Sources https://www.sources-journal.org fr Sélection des textes et conditions de publication https://www.sources-journal.org/160 Principes de sélection et d’évaluation des textes Bonnes pratiques d’édition académique La revue adhère à l’ensemble des Principles of Transparency and Best Practice in Scholarly Publishing tel que décrit par le Committee on Publication Ethics (COPE), voir : https://doi.org/10.24318/cope.2019.1.12. Conditions de sélection Sources publie des textes issus soit d’une soumission spontanée (articles scientifiques ou textes correspondant aux rubriques de la revue) et portant sur un thème correspondant à la ligne éditoriale de la revue, soit d’une réponse à un appel à contributions thématique produit par la revue. Seule la qualité scientifique et rédactionnelle des manuscrits est évaluée, indépendamment du statut professionnel ou du titre universitaire des auteur·e·s. Politique anti-plagiat La revue adopte une politique de prévention des plagiats et des auto-plagiats. Elle utilise un logiciel de détection des plagiats, appliqué sur tout article reçu. La détection de plagiats ou d’auto-plagiats avérés entraînera le refus du manuscrit. Évaluation par les pairs Les contributions publiées par la revue sont évaluées par les pairs. Chaque article soumis à la rédaction de la revue est transmis à au moins trois évaluateurs : au moins un membre du comité de rédaction en simple aveugle ; au moins deux experts du domaine concerné extérieurs au comité, en double aveugle. Des membres du comité de lecture peuvent être proposés comme experts (au maximum un par article). Les rapports et les comme lun., 30 oct. 2023 00:00:00 +0100 https://www.sources-journal.org/160 Editorial Board & Partner Institutions https://www.sources-journal.org/163 Editorial Board | Comité de rédaction Editorial Team | Équipe de rédaction Editors-in-Chief | Rédactrices en chef Dorothée BoulangerLinacre College, University of OxfordUnited Kingdom | Royaume-Uni Chloé BuireLes Afriques dans le monde, CNRSFrance Managing Editor | Responsable de l’édition Bastien MiraucourtLes Afriques dans le monde (LAM) ; UAR Afrique au sud du Sahara, CNRSFrance Editors | Rédacteur·rices Luisa ArangoSociétés, acteurs, gouvernement en Europe (SAGE), Université de StrasbourgFrance Jean-Nicolas BachCentre français des études éthiopiennes (CFEE)Ethiopia | Éthiopie Marie BassiCedej-Khartoum ; Université Côte d’AzurFrance, Egypt & Sudan | France, Égypte & Soudan Clélia CoretIFRA-NairobiKenya Francesca Di Matteo IFRA-NairobiKenya Faïza DriciSFDASEgypt & Sudan | Égypte & Soudan Sophie DulucqUniversité Toulouse Jean-JaurèsFrance Laurent FourchardCentre de recherches internationales (CERI), Fondation nationale des sciences politiquesFrance Philibert GakwenzireCollege of Education, University of RwandaRwanda Esther GinestetNorthwestern UniversityÉtats-Unis | United States of America Katarzyna Grabska Peace Research Institute Oslo Norway | Norvège Vincent HiribarrenKing’s College LondonUnited Kingdom | Royaume-Uni Annael Le PoullennecIFAS-ResearchSouth Africa | Afrique du Sud Delphine ManettaIFRA-NigeriaNigeria Séverine MarchiSFDAS ; CNRSEgypt & Sudan France, Egypt & Sudan | France, Égypte & Soudan Barbara MorovichIFRA-Nigeria ; École nationale supérieure d’archite ven., 01 sept. 2023 00:00:00 +0200 https://www.sources-journal.org/163 La photographie comme absence : histoires en creux (Afrique, fin xixe-début xxe siècle) https://www.sources-journal.org/1099 Le matériau photographique impose une présence parfois écrasante et déformante, notamment en matière d’écriture de l’histoire. Les premiers enregistrements visuels des mondes sociaux africains par la photographie ont parfois eu pour effet de modeler pour longtemps les images du continent. Les recirculations contemporaines des images de la fin du xixe et du début du xxe siècle n’ont souvent fait que consolider ce phénomène. Construit en contrepoint, cet article envisagera une histoire paradoxale de la photographie en la considérant non pas pour sa présence, mais précisément pour son absence. En un travail historien étayé par des sources photographiques et écrites s’étalant des années 1870 à 1910, cette contribution se focalise sur la photographie comme absence, comme disparition et comme effacement. Cette histoire en creux se concentre sur plusieurs phénomènes essentiels qui caractérisent la (non)production des images photographiques des mondes sociaux africains à l’âge de l’expansion coloniale. Il s’agit d’aborder en premier lieu la question essentielle de la destruction matérielle des photographies anciennes de l’Afrique. Pour une multiplicité de raisons, une partie de ce qui a été photographié est désormais perdue ou en voie de l’être. L’un des effets majeurs de ce processus a longtemps consisté en un double effacement des pionniers africains de la photographie, mal ou peu représentés dans les archives institutionnelles et ayant souffert d’un investissement historiographique limité, dont l’histoire reste encore à écrire dans bien des cas. Dans un second temps, c’est la question du refus de poser et du refus éventuel de prendre des photographies qui sont évoquées. Plusieurs traces éparses de ces contournements de la photographie seront observées. Le problème de l’autocensure et du caractère très fermé de la circulation de certaines images, notamment celles menaçant la stabilité des récits coloniaux, sera lui aussi étudié dans cette partie. Pour finir, l’article examinera de plus près les prises de vues réalisées par Alex J. Braham. Cet individu, District agent à Ogugu (sud du Nigéria) pour la Royal Niger Company au tournant du xxe siècle, était un passionné de photographie. Son album personnel contient plusieurs vues d’une cérémonie secrète réalisée à l’insu des participants alors qu’il avait réussi à se cacher dans un bâtiment avec son appareil. Exemple d’escamotage (non de la photographie comme image mais de l’acte photographique lui-même), son geste est lui aussi l’une des manifestations possibles des invisibilités qui ont largement participé à former et à déformer les imageries photographiques de l’Afrique. Photographic material can sometimes pose an overwhelming and distorting presence, especially when it comes to the writing of history. Some of the first visual recordings of African social worlds via photography would long serve as a model for images of the continent. This phenomenon has only been reinforced by recirculations of images from the late nineteenth and early twentieth centuries. Intended as a counterpoint, this article will contemplate a paradoxical history of photography by considering it based not on its presence but on its very absence. A work of history supported by photographic and written sources from the years 1870 to 1910, this contribution focuses on photography as absence, as disappearance, and as erasure. This implicit history focuses on various essential phenomena that characterize the (non)production of photographic images of African social worlds in the age of colonial expansion. It first deals with the key question of the material destruction of old photographs of Africa. For a variety of reasons, an entire part of what was photographed is now either lost or in the process of becoming lost. One of the long-standing major effects of this has been a double erasure of African photography pioneers, who are poorly represented or underrepresented in institutional archives and have been deprived of historiographical attention; in many cases, their history remains to be written. The article then raises the question of refusals to pose and potential refusals to take photographs. We will see several scattered traces of such evasions of photography. The problem of self-censorship and the very restricted circulation of certain images, particularly those threatening the stability of colonial narratives, will also be studied at this juncture. Finally, the article will take a closer look at the photographs taken by Alex J. Braham. This individual, a district agent in Ogugu (southern Nigeria) for the Royal Niger Company at the turn of the twentieth century, was an eager photographer. His personal album contains several shots of a secret ceremony that he took without the participants’ knowledge, having hidden with his camera in a tent. This example of concealment (not of the image but of the photographic act itself) is also one of the possible manifestations of the invisibilities that have played a major part in forming and deforming photographic imagery of Africa. O material fotográfico impõe uma presença por vezes esmagadora e deformante, nomeadamente em matéria de escrita da história. As primeiras gravações visuais dos mundos sociais africanos, pela fotografia, tiveram por vezes o efeito de modelar por muito tempo as imagens do continente. As recirculações contemporâneas das imagens do final do século XIX e início do século XX, muitas vezes, só consolidaram esse fenómeno. Construído em contraponto, este artigo considerará uma história paradoxal da fotografia, considerando-a não pela sua presença, mas precisamente pela sua ausência. Num trabalho histórico apoiado por fontes fotográficas e escritas, que se estendem entre 1870 e 1910, esta contribuição incide sobre a fotografia como ausência, como desaparecimento e como apagamento. Esta história concentra-se em vários fenómenos essenciais que caracterizam a (não) produção de imagens fotográficas dos mundos sociais africanos na época da expansão colonial. Trata.se, em primeiro lugar, de abordar a questão essencial da destruição material de fotografias antigas de África. Por uma multiplicidade de razões, uma parte do que foi fotografado já se perdeu, ou está em risco de desaparecer. Um dos maiores efeitos deste processo consistiu, durante