Données associées à cet article :
« Tableaux des variables des recensements de populations égyptiens, 1882-2017. » https://doi.org/10.34847/nkl.98773264.
Le jeu de données contient 14 tableaux (chacun aux formats ODT et XLS) présentant les variables de population des 14 recensements de la population égyptienne opérés par le CAPMAS (Central Agency for Public Mobilisation and Statistics) entre 1882 et 2017, ainsi qu’un tableau présentant la liste exhaustive des variables de l’ensemble des recensements de 1882 à 2017 (aux formats ODT et CSV).
Ressource numérique liée à cet article :
Cedej-Capmas, application de visualisation des données socio-économiques CAPMAS (Central Agency for public mobilisation and statistics)/ CEDEJ (Centre d'études et de documentation économiques, juridiques et sociales) : https://www.cedejcapmas.org/.
Troisième pays du continent africain après le Nigeria et l’Éthiopie et premier pays d’Afrique du Nord par son poids démographique (97 millions d’habitants en 2017), l’Égypte est l’un des rares pays au sud de la Méditerranée à disposer d’un recensement intégral et régulier de sa population depuis le xixe siècle (Alleaume et Fargues 1998). C’est à l’époque de Méhémet Ali Pasha que l’Égypte effectue le premier comptage de la population, plus précisément en 1846. Elle prend à partir de ce moment un élan moderniste, poursuivie par la présence britannique à partir de la fin du xixe siècle.
Les deux premiers recensements publiés datent de 18821 et 1897. Après cette date, les recensements s’échelonnent quasiment tous les dix ans jusqu’à aujourd’hui : celui de 2017 est le quatorzième. Ils livrent un ensemble précieux d’indicateurs démographiques, sociaux et économiques (sexe, âge, profession, statut économique, niveau d’éducation, etc.). Le niveau de spatialisation des résultats de ces quatorze recensements est d’une constance et d’une finesse remarquables (Denis et Moriconi-Ébrard 1998) : ils recèlent vingt millions de données démographiques et socio-économiques, offrant une collection patrimoniale exceptionnelle de statistiques.
Le programme de recherche en partenariat entre le Centre d’études et de documentation économiques, juridiques et sociales (CEDEJ) et l’agence nationale égyptienne en charge du recensement (le Central Agency for Public Mobilisation and Statistics, CAPMAS) a pour objectif la création d’un portail web interactif en libre accès de cartographie dynamique, archivant en trois langues (français, anglais et arabe) l’intégralité des quatorze recensements égyptiens menés depuis 18822. Il s’agit de proposer aux utilisateurs l’extraction de cartes thématiques personnalisées à toutes les échelles administratives (gouvernorat, canton, village ou quartier), mais aussi des graphiques, des tableaux de données statistiques issues des recensements et des notices historiques sur toutes les entités administratives. À partir du croisement de ces données massives et de leur traitement statistique, des cartes interactives et dynamiques peuvent être créées et des comparaisons diachroniques opérées, grâce à un calcul en temps réel.
L’accès et l’exploitation du corpus de données statistiques égyptiennes ont été longtemps limités et partiels, en raison du contrôle étroit exercé par le CAPMAS. Cette agence égyptienne, créée en 1964, met à disposition sur son site internet3 les deux avant-derniers recensements seulement (1996 et 2006), de surcroît sous une forme statique (tableaux, graphiques, rapport), sans proposer ni requête par mot-clé, ni liaison entre les deux recensements disponibles. Les données des recensements antérieurs (1986, 1976, 1966) sont consignées dans des livres en vente au CAPMAS.
D’autres équipes de recherche interdisciplinaires ont auparavant partagé les données démographiques sur l’Égypte, notamment l’Observatoire démographique de la Méditerranée4 dont le site web5 propose une base de données démographiques et un atlas interactif sur l’ensemble des pays du pourtour méditerranéen, offrant des perspectives de comparaison au sein de la région Méditerranée. Toutefois, ce portail ne propose pas d’accès aux indicateurs socio-économiques contenus dans les recensements égyptiens, livrant seulement les données sur la population et sa structure, tandis que son atlas interactif propose une seule variable (la densité de population) à l’échelle du gouvernorat (mouhafaza) qui incarne le premier maillon administratif, par souci d’harmonisation des données à l’échelle pan-euro-méditerranéenne. En bref, cet outil de cartographie ne se décline pas à l’échelle administrative intermédiaire des cantons égyptiens (markaz/qism) ou à l’échelle plus fine du village ou du quartier urbain (qaria/shiyakha).
