
• Évocation du « firaisan-kina » (solidarité) comme base fondamentale de Féchange et du rôle des ressources phytogénétiques dans la vie sociale quotidienne.
 
IV. Modalités d’échange et de demande de RPGAA des paysans d’Analavory à d’autres agriculteurs en dehors de la commune ou à l’étranger
• Rôle du SML ;
• Rôle de l’assemblée générale des membres de la coopérative FAMA et du reste de la communauté dans les décisions portant sur l’inclusion d’une ressource dans le Système Multilatéral ;
• Démarches à suivre pour faire des demandes de RPGAA venant de l’extérieur (Système Multilatéral ou autres centres de recherche) : mention de la sélection variétale participative.
 
V. Modalités de demande des ressources génétiques présentes à Analavory
Consentement préalable en connaissance de cause de l’ensemble de la communauté pour l’accès aux ressources génétiques et aux connaissances traditionnelles associées ;
• Démarches à suivre en cas d’utilisation des ressources à des fins de recherche ou d’utilisation des ressources et des connaissances traditionnelles associées à des fins commerciales ;
• Description des 6 étapes à suivre pour l’accès et le partage des avantages.
 
VI. Préservation et valorisation des connaissances traditionnelles
Affirmation du lien entre préservation des connaissances traditionnelles et préservation des ressources génétiques ;
• Rappel des conditions d’accès aux ressources traditionnelles (conditions convenues d’un commun accord et partage des avantages).
 
VII. Partage des avantages
Avantages monétaires et non monétaires ;
• Les avantages de nature à promouvoir le secteur agricole, à renforcer la capacité de production des paysans ou accroître la compétitivité des produits sur le marché sont à privilégier.
 
VIII. Règlement des éventuels conflits et griefs
Règlement amiable à privilégier ;
• En cas d’échec, recours à des « instances supérieures ».
 
IX. Appel au respect et la promotion des droits des communautés locales et des agriculteurs
Rappel du cadre juridique international et national :
1. Traité International sur les Ressources Phytogénétiques pour l’Alimentation et l’Agriculture (TIRPAA) et arrêté n° 11.567/2017 portant sur les mesures intérimaires de demande d’accès aux RPGAA et de partage des avantages dans le cadre du Système Multilatéral du TIRPAA ;
2. Protocole de Nagoya sur l’accès aux ressources génétiques et le partage des avantages découlant de leur utilisation et Décret n° 2017-066 du 31 janvier 2017 relatif à l’Accès aux ressources génétiques et le partage des avantages découlant de leur utilisation ;
3. Textes régissant les connaissances traditionnelles : Art. 8(j) de la Convention sur la Diversité Biologique, le décret 2017-066 du 31 janvier 2017 sur l’APA découlant de l’utilisation des ressources génétiques et Loi 2013-017 du 20 février 2014 relative à la sauvegarde du patrimoine immatériel national ;
4. Déclaration des Nations Unies sur les Droits des paysans et des autres personnes travaillant en milieu rural (art. 3.5 ; 5 et 10)
 
Page de signature
En haut de la page : Logos des deux ministères : Ministère de l’Agriculture et de l’Environnement.
• Signatures et cachets du Directeur régional de l’Agriculture et de l’Élevage de la Région Itasy, du Directeur Régional de l’Environnement, de l’Écologie et des Forêts et du Maire adjoint de la Commune Rurale d’Analavory, en date du 27/12/2017 ;
• En bas de la page : logos de Darwin Initiative, Bioversity International et ABS Initiative.
Dernière page :
Contact des personnes et leurs institutions en cas de questions liées à l’utilisation du PBC.

Document n° 1 : Protocole bioculturel communautaire des paysans d’Analavory sur l’accès et le partage des avantages de l’utilisation des ressources génétiques et des connaissances traditionnelles associées, version de 2017

PBC des paysans d’Analavory

Permalien: https://doi.org/10.34847/nkl.38ca8506

Identifiant permanent : https://doi.org/10.34847/nkl.38ca8506.
Télécharger : https://api.nakala.fr/data/10.34847/nkl.38ca8506/a062aa89c5781a87d454b2164215566e6ef0f052.

Outre le PBC d’Analavory, le projet a été accompagné de la mise en place d’une « banque de semences », présentée comme une première en Afrique16, et d’un « registre communautaire de la biodiversité », selon l’expression du texte du protocole (voir infra, Photo n° 2). La banque de semence est un bâtiment de stockage des différentes semences produites dans la localité, c’est-à-dire essentiellement des semences de variétés traditionnelles, mais aussi de variétés élites (voir supra, Encadré n° 1). Quant au registre, il inscrit les noms ainsi que les caractéristiques des variétés cultivées localement. Tous deux sont gérés par une coopérative de production de semence dénommée Coopérative Fa.M.A (Famokarana Masomboly eto Analavory). Celle-ci, dont le statut est aussi complexe que l’origine est trouble, a été mise en place durant le projet et regroupe les membres de groupements de producteurs de semences17 (GPS), ainsi que de simples membres de la communauté intéressés par le projet Darwin. Lors du processus de mise en place du PBC, trois Fokontany ont été principalement actifs : les Fokontany de Mandrevo, Analavory et Antanetimboahangy (voir Carte n° 1). La banque de semence se trouve dans le Fokontany de Mandrevo.

Il faut ajouter que, dans le cadre du projet de recherche ANR Bioculturalis18, le protocole d’Analavory est appréhendé à l’intérieur d’un cadre comparatiste de plus grande ampleur qui couvre plusieurs protocoles développés en Afrique et en Amérique latine et dont la liste est présentée dans le tableau suivant19 (Tableau n° 1).

Pays Protocoles Bioculturels Communautaires Source
Bénin PBC de la Commune de Tori-Bossito https://doi.org/10.34847/nkl.2a8bb8lx (version française).
PBC de la communauté de Degbe Aguinninnou https://doi.org/10.34847/nkl.58fc05zu (version française).
Kenya Ogiek Bio-Cultural Community Protocol https://doi.org/10.34847/nkl.d2b1df2r (version anglaise).
The Lamu County Biocultural Community Protocol https://doi.org/10.34847/nkl.7cc27nal (version anglaise).
Madagascar PBC des communautés locales de Mariarano et Betsako Non officiellement publié.
PBC des paysans d’Analavory Non officiellement publié. Première version ; telle que diffusée en français par Bioversity International : https://doi.org/10.34847/nkl.38ca8506
Mexique Protocolo Comunitario de Capulálpam de Méndez, Oaxaca, para la gestión de los recursos genéticos y su conocimiento tradicional en el ámbito del Protocolo de Nagoya. https://absch.cbd.int/api/v2013/documents/4D03DAC0-33C3-0F01-8370-A093EAABCE69/attachments/PCB%20Capula%CC%81lpam%20de%20Me%CC%81ndez%20pliego.pdf [archive] (version espagnole).
Protocolo Comunitario de Ek Balam, X-Kumil, Yucatán, para la gestión de los recursos genéticos y su conocimiento tradicional en el ámbito del Protocolo de Nagoya https://absch.cbd.int/api/v2013/documents/0BAF16C9-F3FE-794D-631C-B8EEB42D61E3/attachments/PCB%20Ek%20Balam%20pliego.pdf [archive] (version espagnole).
Panama Protocolo Biocultural “Protección de los conocimientos indígenas asociados a los recursos genéticos”
Comunidad El Piro, Comarca Ngäbe – Bugle, Panamá
https://absch.cbd.int/api/v2013/documents/3B1A585E-DEE9-17F6-7840-14EFA8C10794/attachments/2017_Protocolo%20Biocultural%20Comunidad%20El%20Piro.pdf [archive] (version espagnole).

Dans deux pays – Madagascar et le Panama – qui ont été choisis pour l’état d’avancement de leur législation en matière d’Accès et de partage des avantages, notre travail d’analyse des PBC et de la législation se double d’un travail d’enquête auprès des communautés, des ONG qui ont participé au développement des protocoles, des membres du gouvernement et du personnel administratif à différentes échelles territoriales.

Le choix d’une approche comparatiste appelle plusieurs remarques.

Premièrement, c’est cette approche qui a permis de dégager des motifs discursifs et tropes récurrents qui laissent deviner, en plus de phénomènes bien visibles de duplication20, un usage stratégique de certaines catégories « essentialisées », comme celle « d’intendance de la nature » ou du « mode de vie traditionnel » et de son rôle dans la conservation de la biodiversité, catégories qui renvoient à des trajectoires normatives nouvelles enregistrées à l’échelle internationale21. Le lien local-global est de nouveau perceptible.

Deuxièmement, l’étude systématique et comparative des PBC avec les documents préparatoires, ainsi que l’ensemble des entretiens semi-directifs auprès des différentes parties prenantes dans les pays-cibles, et auprès des principaux promoteurs des PBC à l’échelle internationale (Natural Justice, l’International Institute for Environment and Development), ont permis de définir les différents scripts que nous avons pu identifier comme circulant dans le processus de rédaction du PBC d’Analavory. L’étude des PBC de notre corpus nous a permis d’identifier et définir trois scripts :

  • le script du « Grand Bargain » (le grand compromis ; Wynberg et Laird 2009), qui fait des communautés locales de « petits entrepreneurs verts » ;
  • celui de la modernisation des communautés, appuyé sur le diagnostic de Washington sur les ressources naturelles (Sarrasin et Ramahatra 2013, 33)22 et qui décrit les communautés locales comme appartenant au passé ;
  • celui du « Fortress Conservation » (Doolittle 2007), d’origine coloniale, qui voit dans les communautés des « ennemis de la nature ».

Ainsi, chaque script, qui agence les actants d’une certaine manière et règle les relations entre eux, repose aussi sur des soubassements théoriques et produit de puissantes représentations qui finissent par agir sur les identités de ceux qui en sont l’objet (Ulloa 2005).

Précisons, enfin, que les populations locales n’ont pas, à proprement parler, de script. Elles forment la cible des politiques environnementales et des dispositifs d’intermédiation. Il s’agit donc seulement d’acteurs qui sont soumis aux scripts et au processus d’enrôlement. Comme on le verra plus tard, les populations locales agissent, le cas échéant, par la résistance.

Rejouer le travail-frontière

Restait alors à appréhender le PBC dans sa dynamique de déploiement, en cherchant à éclairer son contenu à partir du processus de négociation et d’écriture. Comment faire sourdre sa nature d’outil politique de médiation multiscalaire et entre différentes représentations, en respectant la double contrainte que nous imposent la multiplication des terrains d’enquête et l’impossibilité de réunir tous les répondants sur de longues périodes, en particulier les paysans qui, même défrayés, répugnent à consacrer plusieurs journées au travail d’enquête qui les éloigne de leurs activités agricoles ?

Pour répondre à ces enjeux, le choix s’est porté sur deux méthodes d’enquête courtes, à savoir l’analyse en groupe et l’atelier ethnographique. Étant donné qu’une partie de l’équipe de chercheur est malgache, connaissant bien la zone d’étude et le dialecte parlé, les discussions et les entretiens ont alors été conduits entièrement en malgache. Ils ont été enregistrés puis retranscrits et traduits en français par nos soins en fonction des besoins du projet. Les traductions malgaches des concepts clés du régime international de la biodiversité sont celles que l’on trouve dans les lois et règlements existants, elles-mêmes souvent inspirées des travaux de l’Académie nationale malagasy. Nous avons reproduit à l’identique les termes et expressions malgaches traduites du français ou de l’anglais telles qu’utilisées par le facilitateur de Natural Justice, l’équipe technique du ministère de l’Agriculture et les communautés, en enregistrant toutes les explications données en malgache aux communautés pour éclairer les termes techniques23. L’équipe a cherché à employer le même vocabulaire avec tous les interlocuteurs, sauf lorsque les besoins de l’enquête ou des échanges commandaient un plus large usage des richesses de la langue malgache.

Les deux méthodes ont visé un double objectif :

  • Reproduire, tout d’abord, la dynamique du travail-frontière de manière à saisir au plus près, en suivant un arc temporel qui s’étire de la négociation à la mise en œuvre du PBC, les jeux de script, les processus de médiation opérés et leur aboutissement, les points de friction et les équivocations irrésolues.
  • Faire apparaître, ensuite, la dimension stratégique du texte en identifiant ses éventuels « silences », c’est-à-dire tout ce qui, pourtant au cœur de la vie quotidienne des paysans d’Analavory, n’avait pu prendre forme au cours du travail-frontière et se cristalliser dans le PBC ; faire saillir pareillement, à travers l’évocation des coutumes, des fady (interdits), des rituels et des institutions traditionnelles, les écarts et décalages potentiels avec les récits, concepts et institutions déployés par le texte.

Les deux enquêtes ont été précédées d’une enquête exploratoire qui a débuté par une visite de courtoisie auprès des différents responsables régionaux, communaux et des Fokontany. C’est ce qui a permis, outre la présentation officielle du projet et des chercheurs, l’identification des personnes ressources pour la suite du travail de terrain : tout d’abord, les membres actifs de la coopérative Fa.M.A. et les responsables des Fokontany couverts par le projet (voir Carte n° 1) qui avaient une bonne connaissance du processus de développement du protocole dans la zone. La liste s’est élargie aux ray aman-dreny (parents, bienfaiteurs) ou zokiolona (aînés du village), approchés essentiellement pour leurs connaissances de l’histoire de la communauté, des coutumes locales et des modalités d’échange de semences. S’étalant sur une période d’environ deux semaines (du 21 au 30 octobre 2019), cette phase d’observation a également permis de conduire une série d’entretiens non directifs en malgache, traduits et retranscrits par la suite en français, particulièrement précieux pour affiner le protocole de recherche et replacer le protocole dans son contexte social, économique et environnemental.

