La photographie comme absence : histoires en creux (Afrique, fin xixe-début xxe siècle)

Photography as Absence: Implicit Histories (Africa, Late Nineteenth and Early Twentieth Centuries)

A fotografia como ausência: histórias em relevo (África, fins do século XIX, início do século xx)

Daniel Foliard

p. 41-60

Traduction(s) :
Photography as Absence: Implicit Histories (Africa, Late Nineteenth and Early Twentieth Centuries)

Citer cet article

Foliard, Daniel. 2023. « La photographie comme absence : histoires en creux (Afrique, fin xixe-début xxe siècle) ». Sources. Materials & Fieldwork in African Studies n° 6 : 41-60. https://www.sources-journal.org/1099

Le matériau photographique impose une présence parfois écrasante et déformante, notamment en matière d’écriture de l’histoire. Les premiers enregistrements visuels des mondes sociaux africains par la photographie ont parfois eu pour effet de modeler pour longtemps les images du continent. Les recirculations contemporaines des images de la fin du xixe et du début du xxe siècle n’ont souvent fait que consolider ce phénomène. Construit en contrepoint, cet article envisagera une histoire paradoxale de la photographie en la considérant non pas pour sa présence, mais précisément pour son absence. En un travail historien étayé par des sources photographiques et écrites s’étalant des années 1870 à 1910, cette contribution se focalise sur la photographie comme absence, comme disparition et comme effacement. Cette histoire en creux se concentre sur plusieurs phénomènes essentiels qui caractérisent la (non)production des images photographiques des mondes sociaux africains à l’âge de l’expansion coloniale. Il s’agit d’aborder en premier lieu la question essentielle de la destruction matérielle des photographies anciennes de l’Afrique. Pour une multiplicité de raisons, une partie de ce qui a été photographié est désormais perdue ou en voie de l’être. L’un des effets majeurs de ce processus a longtemps consisté en un double effacement des pionniers africains de la photographie, mal ou peu représentés dans les archives institutionnelles et ayant souffert d’un investissement historiographique limité, dont l’histoire reste encore à écrire dans bien des cas. Dans un second temps, c’est la question du refus de poser et du refus éventuel de prendre des photographies qui sont évoquées. Plusieurs traces éparses de ces contournements de la photographie seront observées. Le problème de l’autocensure et du caractère très fermé de la circulation de certaines images, notamment celles menaçant la stabilité des récits coloniaux, sera lui aussi étudié dans cette partie. Pour finir, l’article examinera de plus près les prises de vues réalisées par Alex J. Braham. Cet individu, District agent à Ogugu (sud du Nigéria) pour la Royal Niger Company au tournant du xxe siècle, était un passionné de photographie. Son album personnel contient plusieurs vues d’une cérémonie secrète réalisée à l’insu des participants alors qu’il avait réussi à se cacher dans un bâtiment avec son appareil. Exemple d’escamotage (non de la photographie comme image mais de l’acte photographique lui-même), son geste est lui aussi l’une des manifestations possibles des invisibilités qui ont largement participé à former et à déformer les imageries photographiques de l’Afrique.

Photographic material can sometimes pose an overwhelming and distorting presence, especially when it comes to the writing of history. Some of the first visual recordings of African social worlds via photography would long serve as a model for images of the continent. This phenomenon has only been reinforced by recirculations of images from the late nineteenth and early twentieth centuries. Intended as a counterpoint, this article will contemplate a paradoxical history of photography by considering it based not on its presence but on its very absence. A work of history supported by photographic and written sources from the years 1870 to 1910, this contribution focuses on photography as absence, as disappearance, and as erasure. This implicit history focuses on various essential phenomena that characterize the (non)production of photographic images of African social worlds in the age of colonial expansion. It first deals with the key question of the material destruction of old photographs of Africa. For a variety of reasons, an entire part of what was photographed is now either lost or in the process of becoming lost. One of the long-standing major effects of this has been a double erasure of African photography pioneers, who are poorly represented or underrepresented in institutional archives and have been deprived of historiographical attention; in many cases, their history remains to be written. The article then raises the question of refusals to pose and potential refusals to take photographs. We will see several scattered traces of such evasions of photography. The problem of self-censorship and the very restricted circulation of certain images, particularly those threatening the stability of colonial narratives, will also be studied at this juncture. Finally, the article will take a closer look at the photographs taken by Alex J. Braham. This individual, a district agent in Ogugu (southern Nigeria) for the Royal Niger Company at the turn of the twentieth century, was an eager photographer. His personal album contains several shots of a secret ceremony that he took without the participants’ knowledge, having hidden with his camera in a tent. This example of concealment (not of the image but of the photographic act itself) is also one of the possible manifestations of the invisibilities that have played a major part in forming and deforming photographic imagery of Africa.

O material fotográfico impõe uma presença por vezes esmagadora e deformante, nomeadamente em matéria de escrita da história. As primeiras gravações visuais dos mundos sociais africanos, pela fotografia, tiveram por vezes o efeito de modelar por muito tempo as imagens do continente. As recirculações contemporâneas das imagens do final do século XIX e início do século XX, muitas vezes, só consolidaram esse fenómeno. Construído em contraponto, este artigo considerará uma história paradoxal da fotografia, considerando-a não pela sua presença, mas precisamente pela sua ausência. Num trabalho histórico apoiado por fontes fotográficas e escritas, que se estendem entre 1870 e 1910, esta contribuição incide sobre a fotografia como ausência, como desaparecimento e como apagamento. Esta história concentra-se em vários fenómenos essenciais que caracterizam a (não) produção de imagens fotográficas dos mundos sociais africanos na época da expansão colonial. Trata.se, em primeiro lugar, de abordar a questão essencial da destruição material de fotografias antigas de África. Por uma multiplicidade de razões, uma parte do que foi fotografado já se perdeu, ou está em risco de desaparecer. Um dos maiores efeitos deste processo consistiu, durante muito tempo, num duplo apagamento dos pioneiros africanos da fotografia, mal ou pouco representados nos arquivos institucionais, tendo sofrido um limitado investimento historiográfico, cuja história, em muitos casos, está ainda por escrever. Num segundo momento abordar-se á a questão da recusa em posar e da eventual recusa em tirar fotografias. Serão observados vários vestígios esparsos destes aspectos da fotografia. O problema da autocensura e do carácter muito fechado da circulação de algumas imagens, nomeadamente as que ameaçavam a estabilidade das narrativas coloniais, será aqui igualmente estudado. A finalizar, o artigo examinará mais de perto as imagens de Alex J. Braham, um District agent) da Royal Niger Company em Ogugu (sul da Nigéria) no dealbar do século XX. Era um entusiasta da fotografia e o seu álbum pessoal contém várias visualizações de uma cerimónia secreta realizada sem o conhecimento dos participantes, tendo ele conseguido esconder-se num edifício com o seu aparelho. Exemplo de escamoteamento (não da fotografia como imagem, mas do próprio acto de fotografar), o seu gesto é também uma das possíveis manifestações das invisibilidades que participaram em grande parte na formação e na distorção das imagens fotográficas de África.