Figure 1. Organigramme du découpage administratif de l’Égypte en 2017
Conception : Hala Bayoumi, 2019. Source : Bayoumi et Bennafla (2020).
La plateforme web de cartographie interactive issue du programme CEDEJ-CAPMAS, cedejcapmas.org, est mise en ligne depuis 2019. Il s’agit d’un outil innovant en ce qu’il partage une base de données à la fois démographiques et socio-économiques, et en ce qu’il s’appuie sur un travail de géocodage de chaque entité administrative selon le recensement de 2017. Son originalité réside ainsi dans le suivi temporel des localités sur deux siècles, et dans l’outil interactif de cartographie dynamique.
Le portail web comporte également des notices historiques de toutes les circonscriptions administratives égyptiennes (au total 5 779 villages et quartiers urbains), l’évolution du découpage administratif du territoire égyptien de 1882 à nos jours, et un répertoire administratif des localités afin d’autoriser les comparaisons diachroniques sur deux siècles, malgré les remaniements administratifs. L’objectif de la plateforme web est non seulement de préserver et de partager un patrimoine de statistiques sur l’Égypte, mais aussi d’offrir un instrument d’exploitation de ce corpus diversifié et multi-échelle de données massives à référence spatiale. Ces 5 779 notices pourront, à terme, être complétées via internet par les internautes. La force de cet outil est de pointer l’inscription spatiale singulière des dynamiques sociales et économiques. La plateforme est destinée à un large public (chercheurs, décideurs, société civile) et elle est donc conçue pour autoriser l’accès direct, l’extraction, l’exploration, le traitement de corpus de données et l’analyse de Big data géo-référencées.
Le programme s’appuie sur le TGIR Huma-Num6 pour l’archivage à long terme de la base de données massives créée.
Un antécédent de spatialisation des recensements égyptiens
La plateforme cedejcapmas.org poursuit un travail collectif interdisciplinaire (Alleaume et Fargues 1998) commencé en 1993 au CEDEJ, afin de créer une base de données démographiques et socio-économiques de l’Égypte en procédant au géocodage et au géoréférencement des données statistiques. Cette recherche initiale avait été initiée, d’une part, grâce aux ressources de la bibliothèque du CEDEJ, qui a conservé les livres rares des recensements de la fin du xixe siècle (1882, 1897) et du début du xxe siècle, d’autre part grâce au partenariat entre le CEDEJ et le CAPMAS scellé en 1997. Les résultats de ce premier travail ont été diffusés en 2003 au sein d’un cercle restreint d’experts et de chercheurs à travers la coédition CEDEJ-CAPMAS d’un CD-ROM ou atlas interactif, Un siècle de recensement 1882-1996 (Bayoumi, Denis et Moriconi-Ébrard 2003), aujourd’hui épuisé7 et surtout inadapté aux systèmes d’exploitation des ordinateurs actuels (figure 2).
Figure 2. Affichage du gouvernorat de Sohag et des données de la population
Extrait du CD-Rom « Un siècle de recensement en Égypte » (Bayoumi, Denis et Moriconi-Ébrard 2003). Cette figure montre l’interface principale de recherche. La partie à gauche illustre le choix de l’année (« Year »), de l’échelle du territoire (« Select location »), des variables et des modalités (« Search Criteria »). En haut à droite apparaissent les boutons des fonctionnalités cartographiques et sur le reste de la fenêtre le résultat cartographique.