Première phase d’enquête proprement dite, l’analyse en groupe a été menée sur deux journées successives (28 et 29 octobre 2019). Elle a associé une quinzaine d’acteurs et a été consacrée pour l’essentiel au Protocole Bioculturel. L’objectif était de saisir la dynamique des relations (notamment à l’intérieur de la communauté, mais aussi entre la communauté et l’administration ou le facilitateur), les représentations des ressources génétiques déployées et les intérêts poursuivis autour de trois thématiques : la genèse du protocole, les étapes et le processus de développement et de négociation de son contenu, et son impact sur la dynamique des institutions locales en lien avec le projet. Basée sur le modèle de l’herméneutique ricœurienne (Mercier et De Muelenaere 2007), articulant expliquer et comprendre (Ricœur 1976), cette méthodologie assume d’abord l’immersion du chercheur dans la recherche et sa participation à la production du sens en réduisant le hiatus entre acteur et chercheur. Ensuite, elle a pour ambition et vertu de favoriser les compétences réflexives des participants : selon le modèle proposé par van Campenhoudt et al. (2005), une séquence d’analyse, appelée « analyse partielle », s’articule autour d’un récit-maître (choisi par l’animateur de notre équipe) qui donne lieu aux interprétations successives des participants ; les convergences et divergences sont synthétisées par l’équipe de chercheurs, puis font l’objet de propositions d’hypothèses et de problématiques24. Ces dernières sont alors soumises aux participants qui peuvent ainsi directement confronter leur lecture à celle des chercheurs. C’est cette dialectique entre (pré-)compréhension individuelle, explication collective (le chercheur fait valoir son savoir théorique), puis confrontation des interprétations (compréhension – critique), qui permet la réflexivité des participants (et celle des chercheurs) (Ricœur 1976). La méthode tient également compte de la profonde hétérogénéité de toute communauté (Agrawal et Gibson 1999) et appréhende les participants comme des acteurs sociaux pris dans des rapports sociaux complexes, des hiérarchies et des relations de pouvoir sans cesse renégociées et sans contours fixes (Gudeman 2001, 24).

Quant à la méthode de l’atelier ethnographique, encore appelé atelier de transmission intergénérationnelle (Laugrand et Oosten 2012), elle était destinée à interroger les valeurs, les coutumes et les modes de vie des paysans d’Analavory. La méthode a associé une dizaine d’acteurs de générations différentes (quatre jeunes et cinq aînés25) placés dans un contexte recréé de transmission intergénérationnelle du savoir. L’un des grands intérêts de la méthode est de pouvoir saisir les interactions sociales, tout en observant la façon dont les savoirs sont, le cas échéant, actualisés par les jeunes générations dans leur vie quotidienne. La méthode privilégie également les savoirs co-construits entre chercheurs et participants et associe plusieurs modes performatifs d’expression – visuels, théâtraux, rituels, artistiques – à la narration (Laugrand 2020). Trois séances, de deux heures chacune, ont été organisées et ont permis d’aborder successivement trois thématiques :

  • les pratiques coutumières locales, saisies à travers une séquence vidéo sur la cérémonie de retournement des morts et le concept de tanindrazana (la terre et le sol des ancêtres) ;
  • la nature et l’environnement, abordée également à travers une séquence vidéo sur les problématiques foncières et l’érosion des sols ;
  • les échanges de semences au sein de la communauté par l’établissement d’une cartographie participative des Fokontany concernés par le PBC et une ébauche des circuits d’échanges des semences entre les membres de la coopérative (Photo n° 1).

Photo n° 1 : Cartographie participative des Fokontany couverts par le PBC et circuits d’échange de semences

Photo n° 1 : Cartographie participative des Fokontany couverts par le PBC et circuits d’échange de semences

Manohisoa Rakotondrabe, atelier ethnographique du 4 novembre 2019.
Identifiant permanent : https://doi.org/10.34847/nkl.a8d95vvz
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Les limites d’une telle méthode sont faciles à identifier. Ses résultats dépendent de la représentativité des participants et donc soit de la grande homogénéité sociale et culturelle à l’intérieur de chaque classe d’âge, soit du nombre de participants impliqués (ce qui suppose alors de pouvoir multiplier les ateliers). Le choix des thématiques reste délicat : évoquer, par exemple, la cérémonie de retournement des morts et le champ de l’ancestralité permet d’observer des schèmes qui ont une importance considérable dans la compréhension des pratiques agricoles malgaches (Keller 2008). Mais la méthode ne peut se suffire à elle-même et doit pouvoir se soutenir d’un travail ethnographique de plus longue haleine. Elle constitue néanmoins une première approche précieuse qui permet d’indiquer si certaines des hypothèses formulées a priori méritent d’être explorées plus avant.

Les sections qui suivent ont exploité ces sources à des titres divers. L’identification des scripts et leur tracé ont bénéficié à titre principal du travail d’entretien et de l’étude systématique de la littérature grise. L’analyse en groupe a été mobilisée pour faire saillir et décrire l’impact des scripts sur le contenu du protocole. Si, en revanche, les représentations paysannes ont peiné à s’exprimer lors des ateliers ethnographiques, elles ont jailli au détour d’un problème de traduction lors de l’analyse en groupe. Il a bien fallu rendre en malgache les concepts du régime international de la biodiversité : « ressources génétiques », « RPGAA », « savoirs traditionnels » – qui restent toujours à la limite de l’intraduisible et suscitent des incompréhensions (sur les intraduisibles en Afrique, voir Wozny et Cassin 2016). Mais ce sont ces incompréhensions mêmes, en partie parce qu’elles font revivre le travail-frontière accompli par le facilitateur de Natural Justice, qui donnent à voir les équivoques que le processus de médiation n’a pu ni résoudre, ni même en réalité percevoir.

Développement du PBC : scripts publics, script caché et infra-politique

Le corpus présenté précédemment permet d’abord de montrer ce qui, dans le processus de développement du protocole, a dévoyé le travail-frontière et rendu impossible le rapprochement des différentes représentations. Rappelons que, tel qu’il est employé dans la géographie anglophone, le travail-frontière recouvre une vaste gamme d’« arrangements », parmi lesquels figurent par exemple la médiation-traduction (au moyen de « boundary concepts » : Mollinga 2010 – le concept de « bioculturalité » en est un) ou les méthodes destinées à soutenir le partage et la co-création de connaissances entre partenaires (Robinson et Wallington 2012). Les objectifs sont normalement conjointement définis et le travail-frontière peut être soutenu par des dispositifs de co-gouvernance (« boundary settings » : Mollinga 2010). Enfin, sont couramment développés des « objets-frontières » (Trompette et Vinck 2009), comme une carte participative, qui permettent de stabiliser, au moins temporairement, les connaissances et « faits » (Fujimura 1992, 168) de manière à assurer la poursuite de la coopération, du débat et de l’action locale (Zurba et al. 2019).

À Analavory, certains de ces arrangements ont été identifiés par l’étude du processus de développement : par exemple le recours à des saynètes, des jeux de rôle, des ateliers consacrés à l’explication des concepts du régime juridique international. Cependant, le travail-frontière a été perturbé par le schéma de déploiement du projet Darwin, qui a suivi une trajectoire finalement assez courante dans le cadre des instruments pourtant dits bottom-up : c’est un acteur extérieur qui en prend l’initiative (Nadasdy 2005). Or, précisément en l’occurrence, l’analyse montre que l’initiative extérieure, prise dans des scripts globaux, a compromis la bonne marche de la négociation des frontières entre communautés locales et développeur en cherchant à imposer les représentations techniques de la semence puisées dans le cadre juridique international de la biodiversité.

L’intérêt de l’étude est surtout d’aller au-delà, en plaçant le jeu des scripts dans le contexte d’une transformation récente du courtage en développement. L’allongement de la chaîne d’aide, comme nous l’avons décrit en introduction, fait alors intervenir une variété d’acteurs qui sont en mesure d’introduire des scripts alternatifs. La multiplication des scripts peut à son tour brouiller le travail-frontière, en favorisant aussi l’irruption de scripts cachés. Enfin, certains membres de la communauté sont mis en position d’exploiter le phénomène de brouillage, mais au risque d’un renforcement des pouvoirs d’une élite locale.

Courtage en développement et allongement de la chaîne d’aide

Que les agences de financement et développeurs imposent leur agenda aux communautés locales, y compris dans le cadre de projets participatifs, est un truisme dans le domaine du développement (Mosse 2001). Que le processus de développement du PBC paraisse, en apparence, avoir méconnu cette vérité d’évidence sans chercher à y répondre vraiment, paraît, en revanche, plus surprenant. Comment expliquer notamment que, lors d’un entretien semi-directif conduit bien après la fin du projet Darwin, le facilitateur de Natural Justice, qui connaît pourtant bien l’enjeu de la « médiation entre les communautés locales d’un côté et ceux qui financent l’ensemble du projet de l’autre » selon ses mots, exprime l’urgente nécessité de remettre sur le métier, dans un « guide global sur les protocoles communautaires », la question des relations entre financeurs et communautés26 ?

Pour y répondre, il faut revenir sur l’organisation institutionnelle du projet. Tout le processus de développement du protocole a été initié par Bioversity International, comme on l’a vu. Centre international de recherche agricole (IARC) intégré au réseau du Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (CGIAR), Bioversity International a une large expérience de la conservation (ex situ et in situ) des ressources phytogénétiques. Il constitue surtout un « courtier en développement » majeur dont la fonction est de faire transiter vers les pays en voie de développement la « rente du développement » qui, en Afrique, n’est plus contrôlée directement par les États du fait de la défiance des bailleurs de fonds à leur égard (Olivier de Sardan 1995).

La présence et le rôle de Bioversity International signalent le changement important qu’a connu la structure de l’intermédiation au cours des dernières décennies. Les modalités contemporaines d’attribution des aides imposent des contraintes managériales nouvelles (par exemple les « log-frames », « theories of change », « value of money », multiples outils d’évaluation et d’accountability) et introduisent des cibles (tels les « Objectifs du millénaire pour le développement ») et indicateurs (comme les droits humains) d’une grande complexité qui continuent de donner un avantage compétitif aux acteurs globaux. Pour les mêmes raisons – mais avec un effet cette fois-ci inverse –, l’intermédiation doit désormais s’appuyer sur un réseau international impliquant un nombre considérable d’institutions, globales, nationales, locales, gouvernementales et non gouvernementales, et associant une variété de disciplines, de dispositifs technologiques et de systèmes de connaissance et de professionnels (Sharma 2016). Comme en l’espèce les courtiers sont donc bien internationaux, et s’ils sont toujours « des passeurs, des go-between, des médiateurs » entre rationalités, représentations et savoirs différents (Olivier de Sardan 1995), ils doivent former des partenariats, tout en ne pouvant faire autrement, du fait de leur faible ancrage local (Demeulenaere 2016), que de sous-traiter une partie des actions à accomplir sur le terrain, ce qui modifie les dynamiques de pouvoir entre parties prenantes (Sharma 2016).

Si les courtiers, comme ici Bioversity International, jouent nécessairement un rôle nodal dans le cadrage des projets, la sélection et la diffusion de certains types de savoirs et le choix et l’enrôlement des acteurs, la multiplication des acteurs le long de la « chaîne d’aide » montre aussi combien les projets de développement ne peuvent se réduire à une série d’institutions et d’acteurs s’inscrivant dans des arrangements préexistants aux contours bien fixés ; ils sont au contraire toujours « imprévisibles » et « se concrétisent par le travail qui consiste à générer et traduire les intérêts, créer du contexte par la mise en lien des soutiens [supporters] et de cette manière alimenter [sustaining] les interprétations » (Lewis et Mosse 2006, 13) – dans un contexte de menace permanente de fragmentation. L’enjeu est donc pour le courtier de « composer » (selon la formule de Stengers 2005), c’est-à-dire d’impliquer les soutiens, de nouer des liens politiques, d’« intéresser » et de stabiliser autour de représentations cohérentes communes (Mosse 2004, 645), en partant de « scripts publics » ou scénarios officiels, mais qui sont toujours aussi concurrencés par des « scripts cachés » (ibid.), qu’on appellera aussi scripts alternatifs.

La diffusion et le brouillage des scripts publics

On peut commencer par exposer ce qu’on peut appeler le script public principal ; il ressort directement du projet soumis par Bioversity International à Darwin Initiative27. Couvrant deux pays différents (Madagascar et le Bénin), le projet avait pour ambition de développer les dispositifs législatifs, réglementaires et institutionnels nécessaires à la mise en œuvre mutuelle du couple CDB/Protocole de Nagoya et du TIRPAA, tout en assurant une meilleure protection des communautés locales (Darwin Initiative 2014). Le développement concomitant du PBC et du cadre légal APA (qui est l’objectif prioritaire du projet) installe une chaîne de traduction qui inscrit d’emblée le PBC d’Analavory dans le script du « Grand Bargain » : en mettant les communautés locales en mesure de commercialiser leurs ressources et leurs savoirs sur les réseaux internationaux d’échanges (négociation d’accords d’« Accès et de partage des avantages »), les pays industrialisés peuvent maintenir leur accès au germoplasme et aux connaissances dont leur industrie et leurs centres de recherche ont besoin, tout en offrant aux communautés concernées de nouvelles sources de revenus et des incitations à la conservation de la biodiversité – c’est le « gagnant-gagnant » de l’APA28. C’est autour de ce script que Bioversity International, acteur dominant, cherche d’abord à enrôler un réseau d’acteurs qui dépasse les seuls membres de l’Expert guidance group (EGG) ou comité de pilotage du projet Darwin29. Ce script a surtout pour effet de convoquer tout un ensemble de représentations (liées à la « rationalité » supposée des acteurs) et savoirs (économie de la biodiversité, science de la durabilité : Girard 2019b) à l’intérieur desquels le PBC ne peut être pensé que comme un dispositif économique et instrumental.

On voit ici se faire jour l’une des premières raisons pour lesquelles le travail-frontière a toujours été problématique à Analavory30. Comme en rend compte notre travail de terrain et d’entretiens31, les relations entre le porteur du projet et son sous-traitant, Natural Justice, spécialement recruté pour développer les PBC à Madagascar et au Bénin, ont en effet donné lieu à des tensions récurrentes, qu’il s’agisse des discussions autour du calendrier et des fonds complémentaires sollicités par le facilitateur pour le développement du protocole et de la banque de semences ou des désaccords quant à la publication du PBC lui-même. C’est que Natural Justice, ONG sud-africaine qui fait partie de ce qu’on pourrait appeler « l’élite globalisée » de la « bioculturalité » (Demeulenaere 2016), a joué un rôle majeur dans la diffusion des PBC à travers le monde et poursuit un agenda précis en matière d’APA et de défense des droits des communautés autochtones et locales. Or, cet agenda, comme on le verra plus tard, est largement incompatible avec le script principal du porteur (BI) à Analavory.