Introduction

S’il est une caractéristique centrale de la photographie comme document, c’est son caractère invasif sur une page, en une de journal, dans un livre. Elle en impose à l’écrit. L’inflation photographique qui caractérise le début du xxe siècle a encore renforcé la présence du médium au point d’en faire un des véhicules du débat politique, mais aussi des manières de penser les passés qui ont laissé des traces photographiques, même éparses. Le matériau photographique impose une aura parfois écrasante, présentiste et déformante. Il peut être un trop-plein en matière d’écriture de l’histoire, en particulier quand il s’agit d’aborder le passé colonial. Les premiers enregistrements visuels des mondes sociaux africains par la photographie ont eu pour effet de modeler pour longtemps les images d’un continent soumis à un constant déchiffrage par l’extérieur et à un « excès de signes » produits par des cultures visuelles européennes (Hayes et Minkley 2019, 1-2). Les recirculations actuelles des images de la fin du xixe et du début du xxe siècle n’ont souvent fait que consolider ce phénomène. Les technologies numériques ont démultiplié de façon exponentielle ces trajectoires, assignant de nouveaux sens à l’imagerie coloniale et l’offrant à voir à de nouveaux spectateurs. Les images produites donnant souvent chair et écho à des rapports de pouvoir déséquilibrés, la photographie est toutefois encore présentée dans certains ouvrages récents comme une expression unilatérale de domination (Blanchard et al. 2018). Les photographies qui capturèrent les mondes sociaux africains à l’âge de l’expansion coloniale deviennent alors des héritages parfois pesants, voire insurmontables.

À la faveur des avancées exploratoires et coloniales européennes en Afrique, des premières collectes photographiques de visages, de paysages, d’objets, de monuments et d’animaux s’opèrent dans la seconde moitié du xixe siècle et au début du xxe siècle, concurremment à une intensification sans précédent de l’expansionnisme européen sur le continent. Elle est très largement l’œuvre de photographes occidentaux, du moins avant les années 1890. De ce fait, les usages de la photographie en situations coloniales sont en général envisagés selon un modèle diffusionniste, voire comme une incursion ou une invasion (Oguibe 1996). Trop souvent pensée comme une pure technologie plutôt que comme un processus sociotechnique, la photographie est racontée dès ses débuts comme l’avènement mécanique et inéluctable d’un instrument. Cela est particulièrement vrai de l’Afrique subsaharienne, à la différence des Indes britanniques, de la Chine ou d’autres espaces soumis à la fois à l’expansionnisme européen et américain et à l’enregistrement par la photographie, mais où les appropriations locales du médium, désormais bien documentées, viennent déranger les grilles d’analyse simplistes (Pinney 2008 ; Ryzova 2015). Les débuts de la photographie en Afrique restent inégalement étudiés, en dépit de la parution de travaux essentiels ces deux dernières décennies (Zaccaria 2001 ; Geary et Pluskota 2003 ; Nimis 2005 ; Anderson et Aronson 2017). De l’Égypte où une multitude de studios locaux se développent très tôt à des espaces caractérisés par des pratiques autochtones du médium plus tardives, une multitude de micro-histoires restent à écrire (Morton et Newbury 2015).

Ces nombreux angles morts sont doublés par une compréhension potentiellement tronquée de ce qu’est la photographie dès ses débuts, c’est-à-dire non pas une image mais une relation sociale qu’inaugure l’acte photographique et qui s’enrichit des circulations de l’objet photographique (Edwards et Hart 2004). À ignorer la variété de ce que peut être la photographie, une riche substance peut être ainsi laissée de côté. L’angle d’approche qui a longtemps dominé les histoires de la photographie dans les espaces sous influence, et qui fait de la photographie une technologie généralement intrusive, éventuellement adoptée au bout d’un temps par certaines populations, n’est bien sûr pas inutile. Mais si les relations photographiques sont souvent marquées par un déséquilibre technique – lui-même souvent reflet de rapports de pouvoir coloniaux –, considérer qu’elles ont pu aussi être fondamentalement autre chose est nécessaire.

L’objet de cet article est de démontrer qu’une des approches possibles de la photographie des mondes africains au tournant du xxe siècle consiste à l’aborder par le biais de ses absences, par l’entrée des images refusées, cachées, disparues ou inexistantes pour les sujets photographiés. Il propose de délimiter les contours d’une histoire en creux en se concentrant sur plusieurs phénomènes essentiels qui caractérisent la (non)production des images photographiques des mondes sociaux africains à l’âge de l’expansion coloniale. Comme l’a montré Ariella Azoulay, il faut penser les « photographies qui n’ont pas été prises », ainsi que l’ensemble des images manquantes, soit parce qu’elles restent difficiles d’accès, impossibles à reproduire pour des raisons légales ou simplement ignorées des circuits de la mise en archive (Azoulay 2010). Construit en contrepoint, cet article vise précisément à interroger cette « matière noire » qui entoure l’acte photographique, du (non)événement de la prise de vue aux circulations des images, sans laquelle la formation des cultures visuelles nées de la fin du xixe siècle et du début du xxe siècle ne peut se comprendre dans son détail. Il s’agit ici de dresser les contours d’une histoire paradoxale de la photographie en la considérant non pas comme présence, mais comme absence.

Est-il légitime d’aborder cette question à l’échelle de l’Afrique en une réplique potentielle des poncifs visuels coloniaux de la fin du xixe siècle ? Entre l’Afrique orientale dont des recherches récentes ont permis d’étudier les rapports à l’arrivée de la photographie (Palma 2005 ; Sohier 2020) et l’Afrique centrale par exemple, les contextes varient considérablement. Entre portraitistes professionnels locaux ou étrangers, fixes ou itinérants, voyageurs amateurs ou soldats européens, la pratique de la photographie en Afrique au tournant du xxe siècle pouvait prendre des formes diverses, apparemment impossibles à appréhender comme un ensemble homogène. Aborder l’histoire de la photographie à la grande échelle de l’étude locale ou régionale ne soulève toutefois pas moins de problèmes méthodologiques qu’une approche englobante, à petite échelle. La granularité d’une étude régionale ne permet par exemple pas toujours d’observer à quel point les personnes et les lieux n’étaient pas déconnectés les uns des autres en matière de photographie. De nombreux pionniers africains du médium furent formés par des missionnaires avant de former à leur tour des apprentis. Il arrivait au colon européen de fréquenter un studio local (Rajaonarison 2010). Un photographe né et formé à Lagos pouvait finir par travailler à Boma, à l’instar d’Herzekiah Andrew Shanu (1858-1905 ; voir Fall 2001, 13-16). Plus imbriqué dans ses histoires photographiques que ne le suggèrent les approches régionales, le continent offre ainsi une réelle spécificité dans l’histoire des usages sociaux de la photographie dans le monde pour la période étudiée ici. À la différence de l’Asie ou des Amériques où l’on observe des appropriations locales du médium dès les années 1840, l’arrivée de la photographie en Afrique se déroule dans un contexte profondément marqué par l’expansion impériale et coloniale européenne. Cette situation a provoqué une conjonction de facteurs qui a favorisé des mécanismes d’effacement. Le trop-plein visuel créé par un enregistrement photographique initial essentiellement exogène au continent s’est transformé au fil du temps en une surabondance de fonds d’images souvent conservés en Europe et aux États-Unis. Leur masse et leur disponibilité ont en partie déterminé les écritures de l’histoire du continent et leurs mises en scène visuelles, au point de détourner l’attention de « l’empreinte négative de l’archive » (Edwards 2014, 172) et de ses creux. L’échelle continentale permet en outre de mieux visualiser les interactions nombreuses entre la photographie africaine et les cultures de l’image qui circulent dans l’océan Indien ou au sein des cultures visuelles transatlantiques qui relient le Brésil, l’Afrique de l’Ouest et l’Europe dès le xixe siècle (Schneider 2018), à l’écart des binarités coloniales.