Les publications cartographiques numériques interactives de cette époque étaient plutôt conçues à partir d’un jeu d’objets multimédia, ce qui voulait dire un affichage dynamique à partir d’images fixes et non pas sur un jeu de données et de calcul en temps réel. En 2007, William Cartwright, Michael Peterson et Georg Gartner (2007) ont, dans leur ouvrage Multimedia Cartography, fait état de la cartographie multimédia et des éléments de conception et de production qui sont propres à ce domaine de la cartographie. Cet ouvrage a fait découvrir les approches adoptées par les praticiens de la cartographie multimédia. Je citerais ici, à titre d’exemple, le CD-Rom Series Statistical Atlas de la Suisse (Swiss Federal Statistical Office 2003) et le CD-Rom Political Atlas of Switzerland (Swiss Federal Statistical Office, 2006). Il s’agit dans ces deux cas d’atlas réalisés à partir de cartes adaptatives et d’outils interactifs dans un environnement multimédia. Ces deux CD-Rom ont été vendus à 20 000 copies pour la première édition et à 14 000 pour la deuxième édition (Sieber et Hubern 2007). Un autre exemple est celui du CD-Rom du projet SIPIS (South India Population Information System), lancé en janvier 2000 comme mode de diffusion de la base de données rassemblant tous les villages et les villes de l’Andhra Pradesh, du Karnataka, du Kerala et du Tamil Nadu en Inde, auxquels a été adjoint le petit territoire de Pondichéry. La programmation de cet outil de consultation cartographique a été faite à partir des outils développés par l’entreprise Environmental Systems Research Institute (ESRI), et le produit final ressemble au logiciel existant Arc Explorer. L’interface a toutefois été simplifiée afin de le rendre utilisable par des personnes non formées (Guilmoto, Oliveau, Vingadassamy, 2002).
L’atlas que nous avions développé pour le CD-Rom « Un siècle de recensement en Égypte » s’appuyait sur une programmation orientée objet (OOP) et l’utilisation de composants de distribution d’objets qui peuvent être combinés à ces langages OOP. Visual Basic (VB) fut le langage permettant la manipulation et le développement de ces objets, et MapObject (MO) contenait l’ensemble des objets nécessaires pour créer les atlas cartographiques de gestion et de manipulation des données géographiques. Cette solution, qui était innovante à l’époque, est devenue obsolète aujourd’hui.
Méthodologie et arbitrages pour la préparation et le traitement des données de cedejcapmas.org
Le programme de recherche CEDEJ-CAPMAS permet de diffuser en libre accès la base de données amorcée depuis les années 1990, en y intégrant aujourd’hui les statistiques des deux derniers recensements, ceux de 2006 et de 2017, ainsi que les nombreuses modifications administratives postérieures à 1996. Le travail d’actualisation du fonds cartographique exige une étroite collaboration avec le CAPMAS, seul détenteur de la propriété intellectuelle des données, et l’organisme habilité à valider la carte administrative officielle de l’Égypte avec le ministère de l’Intérieur, l’Autorité générale pour l’arpentage et le Département du cadastre militaire.
Ce programme mobilise conjointement chercheurs et enseignants-chercheurs en sciences humaines et sociales, des ingénieurs cartographes, des statisticiens, des mathématiciens et des informaticiens.
De la préparation des données à la visualisation, la création du portail repose sur sept étapes :
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1. la recherche documentaire pour la rédaction des notices historiques ;
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2. le géocodage des entités administratives ;
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3. le géoréférencement et l’actualisation de la carte administrative ;
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4. le développement d’un modèle conceptuel spatialisé (MCS) permettant de structurer les données ;
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5. le développement et l’implémentation du système d’information géographique (SIG) destiné à intégrer les données géolocalisées ;
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6. l’analyse statistiques des données ;
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7. le développement d’un outil ad hoc pour la construction du portail interactif.
Préparation des données
Recherche documentaire
La recherche documentaire à la base de la rédaction des notices historiques des localités administratives (figure 3) consiste dans le dépouillement systématique du Dictionnaire géographique de Mohamed Ramzi (1945), ouvrage de référence sur la géographie du pays et l’histoire de ses découpages administratifs8, ainsi que des journaux officiels et législatifs égyptiens conservés dans la bibliothèque du CEDEJ.
Figure 3. Exemple de notice historique du village Kafr al-Shaykh
Cette recherche documentaire, à partir de sources en langue arabe, implique un travail de traduction. La translitération de l’intégralité des toponymes en usage dans les quatorze recensements est nécessaire. Outre le coût financier, il est difficile de trouver une personne avec les doubles compétences en matière de connaissance de l’Égypte médiévale et de traduction de l’arabe vers le français. Or transcrire de l’alphabet arabe vers l’alphabet latin est une tâche difficile, comme le souligne Richard Jacquemond (2004, 48) :
« … nous sommes en présence d’un continuum avec, à un pôle, des spécialistes et des publications en nombre de plus en plus réduit utilisant des systèmes de translittération érudits que la communauté internationale des arabisants n’est jamais parvenue à unifier, à l’autre bout du spectre, les diverses transcriptions vulgaires en usage dans la presse, et entre les deux, à peu près toute la gamme des possibles ! »
Pour éviter le maximum d’ambiguïtés, nous avons opté pour une transcription savante, aussi controversée soit-elle (figure 4).