Les relations avec le facilitateur ont surtout été rendues plus complexes par le déploiement d’un second script public qui, pour être en partie effacé du contenu du PBC, n’en a pas moins considérablement orienté le processus de négociation, tout en ouvrant des opportunités de déploiement d’un script alternatif.

Pour le comprendre, il faut revenir à l’origine du projet. S’agissant d’un projet de mise en œuvre mutuelle des deux grands régimes internationaux d’accès aux ressources génétiques (voir Encadré n° 1), il était crucial pour le porteur (BI) que certaines communautés soient choisies dans chaque pays, non pour agir en tant que « fournisseurs » potentiels de ressources génétiques, mais en tant que « good candidates for receiving genetic resources on the basis that they need […] adapted germplasm to respond to climate changes or soil degradation […] » (Darwin Initiative 2014, 21). L’une des deux communautés malgaches devait ainsi être intégrée au projet pour son activité agricole – et non pour sa richesse potentielle en ressources génétiques susceptible de faire l’objet d’accords APA – et ses besoins en germoplasme (RPGAA) susceptibles d’être satisfaits au moyen d’accès aux ressources du TIRPAA. La commune rurale d’Analavory correspondait à ces critères, à la fois du fait de l’importance de l’activité agricole et de la faiblesse des ressources génétiques d’intérêt dans la zone.

La survenance de ce nouveau script, qui rompt avec le premier script du « Grand Bargain » jusqu’alors placé au cœur du projet Darwin, crée une instabilité dans les relations entre le porteur (BI) et le facilitateur (Natural Justice). Le développement du protocole peut sans doute encore être rattaché au cadre « Accès et partage des avantages » et à l’idée d’un « gagnant-gagnant », comme y invite le premier script, même si Natural Justice s’insère malaisément dans la philosophie purement institutionnaliste et économiste qui le porte32. À la même période, le facilitateur de Natural Justice travaille parallèlement au développement d’un autre protocole pour le projet Darwin : le PBC d’Ampangalantsary (Région Alaotra Mangoro) (Carte n° 2), dont la zone a été choisie pour sa richesse en ressources génétiques33 ; ce dernier protocole exerce naturellement une attraction sur le premier. D’un autre côté, le facilitateur ne peut totalement ignorer l’ambition de Bioversity International. Il se plaint d’ailleurs d’avoir dû négocier à la hâte un protocole qui devait être prêt à la fin du projet pour pouvoir réaliser une série d’échanges de germoplasme avec des centres de recherches et entre communautés impliquées dans le projet ; il dénonce dans le même mouvement un objectif du PBC qui n’a pas été discuté avec les communautés :

« Heu, et ça c’est quelque chose qui a été un peu [silence] difficile pour nous en tant que Natural Justice qui a facilité en fait l’ensemble du processus, et ça je pense c’est quelque… que… que… qu’on va… heu… vraiment intégrer dans le guide global sur les protocoles communautaires, parce qu’on va le faire. C’est cette relation, enfin, cette… heu… médiation entre les communautés locales d’un côté et ceux qui financent l’ensemble du projet de l’autre. Parce que les institutions qui s’engagent, comme par exemple le projet Darwin qui, ils se sont mis dans la tête : “Tiens, on va développer un protocole communautaire pour telle fin !”… par exemple [rire contenu]… et de l’autre côté, il y a les communautés qui ont leur propre priorité aussi qui peuvent être autres que… heu… celles des… des… bailleurs de fonds, des partenaires techniques et financiers. Donc c’est là vraiment qu’on essaie [un mot manque] les deux, des… les… deux parties en s’établissant en tant que médiateur. Comme par exemple, si vous regardez les rapports aussi en fait, si on a été obligés de faire des… enfin de rajouter du budget au Darwin… heu… au projet Darwin, c’est à cause des protocoles communautaires [rire], parce que j’étais têtu en fait, je pense que X. [le porteur du projet pour Bioversity International] m’en veut un peu, et le ministère m’en veut un peu en fait en disant : “Heu écoutez les gars, ça va pas suffire le temps que vous vous m’imposez à moi et surtout aux paysans !” – comme quoi il faudrait terminer un protocole communautaire d’ici [rire contenu] la fin de… heu… du projet [rire] pour être utilisé à telle fin34. »

Du côté du porteur, notons à la fois la conscience de la transformation progressive des objectifs du protocole par le facilitateur – à laquelle il finit par consentir en obtenant des fonds supplémentaires qu’il met à disposition du facilitateur de Natural Justice pour poursuivre le travail-frontière –, mais aussi le regard pour le moins sceptique (pour ne pas dire cynique) qu’il porte sur ce qui a été développé au-delà des objectifs initiaux du projet, notamment la réinscription dans le Protocole de Nagoya et le script du « Grand Bargain ». Il y a assurément ici, pour le porteur, un enjeu d’« intéressement », de « composition » et de stabilisation de la chaîne d’aide ; mais rien qui présente en tout cas, de son point de vue, un intérêt véritable pour la communauté qui n’a pas de ressources génétiques particulières35 à offrir au secteur privé ou à la recherche publique :

« I mean the other problem with all these protocols from the Nagoya point of view is… umm… you can build a fence around all kinds of things and that doesn’t create a demand for it and that doesn’t make it useful [rire]. […]
You know where in communities where it’s purely agricultural they’re not… they’re working on crops, from other centers of origin and… you know… put a lot of effort in developing a protocol but… if there’s no interest in getting stuff from them, you never get… you know… it’s another thing36. »

Carte n° 2 : Localisation des trois PBC établis à Madagascar

Carte n° 2 : Localisation des trois PBC établis à Madagascar

Le troisième protocole, dit « PBC pilote », est celui des communautés de Mariarano et de Betsako (Région Boeny), développé entre 2015 à 2017. Ce PBC s’inscrit dans le cadre du Projet d’Appui à la Gestion de l’environnement (PAGE) et est financé par le gouvernement allemand.

Manohisoa Rakotondrabe.
Identifiant permanent : https://doi.org/10.34847/nkl.773cdq5r
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D’un script alternatif caché

Le travail de Natural Justice est plus largement contraint aussi par un script cette fois-ci caché, que le ministère de l’Agriculture, de l’Élevage et de la Pêche (MAEP) peut déployer parce que les objectifs paraissent flous aux agents du ministère37. L’indétermination ouvre un espace herméneutique qui est d’abord investi à travers le choix du site. Si la zone d’Analavory est officiellement le résultat d’une décision collective de l’Expert Guidance Group, le choix a en réalité été influencé par les anciens responsables de l’Agence nationale de contrôle officiel des semences et plants38 (aujourd’hui dénommée Service officiel de contrôle des semences et matériel végétal, le SOC). Or, le choix du site, il est vrai facilement accessible et proche de la capitale, présente un triple avantage – qui assure incidemment un triple alignement d’intérêts : il est connu de Darwin Initiative qui y a financé plusieurs projets ; la zone est agricole, ce qui permet à Bioversity International de travailler comme il le souhaite autour de l’accès des communautés au Système Multilatéral du TIRPAA ; et la commune compte enfin et surtout plusieurs groupements de producteurs de semences (GPS) dynamiques, jugés exemplaires pour le reste de Madagascar.

Ce dernier point est décisif pour le MAEP : tout en s’inscrivant en apparence dans le second script public (préparer les communautés à utiliser le Système Multilatéral), il lui fait subir une déformation interprétative et parvient ainsi à l’insérer dans les politiques publiques malgaches. Le site, on l’a dit, comporte quelques GPS que le ministère juge exemplaires (ministère de l’Environnement et al. 2016, 18) et qui ont un rôle essentiel dans la multiplication des semences de base développées par le Centre national de recherche appliquée au développement rural (FOFIFA), et donc dans la dissémination de semences améliorées (les variétés élites) contrôlées ou certifiées. Du point de vue du ministère, selon un script qui associe pauvreté et destruction de l’environnement à la « prémodernité » des communautés locales, les GPS Mitsinjo et Santatra, en particulier, ont une double fonction essentielle de modernisation (MAEP, SAGE et ministère de l’Environnement 2017) : pour les agriculteurs encore minoritaires qui sont « tournés vers le marché », les semences certifiées doivent être plus facilement accessibles. En effet, « il leur est difficile de trouver ces semences en raison de la production insuffisante des producteurs semenciers du pays » (MAEP 2008). Or, la priorité de la stratégie nationale semencière (ministère de l’Agriculture et de l’Élevage 2018), ainsi que de la stratégie nationale de développement rizicole (ministère auprès de la Présidence en charge de l’Agriculture et de l’Élevage 2017), est d’accroître l’utilisation des semences certifiées, de produire plus et de réduire la pression sur les terres. Ensuite, pour la grande majorité des agriculteurs qui pratiquent l’autosubsistance et qui dépendent de variétés locales et des réseaux semenciers traditionnels – perçus comme « prémodernes » (Coomes et al. 2015, 43) –, il faut provoquer un changement de pratiques, ce que les GPS peuvent faire, en offrant déjà un service de proximité et en développant aussi des mesures incitatives ou d’accompagnement, comme l’échange de semences contre du grain ordinaire ou la vente à crédit (MAEP 2008).

La liberté interprétative du ministère est partiellement invisible, ne serait-ce que parce que des liens peuvent être tissés entre l’objectif du ministère et celui de Bioversity International pour le site à travers la mobilisation du Système Multilatéral. Aussi, le pré-rapport confidentiel rédigé par le Service d’appui à la gestion de l’environnement (SAGE)39 en vue du deuxième rapport annuel de Bioversity International (Darwin Initiative 2017), insiste-t-il sans détours sur le rôle des nouvelles variétés qui ont « un effet multiplicateur sur l’économie en augmentant l’efficacité et le volume total de la production agricole contribuant à la sécurité alimentaire ». De toute manière, le MAEP peut mettre en scène le rôle du Système Multilatéral et des mécanismes « Accès et partage des avantages » (et donc du PBC). À la suite d’un important travail de terrain, financé sur fonds complémentaires, écologues, agronomes, techniciens et paysans ont réalisé un riche diagnostic des enjeux d’adaptation au changement climatique sur chacun des sites (Analavory et Ampangalantsary) (ministère de l’Environnement et al. 2016, 18 ; MAEP, SAGE et ministère de l’Environnement 2017) ; l’étude a permis d’identifier les enjeux liés à l’adaptation climatique et de réfléchir au développement de systèmes agricoles plus résilients. Le PBC peut alors être présenté comme un outil permettant d’accéder, à travers le Système Multilatéral, à des « variétés résilientes ». S’accomplit en apparence l’alignement avec les objectifs de Bioversity International : le PBC va pouvoir être utilisé pour « introduire des ressources nationales ou venant de l’extérieur avec le savoir-faire associé » (SAGE, confidentiel).

L’argumentaire déployé masque toutefois mal un déphasage entre l’ambition du projet Darwin, qui vise à faire des paysans d’Analavory des bénéficiaires de RPGAA à travers des Accords de transfert de matériel, et l’objectif principal du MAEP et de SAGE : introduire des « espèces à haute valeur marchande » et ouvrir de nouveaux « marchés pour les produits qui en sont dérivés » (SAGE, confidentiel). Pour ce faire, des partenariats doivent d’ailleurs être développés avec les intermédiaires (revendeurs de semences), des sociétés privées comme AGRIVET et AGRIPRO, ou les ONG locales qui pourraient faire des appels d’offres de production de semences (comme Agrisud). Notons que ce nouveau script s’accorde assez bien, à première vue, avec les attentes des paysans autour du PBC, tout particulièrement les membres de la coopérative dont on observe l’apparition au cœur du projet et à laquelle il faut s’intéresser.

Infra-politique communautaire

La référence à l’infra-politique (Scott 2009) permet de souligner que les scripts publics et cachés n’accomplissent jamais totalement le phénomène d’enrôlement sans rencontrer de « résistance », en particulier celle des acteurs subalternes qui sont la cible des politiques environnementales. Résistance subalterne, donc, mais dissimulée, non organisée et non structurée, qui passe facilement au travers des mailles de l’enquête, et dont la qualification même, en partie pour ces mêmes raisons, est toujours précaire et sujette à discussions.

À Analavory, comme dans d’autres endroits du monde, la frontière paraîtra ténue entre stratégies de résistance et capture par les élites (Platteau 2004, 228). Ce qui peut passer pour une forme de résistance n’est en réalité parfois qu’une redistribution problématique du pouvoir ou un renforcement de la position stratégique de certains acteurs qui suit des changements dans les structures communautaires de gouvernance (Almeida 2017) – changements que les PBC ont tendance à provoquer en modifiant les institutions locales.

Ce que l’enquête à Analavory dévoile d’abord, en effet, c’est un problème persistant de délimitation du champ d’application du PBC, c’est-à-dire le tracé de la communauté visée par le protocole. La première échelle d’action est la commune rurale, mais tout le travail-frontière est dirigé vers les Fokontany que compte la commune, en tant que derniers échelons de l’organisation administrative malgache. L’attraction exercée par les Fokontany est sans surprise : ils sont l’incarnation administrative de ce qui a toujours été tenu sur la Grande Île pour la structure communautaire élémentaire : le Fokonolona (Condominas 1961). Originellement de type patrilinéaire et patriarcal, le Fokonolona unissait, sur un même territoire (Fokontany), « les descendants d’un même ancêtre dont la tombe constitue le pôle mystique où le groupe vient retrouver sa cohésion » (ibid., 25). La dimension familiale du Fokonolona s’est ensuite estompée. C’est désormais le rattachement territorial qui est déterminant et qui permet de tenir pour liées les personnes qui obéissent à des règles de vie communes (Delteil 1931, V‑VI). Le Fokonolona, un temps unité administrative autonome, a perdu la plupart de ses prérogatives en 1994 avec l’avènement de la Troisième République. Le nouveau décret n° 2004-299 du 3 mars 2004 sur les Fokontany ne reconnaît plus dans le Fokonolona que l’ensemble des habitants du Fokontany. Résultat : c’est le Fokontany qui, seul, possède la personnalité juridique et est considéré comme « une subdivision administrative de base au niveau de la commune »40.