Cet article propose donc d’adopter une large focale tout en proposant plusieurs cas d’études significatifs d’évidentes spécificités locales. Il s’appuie sur des sources photographiques et écrites datées des années 1870 à 1910. Il s’agit en effet de considérer la photographie non pas comme un matériau visuel pur, mais comme une « image-texte » (Mitchell 1995, 89), c’est-à-dire un élément indissociable d’une plus vaste constellation de sources textuelles ou orales (ces dernières ne seront pas directement abordées ici pour des raisons de format). Les exemples en partie inédits qui ponctuent cet article ont été identifiés à partir d’un travail d’agrégation de fonds relatifs à la période concernée réalisé pour deux projets de recherche en histoire de la photographie (pour le détail des archives couvertes, voir Foliard 2020 ; Foliard, Jaillant et Schuh 2022).

Ce travail abordera en premier lieu la question essentielle de la disparition des traces photographiques anciennes de l’Afrique. Toute une partie de ce qui a été photographié est désormais perdue ou en voie de l’être. L’un des effets majeurs de ce processus a longtemps consisté en l’absence des pionniers africains du récit global de l’histoire de la photographie. Dans un second temps, c’est la question de la soustraction au regard et à l’objectif qui sera évoquée, c’est-à-dire à la fois les « contestations de la visibilité » (Behrend 2013), mais aussi le refus de montrer des photographies qui seront abordés. Plusieurs traces éparses de ces contournements de la photographie seront observées. Le problème de l’autocensure et du caractère très fermé de la circulation de certaines images, notamment celles menaçant la stabilité des récits coloniaux, sera lui aussi étudié dans cette seconde approche. Pour finir, l’article abordera l’invisibilisation de l’acte photographique lui-même à travers une étude du phénomène des prises de vues volées pour en questionner la genèse et en nuancer l’existence concrète pour les populations photographiées. Ce travail se penche notamment sur des photographies réalisées par Alex J. Braham. District agent à Ogugu (sud du Nigéria) pour la Royal Niger Company au tournant du xxe siècle, son album personnel contient plusieurs vues d’une cérémonie secrète réalisée à l’insu des participants alors qu’il avait réussi à se cacher avec son appareil. Exemple d’escamotage (non de la photographie comme image mais de l’acte photographique lui-même), son geste est l’une des manifestations possibles de ces disparitions qui ont largement participé à former et à déformer les imageries photographiques de l’Afrique. S’ils sont à distinguer dans leur détail, destructions, disparitions, invisibilités et hors-champ ne relèvent pas de phénomènes fondamentalement différents d’un strict point de vue méthodologique. Ils constituent une masse négative qu’il faut constamment garder à l’esprit. Ces formes de soustraction sont le reflet inversé de ce qu’est la photographie, addition à somme instable d’un sujet photographié, d’un acte photographique et d’un regard sur le produit de cette rencontre.

La bibliothèque brûle

On en sait de plus en plus sur le travail des pionniers africains de la photographie (Haney 2010). Des travaux et expositions récents ont ainsi mis en lumière le rôle du studio Lutterodt basé à Accra par exemple1. Mais bien des découvertes restent à faire en matière de production autochtone de photographie, comme l’illustre l’irruption inattendue d’un certain « Monsr. Bruce Photographe » au détour des albums privés de Georges Thomann, récemment donnés au musée du Quai Branly (fig. 1). Celui-ci comprend des photographies prises en Afrique entre 1893 et 1925, où Thomann mène une carrière d’administrateur colonial. Il fonde en particulier le cercle de Sassandra en Côte d’Ivoire. Avide praticien de la photographie, il multiplie les portraits de notabilités locales qu’il croise. Cette photographie et l’album qui l’inclut s’inscrivent donc dans le contexte de la création de la colonie ivoirienne, au moment où l’expansion impériale française et britannique en Afrique de l’Ouest dessine les contours des souverainetés coloniales. La nouvelle colonie est voisine du Liberia où la photographie s’est très tôt diffusée. Monsieur Bruce est alors probablement installé à Grand-Bassam, au milieu des années 1890. Son nom apparaît dans les carnets de Georges Thomann qui le décrit comme un « mulâtre employé du câble sous-marin » qui le photographie en compagnie d’Aya, une captive envoyée « comme cadeau » à l’administrateur par un chef sénoufo (Thomann, Thomann et Wondji 1999, 147). Pratique-t-il la photographie commerciale en plus de son activité principale ? Entretient-il un lien avec le Liberia voisin où la photographie est pratiquée dès l’âge du daguerréotype par l’afro-américain Augustus Washington (Smith 2017) ? Son nom est-il à ajouter à la liste des pionniers africains de la photographie ? Le cas de « Monsr. Bruce » est à l’image de celui de nombreux autres photographes africains de la fin du xixe siècle.


Figure 1. Georges Thomann, « Monsr. Bruce photographe »

Figure 1. Georges Thomann, « Monsr. Bruce photographe »

Années 1890, tirage sur papier albuminé collé en plein sur planche numérotée au crayon, 5,5 x 7 cm. In Thomann (1880-1925*)2.

Musée du Quai Branly. Numéro d’inventaire : PA000589.25.
En ligne : https://www.quaibranly.fr/fr/explorer-les-collections/base/Work/action/show/notice/1048884-monsieur-bruce-photographe/page/1/. Photo © RMN-Grand Palais/Thomann.

De puissants effets d’archives rendent la reconstitution des parcours souvent difficile. Généralement absents des documents écrits conservés par les puissances coloniales, certains praticiens locaux de la photographie ne sont connus que par leur production et de rares mentions éparses. Le type de creux dans l’archive illustré par le portrait de M. Bruce est loin d’être rare. Une photographie insérée dans un album acheté en 1995 (Ghana Photographs 1885-1910*) et conservé au National Museum of African Art (Washington) montre ainsi un photographe avec son appareil sur trépied dans un cliché lui-même probablement réalisé par un photographe local non identifié (fig. 2). Dans cette mise en abyme, ce sont donc les existences de deux praticiens locaux du médium qui sont documentés sans être nommés. L’image est tirée d’un album anonyme compilant des photographies de l’actuel Ghana réalisées au tout début du xxe siècle. Trace possible d’une photographie itinérante autochtone, elle reflète le dynamisme de la production photographique autochtone sur en Afrique de l’Ouest, comme en témoigne l’activité du studio de Jacob Vitta à Tarkwa dans les années 19003 (Geary 2018, 20). La phase coloniale de conquête militaire la plus intense des années 1890 semble alors laisser la place, au moins dans les discours officiels, à ce que les Français appellent « mise en valeur » et les Britanniques « développement », tandis qu’un marché photographique s’installe à la faveur de l’expansion d’une clientèle européenne et africaine, allant jusqu’à permettre à un photographe comme Francis W. Joaque d’obtenir une reconnaissance internationale à l’exposition universelle de Paris de 1889 (voir par exemple Joaque 1887*).