muito tempo, num duplo apagamento dos pioneiros africanos da fotografia, mal ou pouco representados nos arquivos institucionais, tendo sofrido um limitado investimento historiográfico, cuja história, em muitos casos, está ainda por escrever. Num segundo momento abordar-se á a questão da recusa em posar e da eventual recusa em tirar fotografias. Serão observados vários vestígios esparsos destes aspectos da fotografia. O problema da autocensura e do carácter muito fechado da circulação de algumas imagens, nomeadamente as que ameaçavam a estabilidade das narrativas coloniais, será aqui igualmente estudado. A finalizar, o artigo examinará mais de perto as imagens de Alex J. Braham, um District agent) da Royal Niger Company em Ogugu (sul da Nigéria) no dealbar do século XX. Era um entusiasta da fotografia e o seu álbum pessoal contém várias visualizações de uma cerimónia secreta realizada sem o conhecimento dos participantes, tendo ele conseguido esconder-se num edifício com o seu aparelho. Exemplo de escamoteamento (não da fotografia como imagem, mas do próprio acto de fotografar), o seu gesto é também uma das possíveis manifestações das invisibilidades que participaram em grande parte na formação e na distorção das imagens fotográficas de África. jeu., 15 juin 2023 00:00:00 +0200 https://www.sources-journal.org/1099 Photography as Absence: Implicit Histories (Africa, Late Nineteenth and Early Twentieth Centuries) https://www.sources-journal.org/1113 Photographic material can sometimes pose an overwhelming and distorting presence, especially when it comes to the writing of history. Some of the first visual recordings of African social worlds via photography would long serve as a model for images of the continent. This phenomenon has only been reinforced by recirculations of images from the late nineteenth and early twentieth centuries. Intended as a counterpoint, this article will contemplate a paradoxical history of photography by considering it based not on its presence but on its very absence. A work of history supported by photographic and written sources from the years 1870 to 1910, this contribution focuses on photography as absence, as disappearance, and as erasure. This implicit history focuses on various essential phenomena that characterize the (non)production of photographic images of African social worlds in the age of colonial expansion. It first deals with the key question of the material destruction of old photographs of Africa. For a variety of reasons, an entire part of what was photographed is now either lost or in the process of becoming lost. One of the long-standing major effects of this has been a double erasure of African photography pioneers, who are poorly represented or underrepresented in institutional archives and have been deprived of historiographical attention; in many cases, their history remains to be written. The article then raises the question of refusals to pose and potential refusals to take photographs. We will see several scattered traces of such evasions of photography. The problem of self-censorship and the very restricted circulation of certain images, particularly those threatening the stability of colonial narratives, will also be studied at this juncture. Finally, the article will take a closer look at the photographs taken by Alex J. Braham. This individual, a district agent in Ogugu (southern Nigeria) for the Royal Niger Company at the turn of the twentieth century, was an eager photographer. His personal album contains several shots of a secret ceremony that he took without the participants’ knowledge, having hidden with his camera in a tent. This example of concealment (not of the image but of the photographic act itself) is also one of the possible manifestations of the invisibilities that have played a major part in forming and deforming photographic imagery of Africa. Le matériau photographique impose une présence parfois écrasante et déformante, notamment en matière d’écriture de l’histoire. Les premiers enregistrements visuels des mondes sociaux africains par la photographie ont parfois eu pour effet de modeler pour longtemps les images du continent. Les recirculations contemporaines des images de la fin du xixe et du début du xxe siècle n’ont souvent fait que consolider ce phénomène. Construit en contrepoint, cet article envisagera une histoire paradoxale de la photographie en la considérant non pas pour sa présence, mais précisément pour son absence. En un travail historien étayé par des sources photographiques et écrites s’étalant des années 1870 à 1910, cette contribution se focalise sur la photographie comme absence, comme disparition et comme effacement. Cette histoire en creux se concentre sur plusieurs phénomènes essentiels qui caractérisent la (non)production des images photographiques des mondes sociaux africains à l’âge de l’expansion coloniale. Il s’agit d’aborder en premier lieu la question essentielle de la destruction matérielle des photographies anciennes de l’Afrique. Pour une multiplicité de raisons, une partie de ce qui a été photographié est désormais perdue ou en voie de l’être. L’un des effets majeurs de ce processus a longtemps consisté en un double effacement des pionniers africains de la photographie, mal ou peu représentés dans les archives institutionnelles et ayant souffert d’un investissement historiographique limité, dont l’histoire reste encore à écrire dans bien des cas. Dans un second temps, c’est la question du refus de poser et du refus éventuel de prendre des photographies qui sont évoquées. Plusieurs traces éparses de ces contournements de la photographie seront observées. Le problème de l’autocensure et du caractère très fermé de la circulation de certaines images, notamment celles menaçant la stabilité des récits coloniaux, sera lui aussi étudié dans cette partie. Pour finir, l’article examinera de plus près les prises de vues réalisées par Alex J. Braham. Cet individu, District agent à Ogugu (sud du Nigéria) pour la Royal Niger Company au tournant du xxe siècle, était un passionné de photographie. Son album personnel contient plusieurs vues d’une cérémonie secrète réalisée à l’insu des participants alors qu’il avait réussi à se cacher dans un bâtiment avec son appareil. Exemple d’escamotage (non de la photographie comme image mais de l’acte photographique lui-même), son geste est lui aussi l’une des manifestations possibles des invisibilités qui ont largement participé à former et à déformer les imageries photographiques de l’Afrique. O material fotográfico impõe uma presença por vezes esmagadora e deformante, nomeadamente em matéria de escrita da história. As primeiras gravações visuais dos mundos sociais africanos, pela fotografia, tiveram por vezes o efeito de modelar por muito tempo as imagens do continente. As recirculações contemporâneas das imagens do final do século XIX e início do século XX, muitas vezes, só consolidaram esse fenómeno. Construído em contraponto, este artigo considerará uma história paradoxal da fotografia, considerando-a não pela sua presença, mas precisamente pela sua ausência. Num trabalho histórico apoiado por fontes fotográficas e escritas, que se estendem entre 1870 e 1910, esta contribuição incide sobre a fotografia como ausência, como desaparecimento e como apagamento. Esta história concentra-se em vários fenómenos essenciais que caracterizam a (não) produção de imagens fotográficas dos mundos sociais africanos na época da expansão colonial. Trata.se, em primeiro lugar, de abordar a questão essencial da destruição material de fotografias antigas de África. Por uma multiplicidade de razões, uma parte do que foi fotografado já se perdeu, ou está em risco de desaparecer. Um dos maiores efeitos deste processo consistiu, durante muito tempo, num duplo apagamento dos pioneiros africanos da fotografia, mal ou pouco representados nos arquivos institucionais, tendo sofrido um limitado investimento historiográfico, cuja história, em muitos casos, está ainda por escrever. Num segundo momento abordar-se á a questão da recusa em posar e da eventual recusa em tirar fotografias. Serão observados vários vestígios esparsos destes aspectos da fotografia. O problema da autocensura e do carácter muito fechado da circulação de algumas imagens, nomeadamente as que ameaçavam a estabilidade das narrativas coloniais, será aqui igualmente estudado. A finalizar, o artigo examinará mais de perto as imagens de Alex J. Braham, um District agent) da Royal Niger Company em Ogugu (sul da Nigéria) no dealbar do século XX. Era um entusiasta da fotografia e o seu álbum pessoal contém várias visualizações de uma cerimónia secreta realizada sem o conhecimento dos participantes, tendo ele conseguido esconder-se num edifício com o seu aparelho. Exemplo de escamoteamento (não da fotografia como imagem, mas do próprio acto de fotografar), o seu gesto é também uma das possíveis manifestações das invisibilidades que participaram em grande parte na formação e na distorção das imagens fotográficas de África. jeu., 15 juin 2023 00:00:00 +0200 https://www.sources-journal.org/1113 Ré-encoder le glamour du Ghana à l’Angleterre. Magazines illustrés, normes de genre et identités noires dans l’objectif de James Barnor (années 1950-1980) https://www.sources-journal.org/1118 Comment les normes de genre et de race véhiculées par les magazines illustrés, dont la circulation explose en Afrique au détour des années 1960, se répercutent-elles dans les pratiques localisées de photographes du continent qui, à leur tour, se font prescripteurs d’un ordre visuel genré ? Le présent article éclaire cette double question, en proposant une analyse diachronique de l’influence des modèles de féminité transmis par la presse sur l’imaginaire visuel