La première réunion de travail à l’échelle communautaire commence donc par une assemblée générale des Fokontany qui a lieu le 7 septembre 2016. Elle associe également des responsables de la commune d’Analavory et des membres des GPS. Ce qui se passe ensuite est visible dans la Figure n° 1, qui montre, au gré des réunions de travail, une diminution constante du nombre de participants. Au moment de notre enquête, seuls trois Fokontany sur les vingt-deux que compte la Commune Rurale d’Analavory participaient encore au processus de développement du PBC (Analavory, Antanetimboahangy et Mandrevo ; – voir Carte n° 1).

Que les paysans privilégient le travail au champ et le suivi du calendrier agricole peut expliquer ce désengagement41. Mais on voudrait surtout décrire un double mouvement à l’œuvre, dont le second est crucial : un phénomène centrifuge de fuite ou d’évitement que l’on peut lire dans l’attitude des « curieux »42, seulement de passage, et un phénomène centripète d’investissement du processus par une sorte de petite élite locale réunie dans le « kômity mpanorona », ou comité de rédaction, composé d’une vingtaine de paysans leaders. La genèse de ce comité interroge. Il n’en est nullement question dans les documents de synthèse et rapports d’atelier produits au cours du processus, qui mentionnent au contraire un « comité communautaire regroupant des représentants de chaque Fokontany concerné ». Ce comité est chargé de faire des propositions validées ensuite par l’ensemble des paysans (MPAE 2016). C’est notre enquête qui a mis au jour le kômity mpanorona, sorte de part adventice du projet, mais qui en est en réalité sans doute la composante la plus essentielle, et même originelle. C’est ce comité, créé avec l’assentiment du facilitateur de Natural Justice43 qui y a vu un moyen commode de facilitation du processus de rédaction, qui a contribué de manière décisive au contenu du PBC. Or, la composition du kômity mpanorona est particulièrement déséquilibrée du point de vue de la dynamique communautaire : la majorité des membres proviennent, en effet, du même Fokontany de Mandrevo, là où se trouve la banque de semences, et ils sont soit parents proches, soit issus du même lignage44. On retrouve du reste la même ambiguïté avec cet autre embranchement inattendu du projet Darwin à Analavory : la coopérative Fa.M.A de production de semences, qui regroupe tout à la fois des GPS et de simples membres de la communauté intéressés par la production et la vente de semences (riz, maïs, arachides et sorgho). En plus de signaler le phénomène de capture possible par une petite élite du kômity mpanorona, puisque la liste des membres de la coopérative recoupe plus au moins celle du comité, la Koperativa Fa.M.A donne surtout l’impression de s’être appropriée tous les résultats du travail de développement : le PBC, le registre de semences et la banque de semences communautaire. Dans ce dernier cas, la confusion est d’ailleurs totale, puisque la coopérative et la banque de semences partagent le même bâtiment, l’inscription sur le fronton du modeste édifice (Photo n° 2) exprimant aussi, par un effet de lecture de gauche à droite (et de juxtaposition du malgache et de l’anglais), un rapport possible d’annexion.

Photo n° 2 : Banque de semences communautaire et siège de la Coopérative Fa.MA., Fokontany Mandrevo

Photo n° 2 : Banque de semences communautaire et siège de la Coopérative Fa.MA., Fokontany Mandrevo

Manohisoa Rakotondrabe, atelier ethnographique du 30 octobre 2019.
Identifiant permanent : https://doi.org/10.34847/nkl.a8d95vvz
Télécharger : https://api.nakala.fr/data/10.34847/nkl.a8d95vvz/a3bc7e99e99a90aece2bae6cac6d1dfae5ddb244.

L’expert de Natural Justice souligne une « erreur » à l’origine de tensions au sein de la communauté45. L’effet est radical sur les non-membres de la coopérative, y compris les paysans qui résident dans le Fokontany Mandrevo. L’un de ces paysans s’exclame devant nous : « Andrizareo kôperativa io ! – Tout cela appartient à la coopérative46 ! »

On observe ici une forte dissonance qui tient à l’instabilité qu’introduit le rôle de la coopérative qui n’est ni réductible au Fokontany de Mandrevo, ni du reste aux deux autres Fokontany toujours impliqués. Elle peut d’abord être imputée à la multiplication des scripts qui brouille les objectifs du travail-frontière. C’est ce que qu’exprime le facilitateur lorsqu’il déplore que le protocole ait été développé « dans le vide », c’est-à-dire en l’absence de ressources clairement identifiées :

« Nous, Natural Justice, surtout, on a tiré la leçon selon laquelle on ne développe surtout pas des protocoles communautaires dans le vide, c’est-à-dire sans objectif, sans définir une opportunité vraiment concrète47. »

Une lecture plus politique permet aussi de souligner les rapports de pouvoir dont le « vide » créé libère l’expression : l’irruption du script caché du MAEP, rendue possible par le brouillage des scripts publics, offre l’opportunité à des membres de GPS de s’insérer dans le projet Darwin et de concrétiser leur dessein de coopérative apparemment mûri de longue date. Tout se passe, en apparence, comme si les membres de la coopérative s’alignaient sur le script du ministère. Après tout, le modèle de la coopérative a les faveurs de l’administration malgache (Ministère de l’Agriculture et de l’Élevage 2002), et la coopérative Fa.M.A va pouvoir, après avoir absorbé les GPS de la commune (Darwin Initiative 2017), se charger de multiplier les semences certifiées R1 (première génération), produites à partir des semences de base du Centre national de recherche appliquée au développement rural (FOFIFA). Mais derrière l’apparent alignement, se laisse voir aussi un processus de subversion qui conduit à modifier la destination du bâtiment de la banque de semences : la coopérative ambitionne de l’utiliser comme point de vente d’engrais chimiques, une source de revenus complémentaire qui permettra d’atténuer les effets de la période de soudure (particulièrement difficile au moment de la rentrée scolaire48). Non moins important est le transfert d’une partie du pouvoir de décision en matière de ressources aux membres de la coopérative. C’est ce dernier point que l’article examine maintenant.

Le contenu du PBC : échec du travail-frontière

On a montré, jusqu’à présent, pourquoi le processus de développement du PBC des paysans d’Analavory n’a pas permis d’ouvrir un espace de conciliation des mondes. Quelles en sont les conséquences sur le contenu du protocole lui-même, et surtout sur sa perception par la communauté ? Un premier effet du jeu de scripts est perceptible à l’égard de la coopérative qui parvient à capter une partie du pouvoir à l’intérieur du dispositif de gouvernance mis en place pour les RPGAA. Par exemple, la décision d’inclure certaines ressources volontairement dans le Système Multilatéral (la communauté joue exceptionnellement ici le rôle de fournisseur) fait intervenir la coopérative qui participe nécessairement à la décision, ainsi que « les agriculteurs non-membres de la coopérative », comme l’ajoute le texte de manière assez vague (mais la formulation dénote une coupure significative). De cette manière, la coopérative peut exercer une fonction de contrôle (« gate-keeping function », Bannister 2004) sur les autres membres de la communauté.

Quelle que soit l’importance de ce jeu de pouvoir, il n’aboutit pourtant pas à placer la coopérative au centre du protocole lui-même, dans lequel on remarque surtout sa présence discrète. Paradoxalement d’ailleurs, alors que Bioversity International souhaitait développer un PBC autour des RPGAA, en faisant de la communauté un « bénéficiaire » de ressources, trois pages seulement, sur les vingt-sept pages que compte le document (en lui-même très court en comparaison des autres PBC du corpus), sont consacrées à ces questions (voir supra, Figure n° 2). C’est ce décalage qu’il faut maintenant examiner.

Comme on l’a montré en reproduisant les regards croisés du porteur du projet (Bioversity International) et du facilitateur (Natural Justice) sur le travail effectué à Analavory, les deux acteurs, qui ont été amenés à interagir fréquemment tout au long du projet Darwin, donnent l’impression d’avoir emprunté deux voies qui ne se recoupent jamais.

Pour le porteur du projet, les objectifs étaient pourtant clairs et s’inscrivaient sans conteste dans le deuxième script public :

We… one… one of the objectives of the project was to sign six or eight agreements for exchange of germplasms to get down to the communities in response to…, and that happened. We did it. Some of them were SMTAs49… most of them are SMTAs but some of them… more agreements between countries […].
So that was to demonstrate to the community… their… you know… community collective interest in… putting systems in place to take advantage of the Multilateral System50.

Mais il est aussi conscient que le projet a pris une autre direction (puisque des délais supplémentaires et fonds additionnels ont été sollicités par le facilitateur, Darwin Initiative 2018), ce qu’il critique à demi-mot :

[…] in one of these two communities, I forgot which one, I can’t pronounce the name of either one of them in Madagascar—the community investment plan was: “We’ll develop a community seed bank.” And then… they don’t cost much and we found some extra money from the GRPI51 project and we said: “OK here do it.” But yeah immediately then you’re faced with: “We have the structure, we have some seeds, but we don’t know what to do and hmm?” […]52

Le facilitateur, en revanche, quoique nécessairement informé de l’objectif poursuivi par Bioversity International, investit presque tout le travail-frontière dans le développement de règles locales en matière d’Accès et de partage des avantages (APA). L’enjeu est pour lui aussi la protection du patrimoine bioculturel des communautés dans un contexte (futur) de bioprospection – le premier script public du « Grand Bargain » constitue toujours son horizon. L’instabilité qu’introduit le doublement du script permet ce décentrage. En convoquant le premier script public (l’APA et le « Grand Bargain »), le sous-traitant peut ainsi en partie renouer avec la culture professionnelle de Natural Justice53. D’ailleurs, la relecture des objectifs n’est pas totalement incongrue : le site d’Analavory, qui offre quelques plantes endémiques utilisées en pharmacopée traditionnelle (SAGE et MAEP 2016), pourrait (au moins de son point de vue) se prêter à des accords APA avec des bioprospecteurs. Enfin, il faut reconnaître le caractère inédit d’un protocole qui ne serait destiné qu’à organiser l’accès à des RPGAA, ce qui explique aussi une certaine incompréhension, voire le sentiment qu’il n’y a pas d’objectifs (« sans objectif » ou « dans le vide », selon les mots du facilitateur).

Les deux objectifs, harnachés à des scripts différents, subsistent néanmoins au sein du PBC et finissent par provoquer un compartimentage problématique entre les RPGAA et le Système Multilatéral du TIRPAA, d’un côté, et « les ressources génétiques autres que les Ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture (RPGAA) utilisées pour l’alimentation et l’agriculture » (c’est nous qui soulignons), de l’autre (sur la distinction, voir Encadré n° 1). La ligne de partage était inévitable : afin de pouvoir concentrer le travail-frontière sur la question de l’accès aux ressources génétiques et à la bioprospection, le facilitateur devait au préalable résorber la tension entre les deux scripts. Une fois la question des RGPAA mise à part, il peut puiser dans la gamme des outils disponibles pour le mener à bien et reproduit ce que Natural Justice peut faire dans un contexte où des communautés se préparent à recevoir des bioprospecteurs. Mais le travail ne peut se faire ici que « comme si » : les agriculteurs ont déjà été au moins partiellement enrôlés par des scripts (celui de Bioversity International, celui du ministère) et jouent leur rôle… ou se jouent des scripts.

L’analyse en groupe montre, au cours d’un échange sur le fototarazo, traduction malgache de « ressources génétiques »54, comment les paysans restent en dehors des catégories du régime international de la biodiversité, tout en donnant le sentiment de les comprendre et les accepter. La discussion roule très exactement sur la distinction entre RPGAA (en malgache : fototarazo famboly sy fanao sakafo / ressources génétiques pour l’agriculture et l’alimentation) et ressources génétiques (en malgache : fototarazo fanao fanafody / ressources génétiques nécessaires pour la médecine55) :