Figure 2.-Anonyme, « Ashanti Rd. C.C. »

Figure 2.-Anonyme, « Ashanti Rd. C.C. »

Tirage argentique inséré dans un album, 13,5 x 19,5 cm, env. 1910. In Ghana Photographs (1889-1910*).

Numéro d’inventaire : EEPA 1995-180064 (sous le titre : « Street Scene with African Photographer »). Eliot Elisofon Photographic Archives. Washington, D.C. : National Museum of African Art.
Dans le catalogue en ligne des Smithsonian Online Virtual Archives : https://sova.si.edu/details/EEPA.1995-018?#ref571.

Bien souvent, les parcours ne peuvent être que partiellement reconstruits. C’est le cas pour Neils Walwin Holm, qui exerce à Lagos et participe en 1900 au sommet panafricain de Londres (Gbadegesin 2014). Quant à Jonathan Adagogo Green, il est essentiellement connu par sa production visuelle4 (Anderson, et Aronson 2017, 86-87). Miss Tejumade Sapara-Johnson et Miss Carrie Lumpkin, deux pionnières installées à Lagos au début du xxe siècle, sont, elles aussi, connues par le biais de quelques références (Gore 20155). De sorte que, en Afrique de l’Ouest où les studios prospèrent très tôt comme dans d’autres espaces, les effacements et les sous-estimations des usages et des circulations locales de la photographie sont inévitables. On sait par ailleurs que la photographie joue parfois un rôle diplomatique, les officiers et administrateurs coloniaux n’hésitant pas à donner leurs portraits ou à offrir des tirages célébrant une rencontre ou une discussion. Il semble par exemple qu’Ahmadou Tall ait possédé un album qui fut retrouvé dans l’un de ses résidences par les conquérants français au début des années 1890. Toffa, roi de Porto Novo et allié des Français, avait quant à lui un photographe officiel, peut-être un des photographes créoles installés dans la région. Il pouvait ainsi échanger des portraits avec ses interlocuteurs européens en un réseau complexe d’échanges de photographies (fig. 3). L’écheveau de ces dons et contre-dons en images comme les utilisations et réappropriations de la photographie par les pouvoirs africains au xixe siècle sont souvent inégalement documentés (Sohier 2020 ; Bruzzi 2018). Les traces conservées sont souvent celles produites par les acteurs européens ce qui provoque un déséquilibre potentiel des écritures des histoires de la photographie.

Figure 3 : Anonyme, « S.M. Toffa, roi de Porto Novo, Dahomey 1893 »

Figure 3 : Anonyme, « S.M. Toffa, roi de Porto Novo, Dahomey 1893 »

Tirage argentique. In Souvenirs du Dahomey, vol. 1 (1893‑1895*).

Cet inexorable phénomène de déperdition documentaire ne caractérise pas seulement les traces des habitations autochtones de la photographie dans les mondes africains. Plusieurs facteurs ont aussi favorisé la disparition de pans de l’imagerie produite par les praticiens occidentaux du médium à l’âge de l’expansion coloniale. À bien observer la bibliothèque photographique coloniale (Mudimbe 1988), pourtant souvent présentée comme pléthorique et systématique dans sa taxonomie visuelle des mondes conquis, c’est une flagrante déperdition d’information qui frappe l’observateur. Comme l’a noté Patricia Hayes, l’accumulation même de dizaines de milliers d’images très répétitives par les administrations coloniales et les institutions scientifiques produit de fait une litanie de « photographies vides », presque usantes tant leur circularité les plonge dans l’insignifiance (Hayes 2019, 60-61). Si cela est particulièrement vrai aujourd’hui, cette analyse peut aussi valoir pour la période coloniale où le caractère opératoire de certaines collections savamment rangées et aussitôt oubliées ne semble pas évident. Il existe par ailleurs un différentiel considérable entre ce que l’on peut mesurer des réalités de la collecte photographique par le biais des sources écrites et ce qu’il reste concrètement de matière photographique conservée dans les archives. Les supports les plus populaires de la fin du xixe siècle, à l’instar des plaques stéréoscopiques Lumière ou des plaques pour projection, sont d’une fragilité réelle. Nombre de ces objets ont tout simplement été brisés ou abîmés. Le phénomène n’a rien d’exceptionnel. Les archives sont par nature incomplètes et l’érosion des traces inévitable. Mais dans certains cas, ce sont des séries majeures dont on perd la trace. Le Centre d’histoire et d’études des troupes d’outre-mer (Fréjus) conserve par exemple deux boîtes contenant des plaques réalisées lors de la mission Gentil-Robillot vers le lac Tchad entre 1899 et 1901 (anon. 1899*). Ces photographies documentent des événements dont on pense parfois qu’ils sont invisibles. Deux plaques montrent les survivants de la colonne Voulet-Chanoine6. Or, la numérotation de ces images laisse supposer l’existence d’un ensemble beaucoup plus vaste, désormais dispersé ou perdu. Le contrôle des images improvisé par le commandement britannique lors de la seconde guerre des Boers, encore au stade amateur, provoque quant à lui l’exposition inopinée de biens des films Kodak à la lumière, imprudemment sortis de leur contenant protecteur par des censeurs zélés, au grand regret de la première génération de photoreporters (McCrachen 2015). En somme, ce qui reste des premières décennies des enregistrements photographiques des mondes africains n’est sans doute qu’une part limitée de la production originale.

Plus encore que les photographies créées par les acteurs européens à l’époque, la production locale n’a peu ou pas bénéficié d’une patrimonialisation systématisée. Les usages mêmes de la photographie en tant qu’objet expliquent, dans bien des cas, comment les compréhensions locales du médium peuvent favoriser la disparition des images. Un portrait maintes fois regardé, montré et plié au fond d’une poche ne peut avoir le même destin qu’un tirage soigneusement conservé dans un album de famille. Plusieurs exemples des images-objets portent les traces d’une utilisation qui les voue à une transformation, voire à une disparition, comme l’illustrent par exemple les travaux de J. Bajorek (Bajorek 2020). Quand elles sont intégrées à des collections, les photographies africaines anciennes, sont « dispersées sur plusieurs continents », comme l’a souligné John Peffer (Peffer et Cameron 2013, 11). S’il est évident que la situation de la gestion des collections iconographiques varie considérablement sur le continent comme partout ailleurs dans le monde, le coût de la conservation des fonds photographiques anciens rend par ailleurs leur archivage, leur numérisation et leur exploitation souvent difficiles par certains États africains. Cela favorise parfois la dégradation de certains tirages ou leur disparition effective du fait de leur inaccessibilité (Coll et al. 2012 ; Nur Goni 2014). Et, si l’on observe un intérêt croissant pour cette documentation en images par des institutions muséales ces dernières années, des effets adverses sont à souligner. Ce sont massivement des acheteurs européens ou nord-américains qui collectent les traces de ces histoires de la photographie locale en Afrique, au point de déplacer ces objets hors de leurs lieux de production originelle, au risque de les faire concrètement disparaître pour un public local (Micheli 2012). Les conséquences de ce point de vue sont tout aussi lourdes sur les modalités de l’écriture des histoires de la photographie en Afrique qui reste encore trop largement entre les mains de chercheurs et de chercheuses établis en Europe et en Amérique du Nord même si – les références bibliographiques du présent article en témoignent – cette situation évolue désormais rapidement.