d’un photographe ghanéen, des années 1950 à 1980. Il articule les publications du titre panafricain Drum (magazine le plus distribué en Afrique anglophone à cette époque) et ses traductions dans l’art du portrait tel que pratiqué par James Barnor (1929-), photographe au parcours transcontinental, entre le Ghana et l’Angleterre. Parce sa trajectoire professionnelle et personnelle épouse les évolutions de ces normes, James Barnor devient ainsi à la fois le réceptacle et l’instigateur d’une vision idéale de « la » femme africaine.Dans une approche intersectionnelle, on croise la question des normes de genre et celle des biais raciaux, pour tenter de comprendre comment le photographe s’est approprié tout au long de sa carrière les codes mouvants d’un glamour féminin réinventé pour l’Afrique durant la période des postindépendances. Si de nombreuses études se sont interrogées sur les modalités de cette codification, elles sont ici abordées à travers l’exploration en profondeur des archives du photographe, aujourd’hui conservées à Paris, croisée à l’analyse sérielle des numéros de Drum. Le parti-pris est de mêler images destinées à la publication et images à caractère privé pour analyser comment les canons de la photographie de mode infusent les pratiques de ce producteur d’images à la croisée de différents mondes sociaux. Le corpus composé de portraits de jeunes femmes est également éclairé par de nombreux entretiens avec le photographe et certaines de ses modèles, qui nous informent sur les coulisses des images publiées en explorant leurs contextes politiques et sociaux.On se penche d’abord sur la stratégie éditoriale de Drum depuis son lancement en Afrique du Sud, et à mesure de son déploiement vers l’Afrique de l’Ouest. Si le magazine emprunte dans un premier temps aux références du monde blanc occidental comme Life, il devient progressivement, et dans une certaine mesure, une vitrine pour les fiertés noires sur le continent et dans la diaspora. Dans sa pratique de studio des années 1950, Barnor montre déjà une attention aiguë aux codes de la féminité édictés par le magazine, par la reprise de poses et de façons de composer l’image. Durant les dix années qu’il passe ensuite en Angleterre, de 1959 à 1969, sa collaboration avec Drum alimente une galerie de portraits de jeunes femmes anonymes, qui deviennent les icônes ordinaires de cette féminité africaine idéale en contexte diasporique. Enfin, dans les années 1970, le retour de Barnor au Ghana témoigne du réemploi de ces codes hérités de la photographie de mode mais aussi de l’influence nouvelle des modèles africains-américains pour produire du documentaire social. Par ce biais, il contribue à une esthétique de la blackness qui se construit dans un cadre transnational. How have gender and racial norms conveyed by illustrated magazines—whose circulation exploded in Africa in the 1960s—affected photographers’ local practices? And how, in turn, have they themselves generated this gendered visual order? This article aims to shed light on this two-fold question by proposing a diachronic analysis of the influence of models of femininity transmitted by the illustrated press on the visual imagination of a Ghanaian photographer—as seen in his photographs taken between the 1950s and the 1980s. It explores the links between the publications of the pan-African magazine Drum (the most widely circulated magazine in English-speaking Africa at the time) and its translation into the art of portraiture as practiced by James Barnor (1929-), a photographer with a transnational career, between Ghana and England. Because his professional and personal career path tracked the evolution of these gendered norms, James Barnor became both the repository and the instigator of an idealized vision of “the” African woman.By means of an intersectional focus, the issues of gender norms and of racial biases are examined in parallel to better understand how the photographer appropriated throughout his career the shifting codes of a “female glamour” reinvented for Africa during the post-independence period. While numerous studies have examined the modalities of this codification, in the present paper they are addressed through an in-depth exploration of the photographer's archives, now held in Paris, and combined with an analysis of early issues of Drum. The aim is to juxtapose images intended for publication, i.e. public, with private images in order to consider how the standards of fashion photography infused Barnor’s practices which lie at the crossroad of different social worlds. The corpus composed of portraits of young women is also informed by numerous interviews with the photographer and some of his models, which provide behind-the-scenes insights relative to the published images by exploring their political and social contexts.We first look at Drum’s editorial strategy from its launch in South Africa to its expansion throughout West Africa. While the magazine initially borrowed from white Western references such as Life, it gradually became, to some extent, a showcase for black pride on the continent and in the global diaspora. Then, we study Barnor’s early studio practice as already acutely aware of the codes of femininity enacted by the magazine: this is shown through his “recycling” of the poses and the composition of the images. During the ten years he spent in England, from 1959 to 1969, his collaboration with Drum gave rise to a gallery of portraits of anonymous young women, who became ordinary icons for an ideal African femininity in the context of the diaspora. Finally, in the 1970s, Barnor’s return to Ghana saw the reuse of these codes inherited from the globalized fashion industry combined with the emerging iconography produced by African-American models as a means to create social documentary. In this way, he contributed to an aesthetic of blackness that was constructed within a transnational framework. De que modo as normas de género e de raça veiculadas pelas revistas ilustradas, cuja divulgação explode em África, por volta dos anos 1960, se repercutem nas práticas locais de fotógrafos do continente que, por sua vez, se tornam prescritores de uma ordem visual baseada no género. O presente artigo esclarece esta dupla questão, propondo uma análise diacrónica da influência dos modelos de feminilidade, veiculados pela imprensa, sobre o imaginário visual de um fotógrafo ganense entre os anos 1950 e 1980. Articula as publicações da revista pan-africana Drum (a mais distribuída à época na África anglófona) e as suas traduções na arte do retrato, tal como foi praticado por James Barnor (1929-), fotógrafo com um percurso transcontinental entre o Gana e a Inglaterra. Pela sua trajectória profissional e pessoal, ao abraçar a evolução dessas normas, James Barnor torna-se assim ao mesmo tempo o receptor e instigador de uma visão ideal de « a » mulher africana.Numa abordagem interseccional, cruza-se a questão das normas do género com a das vias raciais, a fim de tentar compreender de que forma o fotógrafo se apropriou, ao longo da sua carreira, dos códigos movediços de um glamour feminino reinventado para África no período posterior às independências. Se há numerosos estudos que se debruçam sobre as modalidades desta codificação, neste artigo as mesmas serão abordadas por meio da exploração em profundidade dos arquivos do fotógrafo, conservados em Paris, em cruzamento com a análise serial dos números de Drum. O ponto de partida é o de juntar as imagens destinadas a publicação e as imagens de carácter privado a fim de analisar o modo como os cânones da fotografia de moda infundem as práticas deste produtor de imagens, na encruzilhada dos diferentes universos sociais. O corpus, composto de retrato de mulheres jovens, é igualmente explicado pelas numerosas entrevistas com o fotógrafo e algumas das suas modelos, que nos dão informações sobre os bastidores das imagens publicadas, explorando os respectivos contextos políticos e sociais.Debruçamo-nos em primeiro lugar sobre a estratégia editorial de Drum desde o seu lançamento na África do Sul e da sua expansão para a África ocidental. Se, num primeiro momento, a revista toma de empréstimo as referências do mundo branco ocidental, como Life, ela torna-se progressivamente, e, em certa medida, uma vitrina para os orgulhos negros no continente e na diáspora. Na sua prática de estúdio dos anos 1950, Barnor já presta uma forte atenção aos códigos de feminilidade adoptados pela revista, pela retomada de poses e de formas de composição da imagem. Durante os dez anos que passa seguidamente em Inglaterra, de 1959 a 1969, a sua colaboração com Drum alimenta uma galeria de retratos de jovens mulheres anónimas que se tornam os ícones ordinários dessa feminilidade africana, ideal em contexto diaspórico. Por fim, nos anos de 1970, o regresso de Barnor ao Gana testemunha o reemprego desses códigos herdados da fotografia de moda mas também a nova influência dos modelos afro-americanos, para produzir documentário social. Por esta via, contribui para uma estética da blackness que se constrói num quadro transnacional. jeu., 15 juin 2023 00:00:00 +0200 https://www.sources-journal.org/1118 Re-encoding Glamour from Ghana to England: Illustrated Magazines, Gender Norms and Black Identities through the Lens of James Barnor (1950s–1980s) https://www.sources-journal.org/1134 How have gender and racial norms conveyed by illustrated magazines—whose circulation exploded in Africa in the 1960s—affected photographers’ local practices? And how, in turn, have they themselves generated this gendered visual order? This article aims to shed light on this two-fold question by proposing a diachronic analysis of the influence of models of femininity transmitted by the illustrated