M. R. : Pour un vieux monsieur comme moi, je ne sais pas comment expliquer le sujet. Lorsque vous me parlez de « fototarazo », cela est comme du français pour moi. [Rire de l’assemblée]. J’appelle ça des « cultures traditionnelles », je ne savais pas que ça a un autre nom, « fototarazo » ! Quand j’entends ce mot, je crois entendre un mot français. Je suis en train d’apprendre le mot « fototarazo ». Raha tahaka ahy efa antitra izao aloha, dia tsy haiko tsara ny manazava azy e ! Rehefa miteny ianareo hoe « fototarazo », sahala ny teny frantsay izany amiko (mihomehy ny rehetra). Teny tsy mahazatra anay izany ! Amiko ny dikan’io dia « fambolena nentim-paharazana », tsy fantatro akory aza hoe fototarazo no dikan’izany amin’ny teny malagasy ! Rehefa maheno io teny io aho dia sahala ny maheno teny frantsay… Mbola mianatra an’io teny io aho izao…
[…] […]
M. T1. : J’ai une question. J’aimerais savoir où en êtes-vous [il s’adresse aux membres de la coopérative] avec les autres ressources génétiques, car depuis ce matin, nous sommes restés sur le premier type de ressource [les RPGAA] alors que vous avez dit qu’il existe deux catégories de ressources ? Manana fanontaniana aho. Ny tiako ho fantatra hoe, satria hatramin’ny nahatongavako teto dia mbola ilay zava-maniry famboly sy fanao sakafo foana no noresahantsika, koa aiza ho aiza ny sokajin-java-maniry hafa ?
Mme T. : Nous planifions d’ajouter dans le PBC les ressources génétiques des plantes médicinales, heu, c’est bien ça ?! [Hésitation] et les ressources génétiques nécessaires pour la protection de l’environnement. Dans ce sens, nous planifions de faire du reboisement. Efa ao anatin’ny programan’asan’ny kôperativa… hanomboka hanangona sy hampiditra azy ireo anaty rejistra izahay, ireo hazo fanao fanafody […] sy fiarovana ny tontolo iainana ka hiezaka hamboly hazo izahay.
Mme B. : Protéger ces plantes médicinales est primordial, à cause des feux de brousse, ces plantes disparaîtront dans quelques années. Alors que c’est très difficile de trouver des graines de ces plantes, comme les « talapetraka » par exemple […]. D’après moi, il est primordial de les protéger. Nous pouvons les planter dans notre jardin pour commencer […]. Ce sont de vrais médicaments et pas besoin de dépenser de l’argent pour les avoir […]. Ny fiarovana an’ireo karazana zava-maniry fanao fanafody sy fiarovana ny tontolo iainana ireo no tena zava-dehibe… ka jereo manko izao ny doro-tanety, raha mitohy ihany izao zavatra izao, dia any aoriana any dia tsy azo antoka hoe hisy tavela intsony ireo. Kanefa sarotra dia sarotra ny hahtiana ny voan’ireo zavatra zavatra io, ohatra izao hoe ny « tapaletraka » fotsiny […]. Ka ireo amiko no tokony ho laharam-pahamehana ny fanangonana ny fototarazon’ireny zavatra ireny sitrany hay mba volentsika eny an-jaridainantsika eny […]. Fananfody tena ilaintsika amin’ny vatana ireny sady tsy andaniantsika vola fa alaina eny rehetra eny […].
Facilitateur (Natural Justice) : Quelles sont selon vous les ressources concernées par ce PBC ? Est-ce que ce sont uniquement les RPGAA ou toutes les Ressources génétiques ? Ny ato anatin’ity Arofenitra iombonana ity ve, ny masom-boly fihinana sy fanao sakafo ihany ve no voakasik’izy ity sa misy zavatra hafa ihany koa ?
Mme B. : Pour le moment, il n’y a que les ressources génétiques destinées à l’alimentation et l’agriculture. Ilay famboly sy fanao sakafo ihany no tena ao !
Facilitateur (Natural Justice) : Donc, s’il y a des personnes qui veulent avoir accès à des plantes médicinales dans notre zone, est-ce que vous mobiliserez ou non ce PBC ? Dia raha ohatra izany hoe, ka misy olona mitady zava-maniry fanao fanafody tonga ety amintsika, dia mety ho voakasik’ity arofenitra ity ?
Mme B. : Selon moi, ces plantes médicinales-là ne sont pas encore concernées par ce PBC. Raha ny fieritreretako azy, dia tsy mbola tafiditra ao anatin’io arofenitra io izany.
M. T2 : Pour moi, on n’aurait pas dû mettre dans le titre du PBC que cela ne concerne que les RPGAA, car ce sont des plantes qui ne sont pas cultivées mais qui nous sont très utiles […]. Donc, selon moi, on devrait changer le titre du PBC. Raha amiko manokana izao, dia tsy tokony hoe famboly sy fanao sakafo no titra an’ito arofenitra io fa tonga dia hoe izay zava-maniry ahazoan’ny olona ety tombon-tsoa […]. Dia tokony hovaina mihintsy izany ny titra an’io arofenitra io.
Facilitateur (Natural Justice) : Mais quel est le titre actuel du PBC ? Fa inona no titra an’io arofenitra io ?
M. H. [il lit le titre] : « Arofenitra Iombonan’ny Tantsaha Analavory. » Protocole Bioculturel Communautaire des paysans d’Analavory. Guide pour la demande et le partage des avantages sur les ressources naturelles et les connaissances traditionnelles associées. Arofenitra iombonan’ny tantsahan’Analavory, tari-dalana amin’ny fangalàna sy fifampizarana tombontsoa azo avy amin’ny fampiasana ireo harena voajanahary sy ireo fahalalana nentim-paharazana mifandraika aminy.
Mme M. : C’est clair dans le titre que le PBC concerne toutes les Ressources génétiques y compris les RPGAA. Mazava tsara kosa ny titra fa mahafehy ny harena voajanahary rehetra fa tsy ny famboly fanao sakafo sy fihinana fotsiny ihany.
Facilitateur (Natural Justice) : Vous avez sûrement oublié ce que l’on a mis dedans [rire]. Mety adinontsika angamaba ny votoatiny.
Animatrice (Équipe de chercheurs) : Y a-t-il une différence entre le contenu du PBC et son titre [pour qu’il y ait les réponses comme celles de Mme B. et de M. T2] ? Ka sao kosa ary samihafa ny titra sy ny votoatiny matoa samihafa ny valiny azontsika teo ?
M. R. : Comme je le disais tout à l’heure, certains termes sont comme du français pour nous ! [Rire de l’assemblée]. Les connaissances traditionnelles [fahalalana nentim-paharazana], euh, nous ne savions pas ce que c’était ! Maintenant, nous savons que les connaissances traditionnelles sont comme des plantes que l’on utilise pour les médecines traditionnelles. Ka io moa izany arak’ilay efa nolazaiko teo ihany hoe, toa lasa ohatran’ny teny frantsay ny sasany (mihomehy ny rehetra). Io fahalalana nentim-paharazana io izany a, tsy fantatray hoe karazana fambolena… fa hay kay fanafody ny fahalalana nentim-paharazana… karazany hoe fambolena zava-maniry fanao fanafody.
[Certains participants ne sont pas d’accord].
Mme B. : Les connaissances traditionnelles [fahalalana nentim-paharazana] sont, par exemple, des personnes qui ont des dons de guérison [mpitaiza olona], vous comprenez (en s’adressant à M. R.), à partir des tisanes [tambavy]. Ilay fahalalana nentim-paharazana, azonao, karazana hoe olona mitaiza olona, amin’ny alalan’ny tambavy, azonao ?!
M. R. : Mais oui, c’est bien ça ! Donc, c’est comme [hésitation] des plantes que l’on sait que l’on peut utiliser pour faire de la médecine traditionnelle. Ka izay mihintsy manko ilay izy ! izany hoe […] zava-maniry mety atao fanafody.
Mme B. : […] et ces plantes ne sont pas destinées à l’alimentation. […] Fa tsy fanao sakafo.
M. T2 : Je suis désolé, je me suis trompé car c’est dans le Registre des semences qu’il n’y a que les RPGAA pour le moment mais le PBC concerne toutes les Ressources génétiques ! Miala tsiny indrindra, ohatrany diso kely aho kay ! Ny ao anatin’ilay rejistra kay no voly fihinana sy fanao sakafo ihany aloha hatreto, fa ny rehetra tafiditra ao anatin’ity arofenitra ity daholo !
[Rire de l’assemblée.] [Tout le monde s’est mis d’accord.]
Mme T. : Comme synthèse, nous pouvons voir plusieurs points dans ce PBC qui réunissent les idées de plusieurs paysans d’Analavory. Il renferme plusieurs aspects des ressources génétiques de notre région. Ny amintinako azy dia hoe lohahevitra maromaro no hita ao anatin’io arofenitra io a, izay iombonan’ny tantsaha eto amin’ny faritra Analavory, izay mahafehy zavatra maro.
Facilitateur (Natural Justice) : […] Je ne blâme personne pour l’oubli parce que cela fait plus de deux ans, c’était en 2018 la fin du projet Darwin, c’est bien ça !?… Donc, qu’on a mis en place le PBC. […] Et comme je le dis souvent, le processus de sa mise en place n’est pas encore achevé, on sait que l’on va encore l’améliorer. Pour le cas d’Analavory, d’après ce que je comprends en tant que facilitateur, il est écrit dans ce protocole que les activités des paysans sont essentiellement basées sur l’agriculture et l’élevage. Mais, toutefois, Analavory dispose de plusieurs connaissances traditionnelles, dont on a à plusieurs reprises discuté auparavant [il a évoqué un exemple de plante médicinale]… et que ces plantes traditionnelles sont aussi concernées par ce PBC, à part les RPGAA qui affectent directement les paysans. Nous avons tendance à négliger les médecines traditionnelles, car elles sont considérées comme dépassées. […] Tsy misy ifanomezan-tsiny ilay izy satria nandritra ny 2 taona, raha tsy diso ahoa 2018 no tapitra ny projet Darwin ?… dia tamin’izay no nananganantsika ity Arofenitra ity. […] Sady arak’ilay efa lazaiko foana hoe, tsy mijanona hatreo akory ny fanatsara ny votoatin’ity arofenitra ity, fa mbola tantara mitohy io. Raha ho an’Analavory, raha araky ny fahazoako azy amin’ny mpanamora ahy, dia misy soratra ao hoe ny fambolena sy ny fiompiana no tena ataon’ny tantsaha eto Analavory. Na izany na tsy izany aza anefa, dia manana fahalalana nentim-paharazana be dia be ny eto Analavory (nanome ohatra izy)… ka ireny ihany koa dia tafiditra anatin’ity arofenitra ity, fa ny zava-maniry ilaina amin’ny fambolena sy ny fiompiana no miampaka mivantana amin’ny tantsaha. […] Lasa ohatran’ny tsy dia rarahian’ny tantsaha anefa ny fahalalana nentim-paharazana satria eritreretin’ny maro hoe efa ilaozan’ny toetr’andro.

Une première aspérité est provoquée par la persistance de l’étrangeté du mot fototarazo qui, même traduit en malgache, reste prisonnier de sa langue d’origine56. La façon dont elle est abrasée n’a rien de singulier ; elle passe par un référent stable à l’intérieur des représentations vernaculaires, mais qui en l’occurrence vient entraver le travail du facilitateur. Rappelons ce que M. R. disait un peu plus tôt : « Lorsque vous me parlez de fototarazo, c’est comme du français pour moi. J’appelle cela de la culture traditionnelle […] ».

Tout l’enjeu pour le facilitateur est de faire comprendre que les semences traditionnelles (c’est-à-dire les semences non techniques57) ne représentent que la première des deux facettes des fototarazo (ou ressources génétiques lato sensu). Les semences (traditionnelles) ne sont, en effet, que les fototarazo famboly sy fanao sakafo (RPGAA). Mais si le PBC doit s’articuler autour des règles APA, il lui faut surtout stabiliser la catégorie des « ressources génétiques autres que » les RPGAA, c’est-à-dire tout ce qui relève du Protocole de Nagoya. La tâche est complexe : ces « ressources » sont presque systématiquement référées aux « connaissances traditionnelles ». Par ricochet, la définition vernaculaire des « connaissances traditionnelles » ne communique plus avec l’acception juridique. Aussi, à l’occasion d’une autre séquence d’échanges qui se porte sur les savoirs traditionnels, un représentant du ministère s’étonne en ces termes du peu de développements que le PBC paraît consacrer à ces savoirs58 : « Par contre, ce que je ne trouve pas dans le PBC, mais peut-être que je le lis trop rapidement, c’est l’absence des aspects sur les connaissances traditionnelles dans le PBC. » En l’absence de réponse au bout de quelques minutes, notre équipe relance59 :

Animatrice (chercheurs) : Il y a eu une question tout à l’heure sur le fait que les connaissances traditionnelles ne sont pas mises en valeur dans ce PBC. Est-ce que c’est un choix intentionnel ? Ou est-ce un oubli ? Ou est-ce que ça n’a jamais été discuté durant les réunions et travaux de groupe, ce qui a fait en sorte qu’elles n’apparaissent pas dans le PBC ? On va faire un tour de table pour avoir vos avis. Nisy fanontaniana teo mahakasika ny fahalalana nentim-paharazana izay tsy dia hita soritra anatin’ity arofenitra ity. Fanahy iniana ve ilay izy sa fanadinoana ? Sa ve tsy noresahina mihintsy nandritry ny fivorian’ny tantsaha, ka izay no nahatonga azy tsy nivoaka tato anatin’ity arofenitra ity ? Hanao fifandimbiasam-pitenenana indray isika mahakasika an’izay.
Mme B. : Il y a eu une réunion, c’était même dans cette pièce où on se réunit en ce moment, et on a discuté des connaissances traditionnelles [pause]. Alors, je suis moi-même étonnée que nous ayons parlé de ce sujet durant la réunion et qu’il n’apparaisse même pas dans ce protocole-là. En plus, nous avions consacré deux jours au total à ce sujet et des devoirs de groupe avaient été faits là-dessus. Ka… nisy fivoriana nataonay tato amin’ity trano ivoriantsika izao ity mihintsy… mahakasika an’io fahalalana nentim-paharazana io ilay izy… Ka… izay no mahagaga ahy hoe inona moa izany no antony nampidirana azy tanatin’ny fivoriana tamin’izay kanefa tsy tafiditra anatin’ity arofenitra ity akory ilay izy avy eo… satria ady hevitra 2 andro manontolo ilay izy tamin’izay… ary natao « devoir de groupe » mihintsy ilay izy tamin’izay.
M. N. : C’est un oubli peut-être [rire]. Fanadinoana angamba !
M. R. :… Parce que ce ne sont pas des plantes qu’on cultive. Ces plantes poussent comme ça, dans les champs. Nous savons simplement que telle plante sert à traiter telle maladie si une personne nous le demande. Aucun de nous n’a encore pris la décision de cultiver ces plantes. …Satria io zavatra io tsy ambolena, fa fantatra fotsiny hoe ity fanafody tahaka an’izao dia… raha misy olona manontany an’io, dia fantatra fotsiny hoe ity fanafody tahaka an’izao… satria io tsy misy hoe hamboly an’io…
M. T1 : Toutes mes excuses mais ce n’est pas encore mon tour de parler… mais c’est une question de compréhension. Quand vous parlez de « connaissances traditionnelles », est-ce que ce sont les connaissances telles qu’elles devraient être ou ce sont des plantes traditionnelles de nos ancêtres ? [Rire de l’assemblée]. Parce que les réponses que j’ai entendues jusque-là se portent directement sur les plantes, c’est pour ça que je demande une confirmation ? Miala tsiny fa mbola ho ela be ny toroko fa tena mila mametraka fanontaniana aho fa tsy mahazo. Ilay izy ve hoe fahalanana nentim-paharazana tena fahalalana av e hoe zava-maniry ? (mihomehy ny rehetra) Ka satria manko tonga dia any amin’ny hoe zava-manry ilay valin-teny ka tiako ho fantatra hoe tena fahalalana ve ilay izy sa zava-maniry ? Ahoana ny fipetrak’ilay hoe fahalalana netim-paharazana izay ?

La dernière question montre avec un contraste particulier l’incommunicabilité des représentations et la fragilité des catégories du PBC du point de vue des catégories vernaculaires. Plus frappant encore, c’est le double cantonnement que les paysans font subir à la catégorie juridique des « ressources génétiques » : sauf peut-être dans le cas de Mme T. (qui évoque les forêts), les ressources génétiques sont des « médicaments », des « plantes médicinales », des « médecines traditionnelles » ; surtout, comme le dit un paysan, « cela concerne les personnes qui ont des dons de guérison » (sur ces questions, voir Ravaosolo 2009), c’est-à-dire les « mpitaiza olona » (guérisseurs) ou « mpanao tambavy » (phytothérapeutes traditionnels) (voir aussi Lefèvre 2008).