De nombreuses initiatives de restitutions numériques ou sous la forme d’événements culturels permettent depuis quelques années de contrecarrer les effets de ces dispersions et évaporations successives. L’exposition « Lights and Shadows: Insights in the Photographic Heritage of Lij Iyasu (1898-1935) » organisée en 2009-2010 au Musée national d’Addis-Abeba à l’occasion du centenaire de la nomination au trône de Iyasu en offre un exemple (Sohier 2011). Le projet [Re:]Entanglements qui aborde les archives de Northcote W. Thomas, un anthropologue parti étudier le Nigéria et le Sierra Leone entre 1909 et 1915, en est une autre illustration. Ses photographies prises en contexte colonial ont ainsi été exposées pour les soumettre à des réinterprétations contemporaines, en Afrique de l’Ouest comme en Grande-Bretagne (Basu 2021). Plutôt que d’être laissées dans la relative invisibilité que leur offraient les réserves des institutions qui conservent les archives Northcote W. Thomas, les images ont retrouvé de nouvelles vies. Les réapparitions récentes de ces photographies dans les institutions des anciennes puissances coloniales ou à proximité des lieux représentés s’accompagnent inévitablement de re-significations. Comme l’a noté George Agbo à propos des appropriations des photographies de N.W. Thomas au Nigéria, les enregistrements inégaux des uns et des autres par un représentant du pouvoir colonial britannique au début du xxe siècle ont provoqué des effets contrastés plus d’un siècle après (Agbo 2021). Alors que certaines des photographies anciennes de la collection ont été réactivées et intégrées dans des albums pour illustrer certaines histoires familiales, les descendants de groupes et de dirigeants absents de cette archive semblent avoir regretté de ne pouvoir documenter le passé de façon égale. L’économie des apparitions et des disparitions provoquées par l’enregistrement photographique à l’époque coloniale est ainsi particulièrement instable.

Les effacements liés aux effets d’archives, eux-mêmes reflets de structure inégale de pouvoirs au fil du temps, ne sont qu’un des aspects de l’histoire en creux de la photographie des mondes africains que cet article veut esquisser. La disparition des images qui ont existé doit être considérée en parallèle de la masse des photographies refusées ou jamais prises.

Se cacher de l’image, images cachées

Le préambule de cet article l’a réaffirmé : la photographie est une relation. Les histoires possibles que l’on peut reconstituer avec un tel médium doivent inclure celles des sujets photographiés, qui acceptent, ou non, de se laisser prendre en photographie. Elles ne sauraient pas plus ignorer les spectateurs potentiels des images produites, prêts à leur assigner de nouvelles significations au gré de contextes culturels et sociaux toujours changeants. Dans cette seconde partie, ce sont précisément ces deux composants de l’interaction photographique qui sont évoqués, mais pour les évoquer en négatif et observer de plus près les refus de montrer ou de se montrer comme des éléments à part entière d’histoires par et de la photographie (Nimis et Nur Goni 2018, 284-285).

Le refus et la crainte de la photographie par ses sujets est au cœur de bien des récits coloniaux. Cultiver le cliché de populations entières supposément terrifiées par la machine à images est un élément récurrent des récits d’exploration et de conquête (Strother 2013). Les situations de photographies contraintes, où des prisonniers posent par exemple devant l’objectif, sont aussi bien connues (Rushohora et Kurmann 2018). Moins d’attention est parfois portée aux situations intermédiaires, aux traces éparses d’une confrontation photographique avortée du fait des personnes captées par l’objectif. Ces événements inaboutis sont pourtant la trace d’interactions avec des groupes qui sont parfaitement conscients de ce qui se joue et décident volontairement de disparaître du cadre. On trouve des images frappantes de ce point de vue dans un album de régiment compilé pour commémorer la seconde guerre des Boers (fig. 4) et conservé à la Wellcome Collection (Londres). Deux clichés, probablement réalisés avec un petit appareil portable à bas coût – à l’instar du Kodak Brownie, très populaire auprès des troupes britanniques – montrent deux aspects de la négociation photographique qui peut se jouer au moment d’une prise de vue. La légende du premier indique : « Nous avons dû soudoyer la femme en lui offrant du tabac pour qu’elle nous laisse prendre la photographie », celle de la photographie qui lui fait face indique : « Objecteurs de conscience à la photographie ». D’une part donc, se joue une étape souvent un peu honteuse et invisible pour le photographe en voyage : ce moment où une véritable transaction prédétermine l’image et la rend possible. D’autre part, se réalise une situation tout aussi commune et tout aussi absente de bien des albums : la photographie à qui l’on tourne le dos et que l’on sabote. Écho honnête de ces deux relations mitigées, cet album de régiment sans qualités expose l’ampleur possible des multiples petites résistances à l’enregistrement qui, bien souvent, contrecarrèrent les désirs encyclopédiques des photographes européens face aux mondes africains. Si la violence de la guerre agit certainement de façon déterminante sur cette relation photographique spécifique, il ne faut pas exagérer la facilité avec laquelle les sociétés se seraient prêtées à la pratique du médium, comme l’a démontré Hlonipha Mokoena pour l’Afrique du Sud (Mokoena 2013).


Figure 4. Anonyme, « Kaffir Kraal. The Lady Had to be Bribed with Tobacco to Allow her Photo to be Taken. Bechuanaland » et « Conscientious objectors (to photography) »

Figure 4. Anonyme, « Kaffir Kraal. The Lady Had to be Bribed with Tobacco to Allow her Photo to be Taken. Bechuanaland » et « Conscientious objectors (to photography) »

Album of photographs of the 14th Brigade (Lincoln Regiment) Field Hospital in the Boer War (1899-1901*), p. 17. https://wellcomecollection.org/works/j4hs98ha/items?canvas=16 [archive].