أ | a | ر | r | ف | f |
إ | i | ز | z | ق | q |
أُ | u | س | ṣ | ك | k |
ب | b | ش | sh | ل | l |
ت | t | ص | s | م | m |
ث | th | ض | ḍ | ن | n |
ح | ḥ | ط | ṭ | ه | h |
خ | kh | ظ | ẓ | و | w |
د | d | ء/ع | c/’ | ى | y |
ذ | dh |
Géocodage des entités administratives en fonction du recensement de 2017
Cette opération de géocodage permet de traiter les données chiffrées dans une maille territoriale constante, de manière à garantir un suivi temporel. C’est l’une des tâches les plus ardues en raison de la finesse de l’échelle de spatialisation des résultats du recensement et de la nécessaire combinaison de méthodes automatisée et manuelle.
En effet, le géocodage a impliqué une première opération automatisée à l’aide d’une solution logicielle, première brique dans le traitement automatique de nos données. Cette solution automatisée comportant d’inévitables lacunes, un dépouillement manuel est effectué pour traquer les localités administratives n’ayant pas pu être codées automatiquement, ce qui a nécessité une recherche documentaire poussée.
Géocodage des entités administratives
Chaque entité administrative est dotée d’un code ISO attribué depuis 1964 par le CAPMAS lors de chaque recensement. Les recensements de 1882 et 1897 étant dépourvus de codage, ils ont été codés par l’équipe du CEDEJ en respectant le système d’indexation du CAPMAS. Ce premier code chiffré est mis en correspondance avec une zone localisée afin de cartographier les données. Par ailleurs, pour pouvoir comparer les quatorze recensements, chaque entité administrative est dotée d’un deuxième code, fixé par le CAPMAS lors du dernier recensement réalisé. Ce code doit être appliqué à tous les recensements antérieurs en tenant compte des changements d’appellation et de rattachement administratif qui ont affecté les localités. En effet, depuis la fin du xixe siècle, les vingt-huit gouvernorats actuels et leurs subdivisions ont tous connu des remaniements par agrégation ou séparation (avec d’autres entités), et des changements de dénominations.
Le système de géocodage en Égypte est un système de six digits : les deux premiers digits sont attribués au gouvernorat (mouhafaza), les deux suivants aux cantons (markaz/qism) et les deux derniers aux villages et quartiers urbains (qarya/chiyakha). Ainsi, le code de Markaz Abnoub est 251100, 25 étant le code d’Asyout.
Géoréférencement et actualisation de la carte administrative
Le découpage administratif de l’Égypte a évolué depuis vingt ans avec la fusion ou la division de certains villages, ou bien avec les extensions urbaines planifiées dans le désert, destinées à désengorger la vallée du Nil et son delta.
Les modifications du maillage administratif ont été particulièrement nombreuses au cours des six dernières années en raison des bouleversements de la vie politique intérieure (chute du président Moubarak au pouvoir depuis trente ans, en 2011) pendant et après cette période révolutionnaire (Bayoumi et Rougier, 2015).
Une première cartographie de la couverture administrative est effectuée en intégrant les décisions politiques sur les remaniements administratifs. Ensuite, une cartographie est effectuée sur le terrain par une équipe de cartographes du CAPMAS munis de GPS pour corriger certaines anomalies ou lever des ambiguïtés constatées à une échelle micro (par exemple, une imprécision sur le rattachement administratif réel d’un village positionné entre deux circonscriptions). Les résultats de ces enquêtes de terrain alimentent le système d’information géographique (SIG) spécialement créé. Dans un troisième temps, un ajustement se fait à partir des cartes produites par le General Organisation for Physical Planning (GOPP), les cartes au 1/25 000e, 1/50 000e et 1/100 000e du cadastre égyptien, les images satellites Google Earth ainsi que les hameaux constituant chaque village.