press on the visual imagination of a Ghanaian photographer—as seen in his photographs taken between the 1950s and the 1980s. It explores the links between the publications of the pan-African magazine Drum (the most widely circulated magazine in English-speaking Africa at the time) and its translation into the art of portraiture as practiced by James Barnor (1929-), a photographer with a transnational career, between Ghana and England. Because his professional and personal career path tracked the evolution of these gendered norms, James Barnor became both the repository and the instigator of an idealized vision of “the” African woman.By means of an intersectional focus, the issues of gender norms and of racial biases are examined in parallel to better understand how the photographer appropriated throughout his career the shifting codes of a “female glamour” reinvented for Africa during the post-independence period. While numerous studies have examined the modalities of this codification, in the present paper they are addressed through an in-depth exploration of the photographer's archives, now held in Paris, and combined with an analysis of early issues of Drum. The aim is to juxtapose images intended for publication, i.e. public, with private images in order to consider how the standards of fashion photography infused Barnor’s practices which lie at the crossroad of different social worlds. The corpus composed of portraits of young women is also informed by numerous interviews with the photographer and some of his models, which provide behind-the-scenes insights relative to the published images by exploring their political and social contexts.We first look at Drum’s editorial strategy from its launch in South Africa to its expansion throughout West Africa. While the magazine initially borrowed from white Western references such as Life, it gradually became, to some extent, a showcase for black pride on the continent and in the global diaspora. Then, we study Barnor’s early studio practice as already acutely aware of the codes of femininity enacted by the magazine: this is shown through his “recycling” of the poses and the composition of the images. During the ten years he spent in England, from 1959 to 1969, his collaboration with Drum gave rise to a gallery of portraits of anonymous young women, who became ordinary icons for an ideal African femininity in the context of the diaspora. Finally, in the 1970s, Barnor’s return to Ghana saw the reuse of these codes inherited from the globalized fashion industry combined with the emerging iconography produced by African-American models as a means to create social documentary. In this way, he contributed to an aesthetic of blackness that was constructed within a transnational framework. Comment les normes de genre et de race véhiculées par les magazines illustrés, dont la circulation explose en Afrique au détour des années 1960, se répercutent-elles dans les pratiques localisées de photographes du continent qui, à leur tour, se font prescripteurs d’un ordre visuel genré ? Le présent article éclaire cette double question, en proposant une analyse diachronique de l’influence des modèles de féminité transmis par la presse sur l’imaginaire visuel d’un photographe ghanéen, des années 1950 à 1980. Il articule les publications du titre panafricain Drum (magazine le plus distribué en Afrique anglophone à cette époque) et ses traductions dans l’art du portrait tel que pratiqué par James Barnor (1929-), photographe au parcours transcontinental, entre le Ghana et l’Angleterre. Parce sa trajectoire professionnelle et personnelle épouse les évolutions de ces normes, James Barnor devient ainsi à la fois le réceptacle et l’instigateur d’une vision idéale de « la » femme africaine.Dans une approche intersectionnelle, on croise la question des normes de genre et celle des biais raciaux, pour tenter de comprendre comment le photographe s’est approprié tout au long de sa carrière les codes mouvants d’un glamour féminin réinventé pour l’Afrique durant la période des postindépendances. Si de nombreuses études se sont interrogées sur les modalités de cette codification, elles sont ici abordées à travers l’exploration en profondeur des archives du photographe, aujourd’hui conservées à Paris, croisée à l’analyse sérielle des numéros de Drum. Le parti-pris est de mêler images destinées à la publication et images à caractère privé pour analyser comment les canons de la photographie de mode infusent les pratiques de ce producteur d’images à la croisée de différents mondes sociaux. Le corpus composé de portraits de jeunes femmes est également éclairé par de nombreux entretiens avec le photographe et certaines de ses modèles, qui nous informent sur les coulisses des images publiées en explorant leurs contextes politiques et sociaux.On se penche d’abord sur la stratégie éditoriale de Drum depuis son lancement en Afrique du Sud, et à mesure de son déploiement vers l’Afrique de l’Ouest. Si le magazine emprunte dans un premier temps aux références du monde blanc occidental comme Life, il devient progressivement, et dans une certaine mesure, une vitrine pour les fiertés noires sur le continent et dans la diaspora. Dans sa pratique de studio des années 1950, Barnor montre déjà une attention aiguë aux codes de la féminité édictés par le magazine, par la reprise de poses et de façons de composer l’image. Durant les dix années qu’il passe ensuite en Angleterre, de 1959 à 1969, sa collaboration avec Drum alimente une galerie de portraits de jeunes femmes anonymes, qui deviennent les icônes ordinaires de cette féminité africaine idéale en contexte diasporique. Enfin, dans les années 1970, le retour de Barnor au Ghana témoigne du réemploi de ces codes hérités de la photographie de mode mais aussi de l’influence nouvelle des modèles africains-américains pour produire du documentaire social. Par ce biais, il contribue à une esthétique de la blackness qui se construit dans un cadre transnational. De que modo as normas de género e de raça veiculadas pelas revistas ilustradas, cuja divulgação explode em África, por volta dos anos 1960, se repercutem nas práticas locais de fotógrafos do continente que, por sua vez, se tornam prescritores de uma ordem visual baseada no género. O presente artigo esclarece esta dupla questão, propondo uma análise diacrónica da influência dos modelos de feminilidade, veiculados pela imprensa, sobre o imaginário visual de um fotógrafo ganense entre os anos 1950 e 1980. Articula as publicações da revista pan-africana Drum (a mais distribuída à época na África anglófona) e as suas traduções na arte do retrato, tal como foi praticado por James Barnor (1929-), fotógrafo com um percurso transcontinental entre o Gana e a Inglaterra. Pela sua trajectória profissional e pessoal, ao abraçar a evolução dessas normas, James Barnor torna-se assim ao mesmo tempo o receptor e instigador de uma visão ideal de « a » mulher africana.Numa abordagem interseccional, cruza-se a questão das normas do género com a das vias raciais, a fim de tentar compreender de que forma o fotógrafo se apropriou, ao longo da sua carreira, dos códigos movediços de um glamour feminino reinventado para África no período posterior às independências. Se há numerosos estudos que se debruçam sobre as modalidades desta codificação, neste artigo as mesmas serão abordadas por meio da exploração em profundidade dos arquivos do fotógrafo, conservados em Paris, em cruzamento com a análise serial dos números de Drum. O ponto de partida é o de juntar as imagens destinadas a publicação e as imagens de carácter privado a fim de analisar o modo como os cânones da fotografia de moda infundem as práticas deste produtor de imagens, na encruzilhada dos diferentes universos sociais. O corpus, composto de retrato de mulheres jovens, é igualmente explicado pelas numerosas entrevistas com o fotógrafo e algumas das suas modelos, que nos dão informações sobre os bastidores das imagens publicadas, explorando os respectivos contextos políticos e sociais.Debruçamo-nos em primeiro lugar sobre a estratégia editorial de Drum desde o seu lançamento na África do Sul e da sua expansão para a África ocidental. Se, num primeiro momento, a revista toma de empréstimo as referências do mundo branco ocidental, como Life, ela torna-se progressivamente, e, em certa medida, uma vitrina para os orgulhos negros no continente e na diáspora. Na sua prática de estúdio dos anos 1950, Barnor já presta uma forte atenção aos códigos de feminilidade adoptados pela revista, pela retomada de poses e de formas de composição da imagem. Durante os dez anos que passa seguidamente em Inglaterra, de 1959 a 1969, a sua colaboração com Drum alimenta uma galeria de retratos de jovens mulheres anónimas que se tornam os ícones ordinários dessa feminilidade africana, ideal em contexto diaspórico. Por fim, nos anos de 1970, o regresso de Barnor ao Gana testemunha o reemprego desses códigos herdados da fotografia de moda mas também a nova influência dos modelos afro-americanos, para produzir documentário social. Por esta via, contribui para uma estética da blackness que se constrói num quadro transnacional. jeu., 15 juin 2023 00:00:00 +0200 https://www.sources-journal.org/1134 ‘Ça aurait pu faire une bonne photo !’ Réflexions sur les déboires d’une pratique photographique dans une recherche pluridisciplinaire au Burundi https://www.sources-journal.org/1135 Sur un mode réflexif, cet article revient sur les difficultés à produire des matériaux photographiques dans un projet de recherche en sciences humaines et sociales qui s’est déroulé au Burundi entre 2018 et 2020. Son auteure a été co-responsable de ce programme, « Suburbu » (pour « Subsistance urbaine et mobilisations du travail au Burundi, début 20e-début 21e s. »), réalisé au sein de la Faculté des Lettres et Sciences humaines de l’Université du Burundi dans le cadre d’un dispositif d’appui de l’Institut de recherche pour le développement (« Jeune équipe associée à l’IRD »). Dans ce texte, elle prend acte des revers qui ont marqué les ambitions initiales du projet en matière de photographie – en particulier, l’organisation d’une exposition – pour interroger les impensés qui en sont à l’origine, et examiner les pesanteurs et les blocages disciplinaires, culturels et humains qui ont verrouillé le champ des possibles en termes de prises de vue et d’usages scientifiques de la photographie. Il s’agit d’expliciter les situations pratiques, mais aussi les négligences théoriques et les lacunes techniques à l’origine de ces difficultés, et d’en souligner les effets, en commentant des images réalisées par l’équipe notamment, et en considérant les attendus de ce qui aurait pu « faire une bonne photo » pour une exposition publique, et au-delà, pour la recherche et son heuristique.Le texte poursuit un fil qui n’élude pas la succession d’erreurs et l’impression de légèreté qu’une prise de recul permet d’entrevoir à propos du (non-)usage de la photographie dans le projet Suburbu. Si certaines de ces anomalies sont explicables et justifiables, comme par exemple l’autocensure qu’une conjoncture sécuritaire hostile a conduit l’équipe à pratiquer, ou la méconnaissance de certaines techniques élémentaires pour produire des clichés utilisables à des fins scientifiques ou esthétiques, d’autres le sont moins et relèvent d’une insouciance ou d’un amateurisme que l’auteure s’attache à questionner. Ainsi les attendus et la valeur du rapprochement entre sciences sociales et photographie n’avaient pas vraiment été réfléchis en amont, ni la bibliothèque des connaissances consultée. De même, des réticences ou des objections subjectives sont venues renforcer une forme de détachement à l’égard des prises de vue, considérées comme accessoires voire inutiles. Entre les deux, des photographies ont tout de même été réalisées, qui « auraient pu être bonnes » si seulement leur très basse résolution ne les avait rendues quasi inexploitables (quelques exemples accompagnent ce texte). Ce dernier point, articulé à d’autres défauts de compétence, amène l’auteure à revenir sur les bénéfices techniques et pratiques, et encore intellectuels et scientifiques, attachés à une collaboration entre chercheur∙e∙s et photographes professionnel∙le∙s ou aguerri∙e∙s. Finalement l’idée est de conduire les équipes à envisager de manière plus routinière l’usage de la photographie dans les projets en sciences humaines et sociales, en intégrant dès leur phase préparatoire des professionnel∙le∙s de l’image, ou en prévoyant a minima des formations dédiées. In reflexive mode, this article re-examines the difficulties of producing photographic materials in a research project in the humanities and social sciences which took place in Burundi between 2018 and 2020. The author was co-lead in this programme, Suburbu (Subsistance urbaine et mobilisations du travail au Burundi, early 20th century-early 21st century), carried out at the Faculté des Lettres et Sciences Humaines of the university of Burundi in the framework of the support provided by the Institut de Recherche pour le Développement (“Jeune équipe associée à l’IRD”). In this text, she takes note of the setbacks that stood in the way of achieving initial aims of the project with regard to photography—in particular holding an exhibition—to investigate the oversights that caused them, and to examine the disciplinary, cultural and human impediments and stumbling blocks that limited the range of possibilities in terms of taking photographs and the uses of photography for scientific purposes. The aim is to describe the practical situations as well as the theoretical negligence and technical lacks that caused the difficulties, and to highlight their impact, starting with the photographs taken by the team, in particular, and taking into account the expectations of what might have “made a good photo” for a public exhibition, and beyond that, for research and its heuristics.The text does not elude the succession of errors and the impression of levity that can be seen with hindsight regarding the (non-)use of photography in the Suburbu project. If certain of these anomalies are understandable and justifiable, for example the self-censorship that a hostile security situation obliged the team to practise, or ignorance of certain basic techniques for producing pictures that would be usable for scientific or aesthetic purposes, others are less so and can be put down to carelessness or amateurism that the author endeavours to examine. The expectations and the value of the rapprochement between the social sciences and photography had not really been thought through in advance, nor had the corpus of knowledge been consulted. Similarly, subjective reticence or objections bolstered a certain detachment with regard to photographs, considered as mere accessories or even of no use. Between the two, photographs were nonetheless taken, which “could have been good ones” if only their very low resolution had not made them unusable (a few examples are shown in this text). This last point, along with other failings of competence, have led the author to review the benefits, technical and practical, or intellectual and scientific, to be derived from collaboration between researchers and professional or experienced photographers. Finally, the idea is to encourage the teams to envisage the use of photography more routinely in humanities and social sciences projects by including professional photographers right from the preparatory stages or at the very least planning appropriate training courses. De uma forma reflexiva, este artigo aborda as dificuldades em produzir materiais fotográficos num projecto de investigação em ciências humanas e sociais, desenvolvido no Burundi, entre 2018 e 2020. A autora foi co-responsável do programa “Suburbu” (“Subsistência urbana e mobilização para o trabalho no Burundi, início sec.XX-início sec.XXI”), realizado na Faculdade de Letras e Ciências Humanas da Universidade do Burundi, no quadro de um mecanismo de apoio do IRD-Instituto de investigação para o desenvolvimento (“Equipa jovem associada ao IRD”). Neste texto dá conta dos revezes que marcaram as ambições iniciais do projecto em matéria de fotografia – em particular a organização de uma exposição – para problematizar os impensados que estão na sua origem, e examinar os bloqueamentos disciplinares, culturais e humanos que fecharam o campo das possibilidades em termos de captação de imagem e de uso científico da fotografia. Trata-se de explicitar as situações práticas, mas também as negligências teóricas e as lacuna técnicas, na origem destas dificuldades, e de sublinhar os seus efeitos, comentando as imagens realizadas, nomeadamente pela equipa, e considerando a expectativa em relação ao que poderia ser “fazer uma boa foto” para uma exposição pública e, também, para a investigação e sua heurística.O texto orienta-se num sentido que não omite a sucessão de erros e a impressão de ligeireza que um recuo permite entrever a propósito do (não) uso da fotografia no projecto Suburbu. Se algumas destas anomalias são explicáveis e justificáveis como, por exemplo, a autocensura que uma conjuntura securitária hostil levou a equipa a praticar, ou o desconhecimento de algumas técnicas elementares para obter fotos para utilização científica ou estética, outras o são menos e decorrem de uma despreocupação e de um amadorismo que à autora interessa questionar. Assim, as expectativas e o valor da aproximação entre ciências sociais e fotografia não estiveram antecipada e verdadeiramente reflectidos, nem a biblioteca de conhecimentos consultada. Também as reticências ou objecções subjectivas vieram reforçar uma forma de desinteresse em relação às fotografias, consideradas como acessórias, isto é, inúteis. De qualquer modo as fotografias foram tiradas e «poderiam ter ficado bem» se a sua baixíssima resolução não as tivesse tornado quase inexploráveis (alguns exemplos acompanham este texto). Este último ponto, associado a outras faltas de competência, leva a autora a debruçar-se sobre os benefícios técnicos e práticos e também intelectuais e científicos, ligados a uma colaboração entre investigadores (as) e fotógrafos (as) profissionais ou experientes. Finalmente a ideia é levar as equipas a encarar de forma mais rotineira o uso da fotografia em projectos de ciências humanas e sociais, integrando neles profissionais de imagem ou prevendo um mínimo de formações dedicadas, desde a fase preparatória. jeu., 15 juin 2023 00:00:00 +0200 https://www.sources-journal.org/1135 Saisir l’imperceptible : photographie d’art et ethnologie en perspective à Ségou au Mali https://www.sources-journal.org/1152 Quelle place la photographie d’art pourrait-elle prendre en sciences sociales ? Ce texte, écrit à deux mains, décrit un travail de collaboration entre un photographe et une anthropologue pour saisir ses impasses, ce qu’elles nous apprennent de nos métiers, et les pistes pour des travaux futurs. Ce cheminement débute par la confrontation de dualités, celle de champs (art et ethnologie) et de catégories (artistique et documentaire). Il se poursuit par une analyse de l’attention à l’imperceptible que le chercheur comme l’artiste explorent et exposent. L’introduction situe une collaboration qui a pris sa source dans une double question de recherche, celle de l’analyse de la perception, mais aussi une question méthodologique plus située concernant les formes, sensibles, sur lesquelles l’attention de l’ethnologue pouvait s’arrêter