Londres : Wellcome Collection, numéro d’inventaire : RAMC/1612.
En ligne : https://wellcomecollection.org/works/j4hs98ha.
CC BY-NC 4.0

Est-il possible d’imaginer une cartographie de ces refus et de ces attitudes de contournement ? Entre le Maroc, où la défiance envers la photographie est souvent clairement exprimée à l’époque, et « l’expérience yoruba », les contrastes sont flagrants mais leur détail difficile à saisir en l’état de la documentation (Perrier 2021 ; Nimis 2005). En fonction des contextes, ces formes de refus très conscients ont pu prendre des proportions considérables, favorisant l’inscription dans les archives photographiques de certains groupes et individus tandis que d’autres en sont virtuellement absents, ce qui n’est pas sans conséquence sur les modalités de réappropriations contemporaines de l’héritage visuel de la fin du xixe et du début du xxe siècle (Werner 2002). En observant cette documentation photographique, il est tout aussi essentiel de s’intéresser au refuge de l’hors-champ où il est toujours possible de s’abriter, de penser aux spectateurs réunis derrière l’appareil qu’on a soigneusement placé, de penser plus amplement l’acte photographique et son public potentiel, disparu parfois volontairement, mais lui aussi partie prenante de ce qui se joue autour de l’image.

Le refus de la photographie par les populations locales peut aussi être celui de lui donner une quelconque valeur d’attestation, simplement parce qu’elle ne possède pas de fonctionnalité aux yeux d’un groupe donné. Un des stéréotypes les plus établis en matière de photographie serait que celle-ci posséderait une lisibilité naturelle, en somme qu’elle aurait été dès les premières décennies de son histoire un document universellement compréhensible. Cette promesse semble comme inscrite dans son invention en Europe. Immédiate, facile, démocratique : l’image photographique est très tôt pensée comme une synecdoque de la modernité industrielle. Or le monde a dû apprendre à lire ces images au fil des décennies. Au xxie siècle, leur ubiquité ne soulève plus ou peu de difficultés, mais les photographies n’avaient rien d’évident pour bien des êtres humains à la fin du xixe siècle. Ils ont dû apprendre à les lire. Dans certains cas les pouvoirs supposés du médium lui ont donc été déniés par des spectateurs autochtones indifférents ou peu soucieux de l’intégrer à leurs discussions. L’un des cas les plus frappants de cette dénégation de la photographie est la réaction de la famille de Bhambatha kaMancinza, tué par des troupes coloniales encadrées par des officiers impériaux britanniques en juin 1906, lors de la bataille des gorges de la Mome qui met un terme sanglant à la rébellion du chef zoulou. Décapité, sa tête est exposée et prise en photographie pour attester de sa mort auprès des populations locales. Une partie de sa famille, niant l’attestation photographique, affirme par la suite que Bhambatha est en fait bien en vie et en fuite (Binns 1968, 279).

Il faut, en plus des images dont on se cache, intégrer celles que l’on cache à une discussion sur la photographie comme absence. C’est particulièrement vrai de certaines vues réalisées lors de la phase la plus soutenue d’expansion coloniale. Elle se produit à un moment où l’appareillage photographique devient relativement accessible, y compris pour des sous-officiers coloniaux. Une masse considérable d’images amateurs est ainsi réalisée à partir des années 1890. Les régimes de mémoire qui caractérisent les cercles professionnels, familiaux et amicaux des individus impliqués dans la colonisation laissent ainsi peu à peu une large part à la photographie comme outil de cristallisation des récits et des expériences. Si une large majorité de ces clichés consiste en des images très répétitives et codées, certaines peuvent donner une visibilité inédite à des angles de l’expérience coloniale que les participants ont pu vouloir cacher ou garder pour un réseau fermé de spectateurs. Certains albums, jamais destinés à une circulation publique, documentent l’existence des « captives » prises à l’occasion de la conquête et qui servent des officiers français. Au détour de légendes suggestives, on comprend que certaines sont aussi des compagnes, comme la très jeune Fatimata, surnommée « Mlle Bonéné » dans les légendes manuscrites, dont plusieurs portraits (1894) se trouvent dans le fonds privé d’un sous-officier français envoyé dans le Soudan français au milieu des années 1890 (Abbat 1894-1896*, photographies n° 119 et 120). Et rares sont ceux qui, à l’instar de Georges Thomann mentionné plus haut, montrent les photographies de leurs enfants métis en France métropolitaine et assument leur existence. L’administrateur colonial conserve en effet plusieurs portraits photographiques de sa fille Louise dont il ne cache pas l’existence à sa famille en France. L’autocensure et la discrétion permettent aussi de conserver sans trop de spectateurs d’autres photographies, potentiellement encore plus scandaleuses. En un reflet de situations coloniales où les rapports aux corps vivants et morts sont déterminés par de puissantes dynamiques raciales, l’appareil fut parfois utilisé comme un outil de violence « extra-létale », pour reprendre le concept développé par Lee Ann Fujii (2013). Photographies-trophées, exécutions photographiées durant lesquelles la présence de l’objectif devait être évidente pour les condamnés : certaines images sont visiblement des actions de transgressions volontaires, des outils d’une mise en scène qui se surajoutent à la violence physique au sens strict. Elles ne passent le filtre d’autocensures puissantes que dans des situations où l’hubris colonial est intense.

Le photographe disparaît : à propos des images volées

Un nouveau détour vers les albums de Georges Thomann révèle l’existence d’une série de photographies sur une cérémonie qu’il saisit en 1902 lors de sa mission vers Séguéla en Côte d’Ivoire (Thomann 1903a). À bien les observer, elles semblent être prises à l’insu des participants dont aucun ne paraît prendre conscience de la présence de l’objectif (fig. 5). S’il est difficile de s’assurer si ce sont bien des images volées – la cérémonie était ouverte aux Européens de passage dans ce cas précis –, une incompréhension locale de ce que pouvait être un appareil photographique a pu faciliter le travail de Thomann. Cette photographie et d’autres sont reproduites en 1903 dans le Journal des Voyages, afin d’illustrer un article de la main de l’administrateur français (Thomann 1903b, 352). Quelle qu’ait été la situation au moment de l’événement photographique lui-même, la recirculation de ces clichés en photogravure s’inscrit dans le motif récurrent à l’époque du dévoilement photographique de cérémonies religieuses supposément exotiques et mystérieuses. Le phénomène, loin de ne concerner que l’Afrique, est général. Deux photographies de George Wharton James montrent ainsi en deux temps la réaction des membres de l’équipe du gouverneur Eusebio à Acoma (Nouveau-Mexique) qui refusent l’image, lassés par des années d’exposition à des photographes intrusifs, attirés dans la région par l’espoir de photographier des cérémonies comme la danse du serpent (Barthe 2019, 26-27).

Figure 5 : Georges Thomann (1872-1943), « La cérémonie du fétiche (Guézréblé) »

Figure 5 : Georges Thomann (1872-1943), « La cérémonie du fétiche (Guézréblé) »

Date : 3 février 1902. Tirage aristotype, 12,5 x 17,5 cm. In Thomann (1902*).

Musée du Quai Branly. Numéro d’inventaire : PA000593.11.
En ligne : https://www.quaibranly.fr/fr/explorer-les-collections/base/Work/action/show/notice/1049965-la-ceremonie-du-fetiche-guezreble.
Photo © RMN-Grand Palais/Thomann.