On pourra concéder que, moyennant ces ajustements, les catégories du régime international de la biodiversité et catégories vernaculaires ne sont pas totalement étrangères les unes aux autres. Mais il faut aussi être attentif à la manière dont elles s’incarnent dans la praxis paysanne. Or, sous ce regard, la catégorie des « ressources génétiques » peine à exister, à la fois parce que, à Analavory, les ressources susceptibles de la remplir sont rares, aussi parce qu’elles sont vues comme extérieures à l’activité paysanne et dépendent plutôt des guérisseurs et tradipraticiens. Le facilitateur le perçoit fort bien lorsqu’il dit, pour justifier « l’oubli » de la catégorie par les agriculteurs, que « pour Analavory, les activités des paysans sont essentiellement basées sur l’agriculture et l’élevage ». Oubli (et peut-être d’ailleurs exclusion volontaire signifiant un partage net entre monde des paysans et celui des tradipraticiens) qui est, à tout le moins, une preuve de l’inanité de la catégorie. Certes, paysans et facilitateur se plaignent à l’occasion de ne voir aucun bioprospecteur. Ils évoquent ainsi l’aloe vera et le talapetraka (Centella asiatica (L)), plantes candidates pour attirer les partenaires privés, mais sans y croire vraiment, comme ils mentionnent aussi, avec un brin de désespoir surjoué, ces « étrangers » qui font des promesses (telle cette personne intéressée par l’« apemba » – sorgho), mais qui finissent toujours par disparaître. Faut-il être surpris de ce double discours ? C’est le facilitateur qui a cherché à réinscrire le protocole dans le script du « Grand Bargain », mais il n’a pas grand-sens pour les paysans d’Analavory.

En définitive, la catégorie des RPGAA se stabilise autour des semences agricoles, mais cela n’a pas été localement sans résistance. L’enquête permet de revenir sur des tensions qui ont émaillé le travail en atelier organisé par Natural Justice : « Sakafo ve dia asiana contrat ? – Doit-on réellement faire un contrat pour de la nourriture ? » L’association des deux termes : contrat et sakafo / la nourriture – en l’occurrence, les semences traditionnelles à vocation agricole –, est incongrue pour les paysans. L’espace limité de cet article ne permet pas d’étudier ici ce qui, dans le système cosmogonique malgache, rend difficilement acceptable l’accomplissement de certains échanges par un contrat écrit60. L’on souhaite montrer, en revanche, pourquoi, en dépit de l’incompatibilité des représentations de la semence traditionnelle, le contenu du PBC offre une apparence d’alignement. On pourrait faire une nouvelle fois l’hypothèse de la radicale déliaison d’avec la praxis paysanne. Les agriculteurs d’Analavory, surtout les membres de la coopérative, ont sans doute bien compris que le seul changement qu’apporte le PBC leur est (hypothétiquement) profitable : la faculté d’accéder aux ressources du Système Multilatéral. Le protocole indique que les « agriculteurs, dont ceux d’Analavory, sont également encouragés à inclure volontairement leurs ressources au sein du SML », mais ajoute immédiatement que « [c]ette décision est prise librement par les agriculteurs ». Quant aux demandes d’accès à des semences traditionnelles, éventuellement introduites par des tiers (paysans d’autres communautés, institutions de recherche, sélectionneurs), elles ne sont pas encadrées par le PBC d’Analavory, contrairement au PBC d’Ampangalantsary (voir supra, Carte n° 2), et continuent donc de relever des échanges informels. Enfin, s’il y a bien eu un Accord-type de transfert de matériau (ATTM) avec l’autre communauté d’Ampangalantsary, l’opération juridique a peu de chance d’être réitérée, compte tenu à la fois de sa lourdeur et de son faible intérêt pratique. On en revient donc au script de Bioversity International, qui laisse parfaitement intacts les semences traditionnelles et tout le social symbolique dans lequel elles s’encastrent : il s’agit seulement d’organiser l’accès aux semences placées dans le SML du TIRPAA ou dans des banques de gènes. Si, en définitive, le contrat écrit s’impose dans ce cadre, il ne concerne pas les semences traditionnelles, seulement des semences « techniques » (variétés élites) ou à la rigueur des semences traditionnelles lointaines qui n’ont pas la même valeur symbolique61. Et il est douteux que les paysans en perçoivent réellement l’intérêt.

Conclusion

À Analavory, le travail-frontière que le PBC était censé ouvrir pour faire dialoguer et concilier les représentations n’a jamais pu véritablement s’accomplir. La duplication des scripts publics déployés par le porteur du projet a, par un effet de brouillage, favorisé l’irruption d’un script alternatif qui permet au ministère de l’Agriculture de stabiliser le projet autour du programme national de développement agricole. Le facilitateur de Natural Justice, porté, par culture et expérience, à développer des PBC pour mieux protéger le patrimoine bioculturel des communautés dans le domaine de la bioprospection, est constamment tiraillé entre la réalité du terrain (pauvreté en ressources génétiques), qui prive son travail de tout intérêt pratique, et l’ambition du porteur du projet en matière d’accès au Système Multilatéral du TIRPAA qui, pour être cohérente, n’en est pas moins étrangère à son habitus professionnel. Comme le processus de négociation n’est jamais tendu vers un objectif clair (par exemple la création d’une chaîne de valeur autour d’une ressource, la préparation des communautés à l’arrivée de bioprospecteur), le travail-frontière est sans cesse compromis par des phénomènes de désengagement. Il est même détourné par une petite élite locale qui, constituée en « comité de rédaction », saisit l’opportunité pour donner naissance à une coopérative qui prend progressivement le contrôle de la banque de semences et du registre communautaire. Si le contenu du PBC donne l’impression d’un alignement complet entre représentations expertes et vernaculaires de la semence à travers la reproduction de la typologie issue du régime international de la biodiversité (« ressources génétiques » – RPGAA), un examen plus attentif montre une série d’incommunicabilités et d’équivoques. Dans la mesure où ces décalages sont perçus par les paysans comme sans conséquences sur leurs activités quotidiennes et leur mode de vie, le PBC maintient toutefois une illusion de fluidité.

Est-ce à dire que rien n’a changé pour les paysans d’Analavory ? Le facilitateur est porté à le croire, pour qui le PBC est une source qui, à la manière d’un palimpseste, se laisse gratter pour être mieux réécrite. Il est de nouveau à l’œuvre sur le terrain pour en combler les lacunes et corriger les faiblesses. L’ambition est périlleuse. Outre que le processus de développement du PBC a modifié l’équilibre des rapports de pouvoir intracommunautaires (à moins qu’il n’ait fait qu’entériner un déséquilibre existant), la communauté a déjà été travaillée par les scripts qui se sont en partie inscrits dans les pratiques (par exemple, la sélection participative qui a accompagné le déploiement du PBC et qui était prévue par le projet Darwin, l’incitation à utiliser des variétés améliorées).

L’attitude de Bioversity International, pour contestable (et un brin cynique) qu’elle soit à l’égard des communautés que l’organisation se faisait pourtant fort de protéger, témoigne d’une clairvoyance que lui offre sa position d’acteur global : même en partie effacé et réécrit, le protocole-palimpseste d’Analavory existe bel et bien, du moins au niveau global : il alimente d’ores et déjà les publications scientifiques du centre international de recherche (Halewood et al. 2021) et il facilitera l’obtention de futurs financements, consolidant ainsi la position stratégique d’un acteur qui veut continuer de peser globalement et localement sur les orientations du régime international de la biodiversité.

Au niveau local, et à l’image du codex de Novgorod qui a survécu sur le dos en bois de la tablette en cire dont il avait pourtant été effacé, le protocole d’Analavory, dans ses versions à naître, porte déjà au dos les marques des scripts qui ont circulé et continuent de circuler dans la zone. Voilà un défi majeur qui attend les travailleurs des frontières de Natural Justice.

Liste des sources

Collections de données de référence

Protocoles bioculturels communautaires et travail-frontière : jeux de scripts autour des ressources génétiques à Madagascar »
https://nakala.fr/collection/10.34847/nkl.59663v21

« PBC analysés dans le cadre du Projet ANR Bioculturalis ». https://nakala.fr/collection/10.34847/nkl.e5de90a1

Protocole bioculturel d’Anavalory

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Autres protocoles bioculturels communautaires étudiés dans le cadre du projet ANR Bioculturalis

« Protocole bioculturel communautaire. Communauté de Tori-Bossito (Bénin) ». 2017. 18 p. https://doi.org/10.34847/nkl.2a8bb8lx.

« Protocole communautaire bioculturel. Communauté des Degbe Aguinninnou (Bénin) ». 2018. 39 p. https://doi.org/10.34847/nkl.58fc05zu. (Version bilingue langue nationale Fↄngbè du Bénin / langue française : https://absch.cbd.int/api/v2013/documents/835FE473-006D-EAEE-C878-A43E7C5DD9AF/attachments/211811/PBC%20CL_DEGBE%20AGUIN-NINNOU.pdf [archive].)

« Ogiek Bio-Cultural Community Protocol (BCP): Safeguarding Rights and Managing Resources to Improve Livelihoods (Kenya) ». 2015 (2nd Edition). 36 p. https://doi.org/10.34847/nkl.d2b1df2r.

« The Lamu County Biocultural Community Protocol: The Lamu Indigenous Community and Their Rights to The Preservation of Their Natural Resources, Cultures, Heritage and Management of Biodiversity (Kenya) ». 2019. 91 p. https://doi.org/10.34847/nkl.7cc27nal.

« Protocole bioculturel communautaire des communautés locales de Mariarano et Betsako (Madagascar) ». Non officiellement publié.

« Protocolo Comunitario de Capulálpam de Méndez, Oaxaca (México) ». 2018. 75 p. https://absch.cbd.int/api/v2013/documents/4D03DAC0-33C3-0F01-8370-A093EAABCE69/attachments/PCB%20Capula%CC%81lpam%20de%20Me%CC%81ndez%20pliego.pdf [archive].

« Protocolo Comunitario de Ek Balam: Documento sobre nuestra lucha histórica para la protección de nuestro territorio, nuestra cultura, conocimientos tradicionales,recursos biológicos y genéticos. Ek Baklam, X-Kumil, Yucatán, México ». 2018. 86 p. https://absch.cbd.int/api/v2013/documents/0BAF16C9-F3FE-794D-631C-B8EEB42D61E3/attachments/PCB%20Ek%20Balam%20pliego.pdf [archive].

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Documents reproduits dans l’article

Cartes et schéma

Localisation de la Commune Rurale d’Analavory et les trois Fokontany directement concernés par le Protocole Bioculturel Communautaire. Réalisation : Manohisoa Rakotondrabe. https://doi.org/10.34847/nkl.773cdq5r.

Localisation des trois PBC établis à Madagascar. Réalisation : Manohisoa Rakotondrabe. https://doi.org/10.34847/nkl.773cdq5r

Réunions et ateliers conduits par Bioversity International et Natural Justice dans le cadre du projet Darwin de 2015 à 2018. S.d. Manohisoa Rakotondrabe, réalisé à partir des rapports d’activité de MAEP et fiches de présence des ateliers, en croisant avec les rapports de Bioversity International sur https://www.bioversityinternational.org/darwin-benin-madagascar/ [archive]. https://doi.org/10.34847/nkl.10c15xrp

Photographies

Banque de semences communautaire et siège de la Coopérative Fa.MA., Fokontany Mandrevo. S.d. Photographie : Manohisoa Rakotondrabe. https://doi.org/10.34847/nkl.a8d95vvz.

Cartographie participative des Fokontany couverts par le PBC et circuits d’échange de semences. S.d. Photographie : Manohisoa Rakotondrabe. https://doi.org/10.34847/nkl.a8d95vvz.

1 Coordonnées : 18°58’0’’S 46°43’0’’E [geo:-18.966667,46.716667]. Sur OpenStreetMap : https://www.openstreetmap.org/#map=13/-18.9671/46.7147.

2 « Rapports Analavory. Monitoring and Evaluation – Case Study ». 2016. Gender Links for Equality and Justice, 7 octobre 2016. https://genderlinks.

3 Le Fokontany est la plus petite unité de l’organisation administrative malgache. Plusieurs Fokontany sont regroupés en Commune.