pour analyser la fabrique d’une capitale culturelle. La photographie est aussi ancrée dans une histoire, au Mali comme dans le champ de l’ethnologie. De cet ancrage naît la rencontre, concrète, entre une ethnologue et un photographe ainsi que des postures qui seront analysées au fil des pages.Le travail réflexif sur cette collaboration n’est pas seulement décrit, il est mis en scène, dans le format d’écriture particulier. Dès la première partie, les auteurs apparaissent à la fois comme des personnages et des sujets. Des personnages, car chaque paragraphe est précédé par le nom, Oumarou Dembele ou Laure Carbonnel, non comme un dialogue retranscrit, mais comme un cheminement de pensée reconstruit, de manière à éviter la confusion des rôles et des intentions. Sujets également, car leur rencontre et parcours (première partie), de même que les impasses et inspirations de cette collaboration (deuxième partie), et l’analyse de leurs pratiques respectives (troisième partie), sont les matériaux sur lesquels porte l’étude de l’articulation entre photographie d’art et ethnologie. Pour cela, le texte s’appuie sur des notes de terrain, sur des souvenirs, sur des versions précédentes de la réflexion. Puis les auteurs commentent leurs propres pratiques (en vidéos, en images et en mots) en partant du travail de photographe et de la différence entre un cliché artistique et ce qu’il appellera en français une photographie documentaire d’un même lieu.Le retour sur notre collaboration fait émerger les présupposés, les projections, les écueils qui ont quelque peu dévié l’objectif premier de la collaboration, mais aussi les inspirations qui ont affleuré de cette rencontre, avec une photographie qui n’est plus seulement un support imagé, mais un préambule à l’analyse, une mise en relation. Mais pourquoi certaines images semblent-elles plus pertinentes que d’autres ? L’analyse d’Oumarou sur son propre travail ouvre un champ réflexif sur le cadre d’observation en ethnologie qui conduit en retour à une analyse pragmatique des clichés artistiques et documentaires faisant émerger comment et pourquoi la photographie artistique et l’ethnologie peuvent s’articuler de manière féconde. Jata seko ni dɔnko jɔyɔɔrɔ bɛ seka kɛ mun ye hadamadenya /maaninfinya la ? Jatala ni maaninfin dɔnnitigi fila de ye nin masalabolo nin sɛbɛn walasa k‘an kalan an na baaraw la ani ka sira jira minnu bɛ seka baara wɛɛrɛw sababu don nataw la. O baara bɛ daminɛ ni fɛn fila ye (seko ni dɔnko ani maayakalan) ani (ka sɛbɛn jira min bɛ kuma dɔnko ni fɛn dɔw kan). Ɲininikɛla i na fo jadilanna bɛ sɛgɛsɛgɛli baara k’o kan ani k’o jira. Ɲininin hokumo wolola nin jɛ ye ani ja sɛgɛsɛgɛli ni mɔnw ni dusukun fɛnw ye minnu bɛ maaninfin dɔnnitigi dɛmɛ ala baara la seko ni dɔnko kɔnɔna na. Jata ni maayakalan bɛ Mali tariku kɔnɔ. Jɛ dɔ bangɛna o kɔnɔna na maaninfin dɔnnitigi dɔ ni jatala dɔ cɛ, kuma bɛna k’olu kan nin gafefuraw kɔnɔ.Kuman dɔrɔn tɛna kɛ nin mɔgɔ fila hakilina baara kan, nkan u bɛna sɛbɛn. Ola, folofolola, sɛbɛnbaw bɛna kɛ mɔgɔw ni baarakɛ fɛnw de ye. O mɔgɔw ye Oumarou Dembele ni Laure Carbonnel ye u bɛ hakilina baaraw kɛ walasa fili kana y’u ka baaraw ni ŋanniyaw cɛ. Jɔyɔɔrɔ folo bɛ kuma u ka ɲɔgɔnye cogoyaw de kan. Jɔyɔɔrɔ filana bɛ kuma u ka yefɛnw ni hakilina fɛnw de kan. Jɔyɔɔrɔ sabanan bɛ sɛgɛsɛgɛli k’u ka kɛtaw kan ani jata seko ni dɔnkon ni maayakalan baara minɛw kan. Ola, sɛbɛn bɛ kɛ kɛyɔɔrɔw ni miirinaw n‘u ɲɔgɔnnaw kan. Sɛbɛnba ninnu bɛna ɲɛfɔli kɛ ni widow ni jaw ni kumaw ye u ka baaraw kan n‘o ye jata n‘a danfarancɛw ani mɛn bɛ wele faransekan na ko jata tariku ɲɛfɔ yɔɔrɔ kelen kan. An ka jɛɲɔgɔnya nin nana nin miirinaw ni sininyasigin fɛnw ye ani gɛlɛyaw ye minnu ye kuntilenna folo jɛngɛn. Nkan, miirina ɲuman sɔrɔla ɲɔgɔnye nin kɔnɔ. Nin jata seko nin dɔnko kan ye sɛgɛsɛgɛli baara folo de ye walasa ka jɛ labɔn. Mun na ja dɔw kaɲi kɔsɔbɛ ka tɛmɛn dɔw la ? Umaru ye sɛgɛsɛgɛli baara min k’a yere ka baara nin kan, o ye hakilina dɔ dayɛlɛn maaninfin dɔnnitigi ye k’a ɲɛsin jaw n‘a tarikun kan, ka nani nin ɲininkali ye, munna ani cogo jumɛn na jata baara ni maayakalan bɛ seka taaman ɲɔgɔn fɛ. What role might art photography play in the social sciences? This paper, written two-handedly, describes work carried out jointly by a photographer and an anthropologist to identify the impasses encountered, what they tell us about our professions, and ways forward for future work. This process begins with the contrasting of dualities, dual fields (art and ethnology) and dual categories (artistic and documentary). We go on to analyse the attention to the imperceptible that both the researcher and the artist explore and display. The Introduction provides the context of a collaboration that had its origins in a two-fold research topic - the analysis of perception, and also a methodological question, more focused, concerning the perceptible forms upon which the ethnologist's attention might linger to analyse the construction of a cultural capital. Photography is also rooted in a history, in Mali as in the field of ethnology. These roots are the source of the actual encounter between an ethnologist and a photographer and of the postures that will be analysed throughout the following pages.The reflexive work on this collaboration is not only described, it is staged in the particular format of the writing. From the first section, the authors feature both as characters and subjects. Characters, because each paragraph is headed by a name, Oumarou Dembele or Laure Carbonnel, not as a transcribed dialogue, but as a reconstructed train of thought, so as to avoid any confusion of the roles and the intentions. Subjects too, since their encounter and trajectory (first part), and the impasses and inspirations of this collaboration (second part), and the analysis of their respective practices (third part), are the materials upon which our study of the interrelation between art photography and ethnology is focused. To that end, the text makes use of field notes, memories, and the two previous versions of the reflection. Then the authors comment on their own practices (in videos, photographs and words) based on the work of the photographer and the difference between an artistic photograph and what is referred to in French as the “photographie documentaire” of a single place.Reviewing our collaboration brings to light the presuppositions, the projections, the pitfalls which have somewhat altered the initial aim of the collaboration, and also the inspirations that have blossomed from this encounter, with photography which is not solely illustrated material but also a preamble to analysis, the establishment of relationships. But why do certain images seem more relevant than others? Oumarou's analysis of his own work opens up a line of thinking on the field of observation in ethnology which in turn leads to a pragmatic analysis of the artistic and documentary photographs, showing how and why interrelating art photography and ethnology can prove productive. Que lugar pode ocupar a fotografia artística em Ciências Sociais ? Este texto escrito a quatro mãos descreve o trabalho de colaboração entre um fotógrafo e uma antropóloga a fim de apreender as suas dificuldades, o que nos ensinam sobre as nossas profissões e fornecer pistas para futuros trabalhos. Este percurso começa com o confronto das dualidades, a dos campos (arte e etnologia) e a de categorias (artístico e documental. Prossegue com uma análise da atenção dada ao imperceptível que, tanto a investigadora como o artista, exploram e expõem. A introdução contextualiza uma colaboração que tem a sua origem numa dupla questão de investigação, a da análise da percepção mas também uma questão metodológica mais precisa, relativa às formas sensíveis, sobre as quais a atenção da etnóloga poderia incidir, para analisar a construção de uma capital cultural. A fotografia fica assim inserida na história, quer no Mali quer no campo da etnologia. Desta ligação nasce o encontro concreto entre uma etnóloga e um fotógrafo assim como as posições a ser analisadas no decorrer do texto.O trabalho reflexivo sobre esta colaboração não se limita a ser descrito, ele é encenado no formato de escrita pessoal. Na primeira parte os autores surgem ao mesmo tempo como personagens e como sujeitos. Personagens, porque cada parágrafo é precedido do nome Oumarou Dembele ou Laure Carbonnel, não como um diálogo transcrito, mas como um caminho de pensamento reconstruído, de forma a evitar a confusão entre as funções e as intenções. Igualmente sujeito porque o seu encontro e percurso (primeira parte), assim como os obstáculos, são os materiais sobre os quais versa o estudo da articulação entre fotografia artística e etnologia. Para tal, o texto apoia-se em notas de campo, recordações, versões anteriores da reflexão. Seguidamente, os autores comentam as suas próprias práticas (em vídeo, imagens e palavras), partindo do trabalho do fotógrafo e da diferença entre uma fotografia artística e aquilo que o mesmo designará em francês como fotografia documental, de um mesmo lugar.O regresso à nossa colaboração faz emergir os pressupostos, as projecções, os obstáculos que levaram a um certo desvio do seu objectivo inicial. Mas também as inspirações surgidas deste encontro, com uma fotografia. que não é apenas um suporte de imagem, mas um preâmbulo da análise, um estar em relação. Por que razão certas imagens parece ser mais pertinentes que outras? A análise de Oumarou sobre o seu próprio trabalho abre um campo reflexivo sobre o quadro de observação em etnologia que conduz, por sua vez, a uma análise pragmática das fotos artísticas e documentais, fazendo emergir o como e o porquê de a fotografia artística e a etnologia se poderem articular de forma fecunda. jeu., 15 juin 2023 