Afin de mieux saisir les sens possibles de ces incursions photographiques, on propose d’aborder de nouveau les archives d’Alex Braham, déjà abordées par Andrew Apter il y a quelques années et conservées à la Bodleian Library à Oxford (Apter 2002). Alex Braham rejoint la Royal Niger Company en 1898. District agent à Ogugu, Braham possède un appareil photographique qu’il utilise régulièrement. Explorateur et ethnographe amateur à ses heures, il produit ainsi sa propre archive visuelle personnelle en une ego-archive typique des pratiques des agents coloniaux en un moment de consolidation du pouvoir britannique sur la région. Elle prend la forme d’un album de plusieurs dizaines de vues intitulé A Pictorial Episode in the Life of Alex J. Braham 1898-1902, with two contrasts (Braham ca1902*). Chaque photographie s’y trouve accompagnée de longs commentaires explicatifs. Au cours de ses pérégrinations, anticipant la tenue d’une cérémonie secrète dans un village igbo, Alex Braham ne va pas hésiter à installer son appareil à l’intérieur d’une tente pour ensuite positionner l’objectif dans une ouverture dans la toile. Cet escamotage ethnographique tient d’un véritable espionnage. Ainsi caché et aidé d’un assistant formé à manipuler les plaques négatives, Braham subtilise plusieurs images en quelques minutes. Heureux de son succès, il en fait un récit détaillé et manuscrit directement dans son album, sous les photographies volées. Comme le souligne Apter, on atteint avec ce type d’exemple le comble d’une violence photographique qui vient faire écho aux pratiques de la Royal Niger Company, qui détruit alors une partie des objets de cultes qui tombent entre ses mains. La profanation et la captation photographique s’inscrivent ici dans une continuité avec des pratiques coloniales de collecte, de translocation voire d’anéantissement d’artefacts autochtones.

Une « violence optique et coloniale » (Apter 2002, 566) est matérialisée par ces clichés mais que dit-elle des rapports de force à l’œuvre ? Ce discours visuel colonial est-il aussi opérant que ne le laisse supposer le caractère spectaculaire du passepasse photographique pensé par Braham ? Car au fond, la question centrale reste de savoir qui a vu ces photographies. Collées dans l’album de Braham, elles n’ont pas circulé au-delà d’un cercle très limité. Les populations visées n’ont jamais vu les images, ni appris leur existence. Il ne s’agit pas en soulignant ce point de sous-estimer ce qu’il y a d’invasif et de moralement insupportable dans toute image volée. Il s’agit simplement de souligner l’importance d’observer les circulations locales des photographies coloniales. Réceptacles des imaginaires des Occidentaux impliqués dans l’expansionnisme européen, elles n’ont pas forcément toujours été des véhicules de leur pouvoir sur site. Dans le cas d’Alex Braham, elles sont restées cachées d’un potentiel public igbo, comme son appareil. En l’espèce, elles n’ont pas disparu : elles ne sont simplement pas apparues du tout. Prendre la photographie comme source sur les mondes africains implique donc aussi de s’interroger sur la réalité de ces circulations locales, très complexes à évaluer pour des périodes anciennes. Les discours portés et nourris par les photographies de la fin du xixe et du début du xxe siècle ne sont parfois restés que cela, des constructions culturelles sur les espaces explorés et les populations colonisées plus que les instruments concrets d’une domination.

Conclusion

Le matériau photographique produit lors des premières décennies du medium dans les mondes africains est riche de ses présences comme de ses absences, ces dernières étant certainement plus révélatrices que les premières en l’espèce. Les unes ne peuvent se comprendre sans les autres, au risque de sursignifier ces objets « enchevêtrés » dans une multitude de contextes et d’usages (Edwards 2006). Seule une lecture contrapuntique peut en tirer la réelle richesse documentaire. Toutefois, aussi attentif qu’il puisse être, ce déchiffrage sera à son tour inévitablement réécrit, écarté et transformé tant l’instabilité de cette matière d’images est grande. Comme le montrent plusieurs exemples de circulations des photographies produites pendant la période coloniale, les supports visuels peuvent devenir l’un des véhicules essentiels de constructions mémorielles et historiques en constante transformation. Cela est particulièrement vrai des circulations croissantes de photographies anciennes numérisées, devenues parfois sur les réseaux sociaux de véritables sites de reconfiguration du passé. Ce basculement n’annonce pas la moindre des disparitions possibles : celle provoquée par la relative obsolescence de la relation tangible entre les individus et les morceaux de papier longtemps appelés photographies. Ainsi déterminées par de puissants mécanismes, les absences de l’archive photographique peuvent néanmoins devenir de pleins objets d’études plutôt que des pertes de sens grâce à la présence collective, collaborative et transnationale d’une recherche dynamique sur le médium.

1 Un exemple en ligne, sur le site du Met (Metropolitan Museum of Art de New York) : Albert George Lutterodt et George A. G. Lutterodt. ca. 1880-1885

2 Les astérisques renvoient à la section « Albums et collections photographiques cités » des références de fin d’article.

3 On peut voir une carte postale réalisée par Jacob Vitta en ligne dans les collections du Museum of Fine Arts, Boston : Jacob Vitta. ca 1907. « 

4 Des photographies attribuées à J. A. Green sont présentes dans la Jones Collection, conservée aux Bristol Archives, et visibles en ligne (

5 Aucune photographie de Tejumade Sapara-Johnson ou de Carrie Lumpkin n’ont été identifiées à cette date. La première est connue par le biais de

6 La mission Voulet-Chanoine est une expédition militaire française menée en 1898-1899 dans la région de l’actuel Niger. Elle représente un cas de

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Album of photographs of the 14th Brigade (Lincoln Regiment) Field Hospital in the Boer War. 1899-1901. Londres : Wellcome Collection. Numéro d’inventaire : RAMC/1612. Fait partie de : « Royal Army Medical Corps Muniments Collection ». En ligne : https://wellcomecollection.org/works/j4hs98ha/items.

[Anonyme]. 1899-1901. « Plaques de verre positives rangées dans des boîtes portant une plaque indiquant “Mission Gentil-Robillot, 1899-1901, Projections du centre-africain-Chari” ». Fréjus : Centre d’histoire et d’études des troupes d’outre-mer (CHETOM). Numéro d’inventaire : ICONO 9.

Braham, Alex J. ca1902. A Pictorial Episode in the Life of Alex J. Braham 1898-1902, with Two Contrasts. Oxford : Bodleian Libraries. Numéro d’inventaire : GB 161 MSS. Afr. s. 2288. https://archiveshub.jisc.ac.uk/data/gb161-mss.afr.s.2288.

Ghana Photographs. 1889-1910. Eliot Elisofon Photographic Archives. Washington, D.C. : National Museum of African Art. Numéro d’inventaire : EEPA.1995-018. Dans le catalogue en ligne des Smithsonian Online Virtual Archives : https://sova.si.edu/details/EEPA.1995-018. Catalogue en version PDF : https://sirismm.si.edu/EADpdfs/EEPA.1995-018.pdf.

Nigeria Photograph Album. ca 1890-1900. 174 Photographic prints. Eliot Elisofon Photographic Archives. Washington, DC : National Museum of African Art. Numéro d’inventaire : EEPA.2000-003. https://sova.si.edu/record/EEPA.2000-003.