4 Ci-après : le « projet Darwin ». Darwin Initiative est un programme de financement britannique dont la mission première est d’aider les pays riches

5 La Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit GmbH, la puissante agence de développement allemande, bien présente à Madagascar (https:

6 Les bioprospecteurs sont des entrepreneurs ou des chercheurs qui explorent les ressources naturelles en vue de découvrir des molécules, composants

7 Décret n° 2017-066 du 31/01/2017 portant réglementation de l’accès et du partage des avantages découlant de l’utilisation des ressources génétiques

8 Dans le contexte malgache, l’essentialisation de la catégorie de « steward » a servi, aux côtés d’autres imageries, à soutenir la reconnaissance

9 En français, la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques. C’est l’équivalent du

10 On y revient plus bas (« Développement du PBC : scripts publics, script caché et infra-politique »).

11 Parmi les trois PBC développés à Madagascar, le PBC d’Analavory est celui qui a fait l’objet de notre première étude pour des raisons

12 Natural Justice est aussi un courtier, mais dans le schéma de l’intermédiation qui fait désormais intervenir la sous-traitance, son rôle est

13 Puis traduit par la suite en français pour les besoins techniques du projet.

14 Le comité pilotage du projet ou l’Expert Guidance Group (EGG) regroupe les Points Focaux Nationaux (PFN) du TIRPAA et du Protocole de Nagoya de

15 Entretien Natural Justice, Facilitateur, 20 février 2020.

16 Source : Webinaire réalisé par Natural Justice et PAGE le 23 juin 2020, intitulé : « Protocoles Communautaires Bioculturels à Madagascar : Partage

17 Les GPS sont des groupements de paysans, spécialisés dans la production de semences destinées à la commercialisation. Pour pouvoir multiplier et

18 Le projet « Protocoles bioculturels communautaires : justice, biodiversité et droit – Bioculturalis » vise à comprendre le rôle possible des PBC

19 S’agissant du choix des protocoles intégrés au projet de recherche Bioculturalis et des motifs qui président en pratique au développement d’un

20 Tous les protocoles africains intégrés au corpus ici présenté ont été facilités ou soutenus par Natural Justice. On retrouve des traits communs

21 Par exemple, l’article 8(j) de la CDB vise « les connaissances, innovations et pratiques des communautés autochtones et locales qui incarnent des

22 Comme Bruno Sarrasin et Haja Ramahatra l’ont bien analysé à partir de la situation à Madagascar, où il est encore bien présent, ce script est d’

23 Dans le reste de l’article, les mots et expressions malgaches les plus importants sont indiqués et placés en italique ; une traduction figure

24 Ces trois étapes, qui forment chaque analyse partielle, sont renouvelées pour chaque thématique par demi-journée. L’étape finale se concentre sur

25 La méthode préconise de regrouper une dizaine d’acteurs, sans dépasser ce nombre afin d’assurer une bonne coordination des échanges. La tranche d’

26 Ce guide prendrait la forme, pour le facilitateur de Natural Justice, d’un document de bonnes pratiques destiné à guider toute institution (

27 Les documents du projet sont publics et disponibles sur le site de Darwin Initiative : « Mutually Supportive Implementation of the Nagoya Protocol

28 Halewood, Michael, Ana Bedmar, et Bioversity International. S.d. « Mutually Supportive Implementation of the Plant Treaty and the Nagoya Protocol

29 Bioversity International a également associé : ABS Capacity Development Initiative – initiative de financement multi-donneurs, hébergé par le

30 Sur les difficultés rencontrées dans le cadre du développement d’autres PBC compris dans notre projet de recherche, voir Rakotondrabe

31 Entretiens, expert Natural Justice, 20 février 2020 ; Analyse en groupe du 28 octobre 2019.

32 Comme on l’a montré ailleurs (Rakotondrabe et Girard 2021), Natural Justicetend à défendre un modèle de PBC construit sur la tradition, les

33 Outre la richesse du site, Ampangalantsary a probablement été choisie aussi parce que le Service d’appui à la gestion de l’environnement (SAGE), un

34 Entretien, Natural Justice, Facilitateur, 5 mai 2019, en français.

35 Il faut rappeler que la communauté d’Analavory a été choisie pour son activité agricole, non pour sa richesse en ressources génétiques. Comme le

36 Entretien, Bioversity International, porteur du projet, 23 mai 2019. Traduction : « Je veux dire que l’autre problème avec tous ces protocoles, du

37 Communication personnelle avec un responsable auprès du MAEP, 8 juillet 2020.

38 Communication personnelle avec un responsable auprès du MAEP, 9 avril 2020.

39 Le Service d’appui à la gestion de l’environnement est un organisme rattaché au ministère de l’Environnement et du Développement durable. Il a

40 Reste que les limites initiales du terroir du Fokonolona ne coïncident pas en général avec les limites administratives du Fokontany telles qu’

41 Observation participante, entretien avec un membre actif de la coopérative, 24 octobre 2019, en malgache.

42 Analyse en groupe, membre de la communauté, 28 octobre 2019, en malgache.

43 Analyse en groupe, récit évoqué par l’expert de Natural Justice, 28 octobre 2019, en malgache.

44 C’est un lignage composé des premiers arrivants dans le village et qui disposent de très bonnes terres.

45 Entretien, Natural Justice, facilitateur, 20 février 2020, en français.

46 Observation participante, entretien avec des non-membres de la coopérative, 23 octobre 2019, en malgache.

47 Entretien, Natural Justice, facilitateur, 20 février 2020, en français. L’opportunité « concrète » fait référence à la nécessité de développer un

48 Entretien avec un responsable de la coopérative, 24 octobre 2019, en malgache.

49 SMTA ou ATTM en français, Accord type de transfert de matériel.

50 Entretien, Bioversity International, porteur du projet, 23 mai 2019. Traduction : « Nous… l'un… l'un des objectifs du projet était de signer six

51 Genetic Resource Policy Initiative Project (Darwin Initiative 2018, 6).

52 Entretien, Bioversity International, porteur du projet, 23 mai 2019. Traduction : « […] dans une de ces deux communautés, j'ai oublié laquelle, je

53 Voir supra, note 32.

54 Étymologiquement, fototarazo vient de l’assemblage de deux mots : « foto », qui vient de « fototra » dont le sens est « source, à l’origine de »

55 Analyse en groupe, 28 octobre 2019, en malgache.

56 En malgache, l’expression de fototarazo famboly sy fanao sakafo permet d’appréhender globalement le zava-maniry, c’est-à-dire la flore destiné à l

57 En malgache, les communautés locales parlent de semences « netim-paharazana », c’est-à-dire littéralement les semences héritées des ancêtres. « 

58 Il s’agit du paragraphe IV du PBC d’Analavory qui est singulièrement court, ne dépassant pas plus de trois petits paragraphes.

59 Analyse en groupe, 28 octobre 2020, en malgache.

60 Voir ainsi notre autre étude : Rakotondrabe et Girard (2021) ; et voir aussi : Keller (2008) ; Rakoto Ramiarantsoa et Lemoigne (2014) ;

61 Interrogé par notre équipe sur la définition des « semences traditionnelles », un paysan répond : « Ce sont toutes des variétés de semences qui

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1 Coordonnées : 18°58’0’’S 46°43’0’’E [geo:-18.966667,46.716667]. Sur OpenStreetMap : https://www.openstreetmap.org/#map=13/-18.9671/46.7147.

2 « Rapports Analavory. Monitoring and Evaluation – Case Study ». 2016. Gender Links for Equality and Justice, 7 octobre 2016. https://genderlinks.org.za/programme-web-menu/publications/reports/gender-and-governance/rapports-commune-analavory-coe/ [archive] (données issues d’une étude réalisée par une ONG sur le genre. Il n’existe pas de données démographiques plus récentes à Madagascar).

3 Le Fokontany est la plus petite unité de l’organisation administrative malgache. Plusieurs Fokontany sont regroupés en Commune.

4 Ci-après : le « projet Darwin ». Darwin Initiative est un programme de financement britannique dont la mission première est d’aider les pays riches en biodiversité, mais dont les moyens budgétaires sont faibles, à atteindre notamment les objectifs de la Convention sur la diversité biologique : https://www.gov.uk/government/groups/the-darwin-initiative.

5 La Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit GmbH, la puissante agence de développement allemande, bien présente à Madagascar (https://www.giz.de/de/html/index.html).

6 Les bioprospecteurs sont des entrepreneurs ou des chercheurs qui explorent les ressources naturelles en vue de découvrir des molécules, composants biochimiques et informations génétiques susceptibles de contribuer au développement de nouveaux produits pour l’agriculture, l’aquaculture, la pharmacie, la bioremédiation, la cosmétique…

7 Décret n° 2017-066 du 31/01/2017 portant réglementation de l’accès et du partage des avantages découlant de l’utilisation des ressources génétiques pour le cas de Madagascar.

8 Dans le contexte malgache, l’essentialisation de la catégorie de « steward » a servi, aux côtés d’autres imageries, à soutenir la reconnaissance juridique des Mikea (chasseurs-cueilleurs qui habitent la forêt des Mikea au sud-ouest de l'île) comme « peuple autochtone » (Huff 2012, 62‑63). En Afrique, la catégorie juridique de « peuple autochtone » (« indigenous people ») est d’application difficile et contestée (Hodgson 2009), et elle l’est peut-être d’autant plus à Madagascar que les identités sont souvent décrites comme fluides et « procédurales », en ce sens qu’elles ne sont pas construites sur la naissance ou l’ascendance, la continuité historique en lien avec un territoire, mais sur ce que l’on fait à un moment donné et de l’endroit où l’on vit (voir Astuti 1995, à propos des Vezo) ; et le concept d’ethnicité reste problématique (voir encore Lynch 2012, 27 ; Regnier 2015, 55).

9 En français, la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques. C’est l’équivalent du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) propre au domaine de la biodiversité. Par l’identification et la hiérarchisation des principales informations scientifiques disponibles, l’IPBES (https://ipbes.net/) a pour mission d’éclairer les décideurs (Maljean-Dubois 2021, 101 et s.).

10 On y revient plus bas (« Développement du PBC : scripts publics, script caché et infra-politique »).

11 Parmi les trois PBC développés à Madagascar, le PBC d’Analavory est celui qui a fait l’objet de notre première étude pour des raisons conjoncturelles : les autorisations, délivrées ici par le ministère de l’Agriculture, de l’Élevage et de la Pêche (MAEP) et non pas le ministère de l’Environnement et du Développement durable (MEDD) (comme pour les PBC de Ampangalantsary et de Mariarano), ont été obtenues très rapidement. Ce PBC présentait un caractère central pour notre projet de recherche, puisque c’est l’un des rares protocoles à porter sur des RPGAA. De plus amples informations sur le projet de recherche dans lequel s’insère cette étude figurent infra (« Le protocole d’Analavory dans un cadre comparatiste »).

12 Natural Justice est aussi un courtier, mais dans le schéma de l’intermédiation qui fait désormais intervenir la sous-traitance, son rôle est partiellement contraint par les objectifs que fixe le broker principal et auprès de qui il rend compte. Il récupère un peu de liberté du fait qu’il a l’expertise locale qui manque au premier, et en raison aussi de l’allongement de la chaîne d’aide. Cette liberté est d’autant plus grande que l’expertise locale du courtier est faible et celle du sous-traitant est grande. Le profil du facilitateur est déterminant. En l’occurrence, il s’agissait d’un jeune Malgache d’une trentaine d’années, certes titulaire d’un diplôme universitaire (il appartient donc à l’élite pour la communauté) et étranger à la communauté, mais capable d’échanger dans le dialecte de la communauté. Son bilinguisme français-malgache et son aisance en français lui donnait aussi un avantage considérable par rapport au porteur de Bioversity International, titulaire d’un doctorat et formé dans l’une des meilleures universités canadiennes, mais qui est anglophone et ne peut ni échanger directement avec les communautés ni avec l’administration malgache (sauf avec les fonctionnaires et consultants qui ont une bonne maîtrise de l’anglais). Dans les lignes qui suivent, pour souligner cette différence, le courtier est Bioversity International et Natural Justice est désigné comme sous-traitant.

13 Puis traduit par la suite en français pour les besoins techniques du projet.

14 Le comité pilotage du projet ou l’Expert Guidance Group (EGG) regroupe les Points Focaux Nationaux (PFN) du TIRPAA et du Protocole de Nagoya de Madagascar et du Bénin, ABS Initiative, le Secrétariat du TIRPAA et du Protocole de Nagoya et Bioversity International en sa qualité de coordinateur. À Madagascar, le projet associait deux principaux ministères : le ministère de l’Agriculture, de l’Élevage et de la Pêche (MAEP) pour la mise en œuvre du TIRPAA, et le ministère de l’Environnement et du Développement Durable (MEDD) pour le Protocole de Nagoya via les PFN respectifs.

15 Entretien Natural Justice, Facilitateur, 20 février 2020.

16 Source : Webinaire réalisé par Natural Justice et PAGE le 23 juin 2020, intitulé : « Protocoles Communautaires Bioculturels à Madagascar : Partage des expériences et des premières leçons apprises dans le cadre de l’Accès et du Partage des Avantages de la valorisation de la biodiversité et des connaissances traditionnelles associées ». L’affirmation est douteuse ; des banques de semences communautaires paraissent avoir été établies de longue date en Éthiopie (Worede, Tesemma et Feyissa 2000 ; Eyzaguirre et Dennis 2007).

17 Les GPS sont des groupements de paysans, spécialisés dans la production de semences destinées à la commercialisation. Pour pouvoir multiplier et vendre des semences certifiées, les paysans doivent suivre des formations dispensées par la FOFIFA (Centre national de la recherche appliquée au développement rural – Foibem-pirenena momba ny Fikarohana ampiharina amin’ny Fampandrosoana ny eny Ambanivohitra). Il existe une dizaine de groupements de producteurs de semence (GPS) au niveau de la Commune Rurale (Ministère de l’Environnement et al. 2016).

18 Le projet « Protocoles bioculturels communautaires : justice, biodiversité et droit – Bioculturalis » vise à comprendre le rôle possible des PBC dans le renforcement du cadre légal de protection des communautés locales en matière d’accès et de partage des avantages : https://anr.fr/fr/projets-finances-et-impact/projets-finances/projet/funded/project/anr-18-ce03-0003/.

19 S’agissant du choix des protocoles intégrés au projet de recherche Bioculturalis et des motifs qui président en pratique au développement d’un protocole auprès de telle ou telle communauté, voir Girard, Hall et Frison (2022).

20 Tous les protocoles africains intégrés au corpus ici présenté ont été facilités ou soutenus par Natural Justice. On retrouve des traits communs nombreux, en particulier entre les quatre protocoles (deux au Bénin et deux à Madagascar) du projet Darwin.

21 Par exemple, l’article 8(j) de la CDB vise « les connaissances, innovations et pratiques des communautés autochtones et locales qui incarnent des modes de vie traditionnels présentant un intérêt pour la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique ». De manière plus spectaculaire encore, le Code de conduite éthique Tkarihwaié:ri adopté dans le cadre de la Conférence des parties à la CBD de 2010 (UNEP/CBD/COP/DEC/X/42, 27 octobre 2010, décision X/42), définit (para. 20) ce qu’il appelle « Intendance/garde traditionnelle » : « L’intendance/garde traditionnelle reconnaît le lien d'interdépendance holistique entre l’humanité et les écosystèmes, ainsi que les obligations et les responsabilités des communautés autochtones et locales de protéger et de conserver leur rôle traditionnel d'intendants et de gardiens de ces écosystèmes par le maintien de leur culture, de leurs croyances spirituelles et de leurs pratiques coutumières. »

22 Comme Bruno Sarrasin et Haja Ramahatra l’ont bien analysé à partir de la situation à Madagascar, où il est encore bien présent, ce script est d’abord malthusien. Il « met en relation la production agricole et la croissance démographique » et demeure « à la base de l’élaboration du “problème environnemental” en Afrique subsaharienne ». C’est la synergie entre croissance démographique et pauvreté qui est analysée comme la cause principale de la dégradation des ressources naturelles (Sarrasin et Ramahatra 2013, 32).

23 Dans le reste de l’article, les mots et expressions malgaches les plus importants sont indiqués et placés en italique ; une traduction figure immédiatement à côté et des explications complémentaires sont parfois ajoutées en note de bas de page.