00:00:00 +0200 https://www.sources-journal.org/1152 Passeur d’images : regards d’un photographe amateur sur la société marocaine, la collection de Désiré Sic, 1912-1934 https://www.sources-journal.org/1178 Cet article présente un fonds photographique amateur, dont une grande partie porte sur le Maroc colonial, de 1912 aux années 1930. Pour constituer ces photographies en sources, la démarche consiste tout d’abord à chercher à faire l’histoire de la collection de ces quatre mille photographies : comment un tel ensemble de plaques de verre parvient-il jusqu’aux historiens ? Quelles sont la part et l’intention de l’auteur des images ? Quel statut celles-ci reçoivent-elles au fil des décennies ? Nous tentons de restituer la démarche de ce sous-officier de l’armée française qui photographie le Maroc pendant deux décennies et s’emploie ensuite à conserver ces images pendant tout le reste de son existence, au sein de l’intimité familiale. Il s’agit dès lors d’étudier la production, la circulation et la conservation de ces photographies produites par un acteur modeste, en dehors de toute célébrité, de toute reconnaissance culturelle, politique ou sociale. Source discrète, longtemps ignorée, oubliée, ces images ont fait l’objet d’une archéologie familiale, qui détermine l’accès des chercheurs.Que voyons-nous par ces photographies réalisées sans objectif affiché de documentation ? Comment peut-on inscrire un tel fonds dans l’imagerie coloniale ? Le parcours du photographe amateur se construit au long sa carrière de sous-officier puis d’officier du génie dans l’armée française, pendant ses séjours au Maroc, de part et d’autre de la Grande Guerre. La temporalité des prises de vues et celle de la constitution de la collection sont à interroger, afin de cerner le contexte des photographies parvenues jusqu’à nous. La démarche de recherche tente alors de s’attacher aux indices qui témoignent de l’intentionnalité dans la constitution de ce fonds, postulant que, même si elle relève de l’intime et n’est jamais formulée, la démarche de conservation n’est en rien laissée au hasard.Aussi, le fonds des photographies de Désiré Sic, qu’elles soient prises au Maroc ou en France, peut-il s’inscrire dans l’histoire de la pratique amateur des débuts du xxe siècle et permet d’interroger la nature de cette pratique : simple usage d’un outil technique banalisé ou production culturelle à valeur originale, de la part d’un autodidacte ?Ce sont alors les indices de la culture visuelle de cet acteur modeste qu’il convient de rassembler. Comment s’approprie-t-il le répertoire orientaliste ? Comment use-t-il des règles communes aux photographes excursionnistes ? Cette approche conduit à interroger les spécificités du regard orientaliste et colonial, en les confrontant aux autres motifs récurrents qui imprègnent ces photographies d’amateur.Ainsi, est-il possible d’approcher la dimension documentaire de ces fonds quant aux instantanés de la colonisation, la question du pouvoir étant récurrente malgré la position modeste de l’auteur dans la hiérarchie militaire et dans la société. C’est au croisement des regards, que ce fonds invite, sans isoler l’expérience coloniale d’une culture transnationale. This article presents an amateur photography archive, most of it dealing with colonial Morocco, from 1912 to the 1930s. To enable these photographs to be used as sources, the approach involves firstly seeking to establish the history of the collection of these four thousand photographs: how did such a collection of glass plates manage to reach the historians? What was the role of the author of the photographs and what were his intentions? What was the status attributed to them over the decades? We have attempted to reconstruct the actions of this NCO in the French army who photographed Morocco during two decades and then took care to conserve these photographs for the rest of his life, in the privacy of his own family circle. Then it has been a matter of studying the production, the circulation and the conservation of these photographs produced by an actor of modest status, far removed from any kind of renown or any cultural, political or social recognition. A source that has been discreet, long ignored, forgotten, these images have been unearthed by a process of family archaeology, which has enabled researchers to gain access to them.What do we see in these photographs taken without any declared documentary purpose? How can we relate an archive of this kind to the corpus of colonial imagery? The itinerary of this amateur photographer was constructed in the course of his career as NCO then officer of engineers in the French army, during his stays in Morocco, before and after the Great War. The time frame of the photographs and of the constitution of the collection must be examined in order to determine the context of the photographs that have come down to us. The research process thus involves picking up clues which provide evidence of the intention behind the constitution of this archive, on the assumption that despite being a private matter and never made explicit, the act of conservation was by no means a matter of chance.The photographic archive of Désiré Sic, whether the pictures were taken in Morocco or in France, may be considered as part of the history of amateur photography in the early 20th century and raises questions regarding the nature of this practice: simply the use of a common technical tool or cultural production of original value, achieved by a self-taught photographer?It is thus the clues to the visual culture of this modest photographer that we need to gather. How did he take assimilate the orientalist repertoire? How did he make use of the rules common to travelling photographers? This approach involves examining the specificities of the orientalist and colonial perspective by comparing them with other recurrent motifs which permeate these amateur photographs.This offers a way to address the documentary dimension of this archive relative to the snapshots of the colonisation, the issue of power being recurrent despite the lowly status of the author in the military hierarchy and in society. This archive is an invitation to a comparison of views, without isolating the colonial experience from a transnational culture. Este artigo apresenta um fundo fotográfico amador, uma grande parte do qual diz respeito a Marrocos colonial, de 1912 até à década de 1930. O processo de transformar essas fotografias em fontes, consiste, antes de mais, em procurar fazer a história da colecção dessas quatro mil fotografias: de que modo um conjunto de placas de vidro chega aos historiadores? Qual é a função e a intenção do autor das imagens? Que estatuto receberam ao longo de décadas? Tentamos reconstituir os passos deste oficial subalterno do exército francês, que fotografa Marrocos durante duas décadas, e, em seguida, se dedica a conservar estas imagens durante todo o resto da sua existência, no seio da intimidade familiar. Trata-se, portanto, de estudar a produção, a circulação e a conservação destas fotografias produzidas por um actor modesto, fora de qualquer celebridade, de qualquer reconhecimento cultural, político ou social Fonte discreta, ignorada durante muito tempo, esquecida, estas imagens foram objecto de uma arqueologia familiar, o que determina o seu acesso por parte dos pesquisadores.O que vemos nestas fotografias realizadas sem objectivo indicado de documentação? Como se pode inscrever um fundo destes na imagética colonial? O percurso do fotógrafo amador constrói-se ao longo da sua carreira de oficial subalterno, em seguida de oficial de engenharia do exército francês, durante a sua estada em Marrocos dos dois lados da Grande Guerra. A temporalidade das fotografias e a da constituição da colecção devem ser estudadas, a fim de se definir o contexto das fotografias que chegaram até nós. O processo de investigação tenta, então, concentrar-se nos indícios que testemunham a intencionalidade na constituição deste fundo, postulando que, embora esta tenha um carácter intimo e nunca seja formulada, o processo de conservação não é deixado ao acaso. Igualmente o fundo de fotografias de Désiré Sic, quer estas tenham sido tiradas em Marrocos ou em França, poder-se-á inscrever na história da prática amadora do início do século XX e permite interrogar a natureza desta prática: simples utilização de um dispositivo técnico banalizado ou produção cultural de valor original por parte de um autodidacta?Por isso vale a pena reunir os indícios da cultura visual deste actor modesto. Como se apropria do repertório orientalista? Como utiliza as regras comuns aos fotógrafos excursionistas? Esta abordagem leva-nos a observar as especificidades do olhar orientalista e colonial, confrontando-as com outros motivos recorrentes, que impregnam essas fotografias de amador.Deste modo, é possível abordar a dimensão documental destes fundos quanto às fotografias coloniais, sendo a questão do poder recorrente, apesar da posição modesta do autor, na hierarquia militar e na sociedade. É ao cruzamento de olhares que este fundo convida, sem isolar a experiência colonial de uma cultura transnacional. jeu., 15 juin 2023 00:00:00 +0200 https://www.sources-journal.org/1178 Ce qu’on montre du travail : saisir par la photographie les rapports sociaux dans les entreprises éthiopiennes https://www.sources-journal.org/1199 Cet article s’inscrit dans une démarche qui met l’analyse de l’interaction entre chercheur·e·s et enquêté·e·s au cœur de la pratique socio-visuelle, à partir d’une étude réalisée dans des entreprises en Éthiopie. Il analyse le jeu, au sens ludique et théâtral, autour de la prise de vue comme une manière d’éclairer le rapport au travail, complémentaire des outils