Photographs of Chad, Gold Coast (Ghana), Nigeria, Senegal and Sierra Leone, 1900-c.1925. 1900-1925. 122 loose photographs and postcards. Jones Collection. Bristol : Bristol Archives. Numéro d’inventaire : 03/174/1. https://becc.bristol.gov.uk/records/2003/174/1.

« Jonathan A Green ». N.d. Biographie et 66 photographies de l’auteur. Londres : The British Museum. https://www.britishmuseum.org/collection/term/BIOG133873.

Joaque, Francis W. 1887. [36 phot. du Gabon par Francis W. Joaque. Don N.E. Ballay en 1887]. Paris : Bibliothèque nationale de France. https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b7702092f.

Souvenirs du Dahomey, vol. 1. 1893‑1895. Fonds Petit. Fréjus : Centre d’histoire et d’études des troupes d’outre-mer. Numéro d’inventaire : CHETOM 18 H 100. Contient : Anonyme, « S.M. Toffa, roi de Porto Novo, Dahomey 1893 ». Tirage argentique.

Thomann, Georges. 1880-1925. Sans titre [album de photographies de Georges Thomann]. Album de photographies « A » contenant 89 photographies : des portraits, des paysages, des bâtiments de l’administration coloniale, d'autres établissements commerciaux et une école. Paris : Musée du Quai Branly. Numéro d’inventaire : PA000589. En ligne : https://www.quaibranly.fr/fr/explorer-les-collections/base/Work/action/show/notice/1022740-sans-titre-album-de-photographies-de-georges-thomann.

Thomann, Georges. 1902. Sans titre [album de photographies de Georges Thomann]. Album en toile vert foncé, planches reliées sur onglets en toile numérotées au crayon. Tirages aristotypes mats glissés dans des coins découpés, légendés à l’encre. Paris : Musée du Quai Branly. Numéro d’inventaire : PA000593. En ligne : https://www.quaibranly.fr/fr/explorer-les-collections/base/Work/action/show/notice/1022780-sans-titre-album-de-photographies-de-georges-thomann.

1 Un exemple en ligne, sur le site du Met (Metropolitan Museum of Art de New York) : Albert George Lutterodt et George A. G. Lutterodt. ca. 1880-1885. « Five Men ». https://www.metmuseum.org/art/collection/search/512837 [archive].

2 Les astérisques renvoient à la section « Albums et collections photographiques cités » des références de fin d’article.

3 On peut voir une carte postale réalisée par Jacob Vitta en ligne dans les collections du Museum of Fine Arts, Boston : Jacob Vitta. ca 1907. « Group of Fanti Women », carte postale. Leonard A. Lauder Postcard Archive, Boston Museum of Fine Arts. Numéro d’inventaire : 2012.4544. https://collections.mfa.org/objects/573742.

4 Des photographies attribuées à J. A. Green sont présentes dans la Jones Collection, conservée aux Bristol Archives, et visibles en ligne (Photographs of Chad, Gold Coast (Ghana), Nigeria, Senegal and Sierra Leone, 1900-c.1925*, https://becc.bristol.gov.uk/records/2003/174/1). 66 photographies sont conservées au British Museum (« Jonathan A Green » n.d.*, https://www.britishmuseum.org/collection/term/BIOG133873). Un album de vues de Green est également présent dans les Eliot Elisofon Photographic Archives à Washington, non disponible en ligne (Nigeria Photograph Album ca 1890-1900*).

5 Aucune photographie de Tejumade Sapara-Johnson ou de Carrie Lumpkin n’ont été identifiées à cette date. La première est connue par le biais de listes d’adhérents de la Royal Photographic Society de Lagos, la seconde via les annonces qu’elle fait publier pour son studio dans la presse locale (une telle annonce est reproduite dans Schneider 2022).

6 La mission Voulet-Chanoine est une expédition militaire française menée en 1898-1899 dans la région de l’actuel Niger. Elle représente un cas de violence coloniale extrême du fait des atrocités commises, dont plusieurs massacres de masse de civils.

 Figure 1. Georges Thomann, « Monsr. Bruce photographe »


Figure 1. Georges Thomann, « Monsr. Bruce photographe »

Années 1890, tirage sur papier albuminé collé en plein sur planche numérotée au crayon, 5,5 x 7 cm. In Thomann (1880-1925*)2.

Musée du Quai Branly. Numéro d’inventaire : PA000589.25.
En ligne : https://www.quaibranly.fr/fr/explorer-les-collections/base/Work/action/show/notice/1048884-monsieur-bruce-photographe/page/1/. Photo © RMN-Grand Palais/Thomann.

 Figure 2.-Anonyme, « Ashanti Rd. C.C. »


Figure 2.-Anonyme, « Ashanti Rd. C.C. »

Tirage argentique inséré dans un album, 13,5 x 19,5 cm, env. 1910. In Ghana Photographs (1889-1910*).

Numéro d’inventaire : EEPA 1995-180064 (sous le titre : « Street Scene with African Photographer »). Eliot Elisofon Photographic Archives. Washington, D.C. : National Museum of African Art.
Dans le catalogue en ligne des Smithsonian Online Virtual Archives : https://sova.si.edu/details/EEPA.1995-018?#ref571.

Figure 3 : Anonyme, « S.M. Toffa, roi de Porto Novo, Dahomey 1893 »

Figure 3 : Anonyme, « S.M. Toffa, roi de Porto Novo, Dahomey 1893 »

Tirage argentique. In Souvenirs du Dahomey, vol. 1 (1893‑1895*).

 Figure 4. Anonyme, « Kaffir Kraal. The Lady Had to be Bribed with Tobacco to Allow her Photo to be Taken. Bechuanaland » et « Conscientious objectors (to photography) »


Figure 4. Anonyme, « Kaffir Kraal. The Lady Had to be Bribed with Tobacco to Allow her Photo to be Taken. Bechuanaland » et « Conscientious objectors (to photography) »

Album of photographs of the 14th Brigade (Lincoln Regiment) Field Hospital in the Boer War (1899-1901*), p. 17. https://wellcomecollection.org/works/j4hs98ha/items?canvas=16 [archive].

Londres : Wellcome Collection, numéro d’inventaire : RAMC/1612.
En ligne : https://wellcomecollection.org/works/j4hs98ha.
CC BY-NC 4.0

Figure 5 : Georges Thomann (1872-1943), « La cérémonie du fétiche (Guézréblé) »

Figure 5 : Georges Thomann (1872-1943), « La cérémonie du fétiche (Guézréblé) »

Date : 3 février 1902. Tirage aristotype, 12,5 x 17,5 cm. In Thomann (1902*).

Musée du Quai Branly. Numéro d’inventaire : PA000593.11.
En ligne : https://www.quaibranly.fr/fr/explorer-les-collections/base/Work/action/show/notice/1049965-la-ceremonie-du-fetiche-guezreble.
Photo © RMN-Grand Palais/Thomann.

Daniel Foliard

Laboratoire de recherche sur les cultures anglophones (LARCA), Université Paris-Cité.
https://orcid.org/0000-0001-6400-1801