24 Ces trois étapes, qui forment chaque analyse partielle, sont renouvelées pour chaque thématique par demi-journée. L’étape finale se concentre sur les perspectives pratiques – recommandations en rapport avec les problématiques développées – et l’évaluation du travail.

25 La méthode préconise de regrouper une dizaine d’acteurs, sans dépasser ce nombre afin d’assurer une bonne coordination des échanges. La tranche d’âge des jeunes était de 15 à 23 ans, celle des aînés de 40 à 70 ans. Outre l’âge, les critères de choix, notamment pour les aînés, ont été leur connaissance de l’histoire du village et de son contexte socio-coutumier. Contrairement à l’analyse en groupe, les participants n’avaient pas été nécessairement impliqués dans la mise en place du PBC, dans la mesure où l’objectif était ici de porter l’analyse sur le mode de vie et les valeurs. Ce qui importe n’est pas le nombre, mais la représentativité des participants qui appartiennent à chaque catégorie d’âge.

26 Ce guide prendrait la forme, pour le facilitateur de Natural Justice, d’un document de bonnes pratiques destiné à guider toute institution (communautaire et d’appui technique) dans le processus de développement de PBC au niveau national. Entretien, Natural Justice, Facilitateur, 5 mai 2019, en français.

27 Les documents du projet sont publics et disponibles sur le site de Darwin Initiative : « Mutually Supportive Implementation of the Nagoya Protocol and Plant Treaty: Benin, Madagascar ». S.d. Darwin Initiative. https://www.darwininitiative.org.uk/project/DAR22017/ [archive].

28 Halewood, Michael, Ana Bedmar, et Bioversity International. S.d. « Mutually Supportive Implementation of the Plant Treaty and the Nagoya Protocol in Benin and Madagascar ». Bioversity International. https://doi.org/10.34847/nkl.c6a9mv2c.

29 Bioversity International a également associé : ABS Capacity Development Initiative – initiative de financement multi-donneurs, hébergé par le ministère fédéral allemand de la Coopération économique, soutenue par plusieurs gouvernements (par exemple le ministère norvégien des affaires Étrangères, la Confédération suisse) et organisations internationales (par exemple l’Organisation internationale de la francophonie, l’Union européenne), et dirigée par l’agence de coopération internationale allemande pour le développement (GIZ) ; le Secrétariat de la CDB ; le Secrétariat du TIRPAA ; et un conseiller juridique de la Commission de l’Union Africaine (Darwin Initiative 2014).

30 Sur les difficultés rencontrées dans le cadre du développement d’autres PBC compris dans notre projet de recherche, voir Rakotondrabe, Razafindralamabo et Girard (2021) ; Rakotondrabe et Girard (2021) ; Girard, Hall et Frison (2022).

31 Entretiens, expert Natural Justice, 20 février 2020 ; Analyse en groupe du 28 octobre 2019.

32 Comme on l’a montré ailleurs (Rakotondrabe et Girard 2021), Natural Justice tend à défendre un modèle de PBC construit sur la tradition, les systèmes de valeur et codes moraux des communautés, à la différence de beaucoup d’autres ONG et agences de développement qui font des PBC des outils néo-institutionnalistes et économistes destinés à agir sur les incitatifs (essentiellement économiques) susceptibles de modifier les comportements des communautés locales à l’égard de leurs ressources. L’idée est de faire des communautés de « petits entrepreneurs verts » conformément au script du « Grand Bargain ». Les modèles se mélangent souvent en pratique.

33 Outre la richesse du site, Ampangalantsary a probablement été choisie aussi parce que le Service d’appui à la gestion de l’environnement (SAGE), un organisme rattaché au ministère de l’Environnement et du Développement durable, y a longtemps travaillé en apportant des appuis techniques à l’établissement de contrats de transferts de gestion aux communautés locales. Le responsable de SAGE avait également été l’ex-point focal APA du Protocole de Nagoya.

34 Entretien, Natural Justice, Facilitateur, 5 mai 2019, en français.

35 Il faut rappeler que la communauté d’Analavory a été choisie pour son activité agricole, non pour sa richesse en ressources génétiques. Comme le dit à mots couverts le porteur de Bioversity International, il y a bien des RPGAA sur place, mais elles sont sans grand-intérêt pour les bioprospecteurs internationaux potentiels. Madagascar est assurément un pays mégadivers, mais il ne s’agit pas d’un centre principal de diversité des plantes cultivées (Jarvis et al. 2016). Pour les plantes de culture principales, le degré de dépendance de Madagascar à l’égard de ressources phytogénétiques provenant des régions primaires de biodiversité agricole végétale est très élevé (entre 94%-100%) (Palacios 1998).

36 Entretien, Bioversity International, porteur du projet, 23 mai 2019. Traduction : « Je veux dire que l’autre problème avec tous ces protocoles, du point de vue de Nagoya, c’est… heu… vous pouvez construire une clôture autour de toutes sortes de choses et cela ne crée pas une demande pour ça et cela ne le rend pas utile [rire]. […] Vous savez dans les communautés où c’est purement agricole, ils ne sont pas… ils travaillent sur des cultures d’autres centres d’origine et… vous savez… ils font beaucoup d’efforts pour développer un protocole mais… s’il n’y a pas d'intérêt à obtenir des choses d’eux, vous n’obtenez jamais… vous savez… c’est une autre chose… ».

37 Communication personnelle avec un responsable auprès du MAEP, 8 juillet 2020.

38 Communication personnelle avec un responsable auprès du MAEP, 9 avril 2020.

39 Le Service d’appui à la gestion de l’environnement est un organisme rattaché au ministère de l’Environnement et du Développement durable. Il a appuyé le ministère dans la mise en place des PBC, notamment ceux dans le cadre du Projet Darwin.

40 Reste que les limites initiales du terroir du Fokonolona ne coïncident pas en général avec les limites administratives du Fokontany telles qu’imposées par les textes en vigueur (Andriamananoro et Raheliarivelo 2014). Tafo Mihaavo, qui est le réseau national des communautés locales (Fokonolona) gestionnaires des ressources naturelles, œuvre actuellement à la revalorisation du Fokonolona (Rakotondrabe et Girard 2021).

41 Observation participante, entretien avec un membre actif de la coopérative, 24 octobre 2019, en malgache.

42 Analyse en groupe, membre de la communauté, 28 octobre 2019, en malgache.

43 Analyse en groupe, récit évoqué par l’expert de Natural Justice, 28 octobre 2019, en malgache.

44 C’est un lignage composé des premiers arrivants dans le village et qui disposent de très bonnes terres.

45 Entretien, Natural Justice, facilitateur, 20 février 2020, en français.

46 Observation participante, entretien avec des non-membres de la coopérative, 23 octobre 2019, en malgache.

47 Entretien, Natural Justice, facilitateur, 20 février 2020, en français. L’opportunité « concrète » fait référence à la nécessité de développer un PBC seulement sur la base d’une ressource partagée et demandée sur le marché. Un exemple régulièrement évoqué par le facilitateur est l’appui à la chaîne de valeur Motrobe dans le cadre du PBC de Mariarano et de Betsako (Natural Justice et ABS Initiative 2017 ; Rakotondrabe et Girard 2021).

48 Entretien avec un responsable de la coopérative, 24 octobre 2019, en malgache.

49 SMTA ou ATTM en français, Accord type de transfert de matériel.

50 Entretien, Bioversity International, porteur du projet, 23 mai 2019. Traduction : « Nous… l'un… l'un des objectifs du projet était de signer six ou huit accords d'échange de germoplasmes pour les communautés en réponse à…, et cela s'est produit. Nous l'avons fait. Certains d'entre eux étaient des SMTA… la plupart d'entre eux sont des SMTA mais certains d'entre eux… davantage des accords entre pays […]. Il s'agissait donc de démontrer à la communauté… leur… vous savez… l'intérêt collectif de la communauté à… mettre en place des systèmes pour tirer parti du Système Multilatéral. »

51 Genetic Resource Policy Initiative Project (Darwin Initiative 2018, 6).

52 Entretien, Bioversity International, porteur du projet, 23 mai 2019. Traduction : « […] dans une de ces deux communautés, j'ai oublié laquelle, je n'arrive pas à prononcer le nom de l'une ou l'autre à Madagascar - le plan d'investissement communautaire était : “On va développer une banque de semences communautaire.” Et puis… elles ne coûtent pas cher et nous avons trouvé un peu d'argent supplémentaire du projet GRPI et nous avons dit : “OK, allons-y.” Mais bon, immédiatement après vous êtes confrontés à la question : “On a la structure, on a quelques semences, mais on ne sait pas quoi faire et hmm ?” […] »

53 Voir supra, note 32.

54 Étymologiquement, fototarazo vient de l’assemblage de deux mots : « foto », qui vient de « fototra » dont le sens est « source, à l’origine de », et « tarazo » qui signifie « hérédité, relevant d’un patrimoine héréditaire, de la génétique ». C’est le mot qu’a validé l’Académie malagasy.

55 Analyse en groupe, 28 octobre 2019, en malgache.

56 En malgache, l’expression de fototarazo famboly sy fanao sakafo permet d’appréhender globalement le zava-maniry, c’est-à-dire la flore destiné à l’agriculture et à l’alimentation. Une autre expression courante, celle de harena voajanahary (ressources naturelles), couvre quant à elle l’ensemble des « richesses naturelles » (faunistiques et floristiques), mais insiste sur leur origine divine (Zanahary / Dieu, le créateur). C’est d’ailleurs l’expression utilisée dans le titre malgache du protocole – « harena voajanahary » est utilisé pour « ressources génétiques » –, signalant ainsi qu’il couvre ressources génétiques et RPGAA.

57 En malgache, les communautés locales parlent de semences « netim-paharazana », c’est-à-dire littéralement les semences héritées des ancêtres. « Netim- » est dérivé de « netina », qui signifie « découlant de ou hérité de ». Quant à « razana », le mot signifie « ancêtres, aïeux ».

58 Il s’agit du paragraphe IV du PBC d’Analavory qui est singulièrement court, ne dépassant pas plus de trois petits paragraphes.

59 Analyse en groupe, 28 octobre 2020, en malgache.

60 Voir ainsi notre autre étude : Rakotondrabe et Girard (2021) ; et voir aussi : Keller (2008) ; Rakoto Ramiarantsoa et Lemoigne (2014) ; Rakotomalala (2006) ; Beaujard (1995).

61 Interrogé par notre équipe sur la définition des « semences traditionnelles », un paysan répond : « Ce sont toutes des variétés de semences qui existaient depuis à Analavory. Ce ne sont pas les semences que nous avons apportées d’Ambositra ou de notre lieu d’origine. Toutes les semences autres que les X [il désigne ici les variétés techniques dont le nom commence souvent par X]… et avec les noms chiffrés sont des semences traditionnelles » (Atelier ethnographique, membre de la communauté, 4 novembre 2019, en malgache).

Carte n° 1 : Localisation de la Commune Rurale d’Analavory et les trois Fokontany3 directement concernés par le Protocole Bioculturel Communautaire

Carte n° 1 : Localisation de la Commune Rurale d’Analavory et les trois Fokontany3 directement concernés par le Protocole Bioculturel Communautaire

Figure n° 1 : Réunions et ateliers conduits par Bioversity International et Natural Justice dans le cadre du projet Darwin de 2015 à 2018

Figure n° 1 : Réunions et ateliers conduits par Bioversity International et Natural Justice dans le cadre du projet Darwin de 2015 à 2018

Manohisoa Rakotondrabe, réalisé à partir des rapports d’activité de MAEP et fiches de présence des ateliers, en croisant avec les rapports de Bioversity International sur https://www.bioversityinternational.org/darwin-benin-madagascar/ [archive].
Identifiant permanent : https://doi.org/10.34847/nkl.10c15xrp
Télécharger : https://api.nakala.fr/data/10.34847/nkl.10c15xrp/da8beca49090b986e693c4fa08dbd90ba80297c4.

Figure n° 2 : Présentation synoptique du Protocole Bioculturel Communautaire d’Analavory (version 2 du 21 octobre 2019)

Figure n° 2 : Présentation synoptique du Protocole Bioculturel Communautaire d’Analavory (version 2 du 21 octobre 2019)

Première version, diffusée en français par Bioversity International.

Photo n° 1 : Cartographie participative des Fokontany couverts par le PBC et circuits d’échange de semences

Photo n° 1 : Cartographie participative des Fokontany couverts par le PBC et circuits d’échange de semences

Manohisoa Rakotondrabe, atelier ethnographique du 4 novembre 2019.
Identifiant permanent : https://doi.org/10.34847/nkl.a8d95vvz
Télécharger : https://api.nakala.fr/data/10.34847/nkl.a8d95vvz/01733a7b303f394e784a25ee5833f5def36be49c.

Carte n° 2 : Localisation des trois PBC établis à Madagascar

Carte n° 2 : Localisation des trois PBC établis à Madagascar

Le troisième protocole, dit « PBC pilote », est celui des communautés de Mariarano et de Betsako (Région Boeny), développé entre 2015 à 2017. Ce PBC s’inscrit dans le cadre du Projet d’Appui à la Gestion de l’environnement (PAGE) et est financé par le gouvernement allemand.

Photo n° 2 : Banque de semences communautaire et siège de la Coopérative Fa.MA., Fokontany Mandrevo

Photo n° 2 : Banque de semences communautaire et siège de la Coopérative Fa.MA., Fokontany Mandrevo

Manohisoa Rakotondrabe, atelier ethnographique du 30 octobre 2019.
Identifiant permanent : https://doi.org/10.34847/nkl.a8d95vvz
Télécharger : https://api.nakala.fr/data/10.34847/nkl.a8d95vvz/a3bc7e99e99a90aece2bae6cac6d1dfae5ddb244.

Manohisoa Rakotondrabe

Centre de recherches juridiques de Grenoble (CRJ) – Université Grenoble Alpes ; Agro-Management et Développement Durable des Territoires, ESSA – Université d’Antananarivo, Madagascar.
https://orcid.org/0000-0002-1220-1278

Fabien Girard

Centre de recherches juridiques de Grenoble (CRJ) – Université Grenoble Alpes.
https://orcid.org/0000-0001-5154-0179