traditionnels de l’enquête ethnographique. Repensant le concept de Pierre Bourdieu de l’aire du photographiable, l’article examine comment ce que nous proposons d’appeler le montrable permet de saisir l’articulation des rapports sociaux au travail.Le récit de l’usage de la photographie dans la recherche ethnographique expose dans une première partie comment la photographie est passée d’un rôle illustratif ou informatif, à un outil d’observation à part entière. L’enquête a notamment porté sur l’analyse des interactions lors de la prise de vue et de la manière de montrer son travail. Dans une seconde partie, l’article propose une analyse de la manière dont les rapports de genre, de race et de classe pèsent dans l’interaction. Leur étude est un préalable nécessaire à l’interprétation, notamment lorsque l’enquête fait se rencontrer une sociologue photographe blanche avec des travailleur·se·s éthiopien·ne·s. L’article souligne comment les hommes éthiopiens tendent à se mettre en scène devant la caméra. Si être une femme photographe facilite la prise de vue des travailleuses éthiopiennes, l’article souligne toute la difficulté à ne pas rejouer des rapports de domination en invisibilisant le travail de celles qui adoptent des attitudes souvent retenues devant l’objectif. Nous montrons également que ces rapports doivent être replacés dans l’expérience biographique des acteurs et actrices, l’interaction photographique venant rejouer des situations de domination antérieures, y compris lors d’autres interactions photographiques, vécues différemment selon les enquêté·e·s.La troisième partie est l’occasion d’observer la façon de se mettre en scène ou de mettre en scène son travail comme source de connaissance sur l’entreprise. Le cadre organisationnel amène en effet à rejouer ou à déjouer les rapports sociaux impliqués dans l’interaction photographique. Trois exemples sont donnés, chacun permettant notamment d’analyser les interactions photographiques à l’aune des projets d’entreprise et de leur inscription dans la mondialisation. Le premier, une usine textile turque vendant sur les marchés mondiaux, décrit un processus d’invisibilisation du travail au profit d’une valorisation de la modernité. Le second, une entreprise artisanale de produits haut de gamme, montre au contraire la mise en valeur de savoir-faire artisanaux au centre du projet de l’entreprise. Le troisième exemple, une petite entreprise sociale promouvant l’emploi de femmes sourdes-muettes, donne à voir comment le collectif de travail est mis au centre du montrable.Pour étudier les entreprises où se rencontrent différentes échelles (marchés et normes internationaux, visiteur·se·s étranger·e·s, ancrages locaux, etc.), la photographie offre donc une unité de temps, restreint mais dense, d’interrelations qui sont complexes à saisir autrement. Elle rend visible la porosité des frontières, éclaire comment les rapports sociaux qui dépassent l’organisation sont réagencés, comment l’organisation agit sur le travail et révèle le parcours de ceux et celles qui en dépendent. This article is based on an approach that places the analysis of the interaction between researchers and interviewees at the heart of socio-visual practices, on the basis of a study carried out in enterprises in Ethiopia. It analyses the interplay, in the recreational and theatrical sense, involved in taking photographs as a way of shedding light on the relation with work, as a complement to the traditional tools of ethnographic investigation. Repurposing Pierre Bourdieu’s concept of the field of the “photographable,” the article examines how what we propose to call the “showable” offers a means to understand the interrelation of social relations at work.The account of the use of photography in ethnographic research shows in the first part how photography has moved on from an illustrative or informative role to being a tool for observation in its own right. The investigation has focused in particular on the analysis of the interactions during the taking of photographs and of the way one's work is shown. In a second stage, the article offers an analysis of the way race, gender and class relations weigh on the interaction. Their study is a necessary preliminary to interpretation, in particular when the survey involves a white sociologist photographer meeting Ethiopian workers. The article stresses how Ethiopian men tend to play to the camera. While being a female photographer may make it easier to photograph female Ethiopian workers, the article stresses the difficulty of not reproducing the relations of dominance by rendering invisible the work of those who often adopt discreet attitudes in front of the camera. We also show how these relationships should be considered in the context the biographical experience of the actors, with the photographic interaction replaying prior situations of domination, including in other photographic interactions experienced differently from one interviewee to another.The third part offers an opportunity to observe the way subjects act for the camera or show their work as a source of knowledge concerning the enterprise. The organisational framework in fact involves deploying or neutralising the social relations involved in the photographic interaction. Three examples are given, each offering a basis for analysing photographic interactions by the yardstick of company business plans and their involvement in globalisation. The first, a Turkish textile factory selling on world markets, describes a process of backgrounding the work for the benefit of the valorisation of modernity. The second, an artisanal enterprise making upmarket products, shows in contrast the valorisation of artisanal know-how at the core of the company’s business plan. The third example, a small social enterprise promoting the employment of deaf-mute women, shows how the work collective is placed at the core of the showable.To study the enterprises where different scales intermingle (international markets and norms, international visitors, local implantation, etc.), photography thus offers a unit of time, limited but dense, of inter-relations which are complex to grasp otherwise. It makes visible the porosity of borders, sheds light on how the social relations which go beyond the organisation are repurposed, how the organisation acts on work and reveals the experiences of those who are dependent on it. Este artigo inscreve-se numa abordagem que coloca a análise da interacção entre investigadores (as) e inquiridos (as) no centro da prática sócio-visual, a partir de um estudo realizado em empresas na Etiópia. Analisa o jogo, no sentido lúdico e teatral, em torno da captação de imagem, como uma forma de clarificar a relação com o trabalho, como complemento das ferramentas tradicionais de investigação etnográfica. Repensando o conceito de Pierre Bourdieu de campo do fotografável, o artigo examina a forma como aquilo, que propomos designar como mostrável, permite captar a articulação das relações sociais no trabalho. A narrativa do uso da fotografia na pesquisa etnográfica mostra, numa primeira parte, como a fotografia passou de um papel ilustrativo ou informativo, para uma ferramenta de observação completa. A pesquisa incidiu, nomeadamente, na análise das interacções durante a captação das imagens e a forma de se mostrar o trabalho.Numa segunda parte, o artigo propõe uma análise da forma como as relações de género, raça e classe pesam na interacção. O seu estudo é um pré-requisito necessário para a interpretação, nomeadamente quando a investigação leva a que uma socióloga fotógrafa branca se encontre com trabalhadores (as) etíopes. O artigo sublinha como os homens etíopes tendem a colocar-se frente à câmara.Embora o facto de se tratar de uma fotógrafa feminina facilite a tarefa de fotografar as trabalhadoras etíopes, o artigo destaca a dificuldade em não repetir relações de dominação, tornando invisível o trabalho das que adoptam atitudes frequentemente contidas diante da objectiva. Também mostramos que esses relatórios devem ser inseridos na experiência biográfica dos actores e actrizes, já que a interação fotográfica reproduz situações de dominação anteriores, inclusive em outras interacções fotográficas, vividas de modo diferente por cada inquirida.A terceira parte é a oportunidade de observar a forma de actuação ou de apresentar o trabalho como conhecimento sobre a empresa. O quadro organizacional leva, de facto, a reproduzir ou frustrar as relações sociais envolvidas na interacção fotográfica. São dados três exemplos, cada um dos quais permite analisar as interacções fotográficas à luz dos projectos de empresa e da sua inscrição na globalização. O primeiro, uma fábrica têxtil turca que vende nos mercados mundiais, descreve um processo de invisibilização do trabalho em benefício de uma valorização da modernidade. O segundo, uma empresa artesanal de produtos topo de gama, mostra, pelo contrário, a valorização do saber-fazer artesanal no centro do projecto da empresa. O terceiro exemplo, uma pequena empresa social que promove o emprego de mulheres surdas-mudas, mostra como o colectivo de trabalho é colocado no centro do demonstrável.Para estudar as empresas em que se encontram diferentes escalas (mercados e normas internacionais, visitantes estrangeiros, ancoragens locais, etc.), a fotografia oferece, portanto, uma unidade de tempo, restrita mas densa, de inter-relações que, de outra forma, seria complexo entender. Torna visível a porosidade das fronteiras, esclarece como as relações sociais que ultrapassam a organização são reordenadas, como a organização age sobre o trabalho e revela o percurso daqueles e daquelas que dele dependem. jeu., 15 juin 2023 00:00:00 +0200 https://www.sources-journal.org/1199