Il convient de prendre en compte des spécificités égyptiennes : ainsi l’utilisation de l’Egyptian Transverse Mercator (ETM) pour la projection cartographique, avec le mètre comme unité linéaire, le GCS_Helmert_1906 Ellipsoïde 1906 comme système de coordonnées géographiques, et le D_Helmert_1906 comme Datum géodésique. Pour remettre le référentiel égyptien – dont les paramètres d’origine sont exclusivement la propriété du cadastre égyptien – dans le système universel UTM, avec le système de coordonnées géographique ellipsoïde WGS-1984 et le Datum géodésique D_WGS_1984, il a fallu implanter des scripts qui ont permis d’extraire ces paramètres en utilisant des équations mathématiques pour aboutir à une conversion optimale.
Traitement et analyse des données
Développement d’un modèle conceptuel spatialisé (MCS) permettant de structurer les données
La méthode de structuration des données choisie est celle de HBDS (Hypergraph Based Data Structure), une méthode de modélisation des données relative à la théorie des hypergraphes. Un modèle conceptuel spatialisé (MCS) est un modèle en deux parties : une partie regroupant les classes sémantiques, une partie regroupant les classes géométriques.
Développement et implémentation du système d’information géographique (SIG)
Concernant le système d’information géographique (SIG) destiné à intégrer les données géolocalisées, le format choisi est géodatabase (Zeiler 1999), qui est la norme la plus récente en cartographie9. Il s’agit d’une plateforme commune de stockage et de gestion des données d’ArcGIS ; elle peut être utilisée sur tous les types de systèmes : ordinateur, serveur y compris web, et périphérique nomade. Ce format géodatabase permet d’implémenter des logiques métiers telles que la modélisation de relations spatiales entre les données (par exemple, la topologie et les réseaux), la validation de données (par exemple, les sous-types et les domaines) et les transactions longues. Ce format crée des relations entre les réseaux topologiques et géométriques ; il permet de valider les données et de contrôler les accès. Enfin, il prend en charge tous les types de données comme les tables attributaires, les entités géographiques, les images satellites et aériennes, les données de modélisation de surface, les mesures réalisées par les géomètres. Ces fonds sont ensuite migrés dans PostGis (https://postgis.net/) afin de les utiliser à des fins d’applications web.
Analyses statistiques des données
Les données démographiques et socio-économiques du CAPMAS constituent le socle et la matière première de cette plateforme. Une liste exhaustive des variables utilisées et à utiliser (Figures 5 et 6) a fait partie du rapport de stage de Pierre Le Fur10. Les tableaux des variables exploitées lors des recensements de 1882 à 2017 ont été déposés sur la plateforme Nakala à l’occasion de cet article11. Ces statistiques du CAPMAS sont fournies au niveau le plus fin : celui des quartiers et villages (Shiyâkha/ Qarya).
Figure 5. Liste exhaustive des variables de recensement de 1882 à 1976 (format visuel)
Identifiant permanent : https://doi.org/10.34847/nkl.98773264.
Visualiser ou télécharger le document : https://api.nakala.fr/data/10.34847/nkl.98773264/5e787ff74b0a51f4417c53fd37733283f759639d.
Figure 6. Liste exhaustive des variables de recensement de 1976 à 2017 (format CSV)
Identifiant permanent : https://doi.org/10.34847/nkl.98773264.
Télécharger le tableau : https://api.nakala.fr/data/10.34847/nkl.98773264/eacc097d393924a6bdb74d51aa7342e305405323.
Création du portail web
La construction du portail interactif a impliqué le développement d’un outil ad hoc. En effet, l’élaboration d’un tel portail web a nécessité la formalisation d’un serveur de traitement utilisant les ressources des mathématiques de la complexité. Cette mutualisation des ressources nécessite l’interconnexion du SIG avec le serveur d’applications. Cet outil ergonomique est simple d’accès en temps réel. L’application web permet de restituer les dynamiques socio-spatiales de l’Égypte grâce à l’exploitation de corpus diversifiés et multi-échelles de données massives à référence spatiale. L’application web mise au point revêt un caractère générique et interopérable : elle pourra être employée pour d’autres bases de données massives, démographiques ou non.
Solution technique de développement du portail cedejcapmas.org
Une base de données PostgreSQL/POSTGIS centralisée héberge les données spatiales et attributaires. Un portail cartographique web accessible est conçu à partir de la licence Géo Générateur de la société Business Geographic, basée à Lyon. Les données SIG (ShapeFile) et de recensement sont intégrées dans la plate-forme GEO via cette base de données PostgreSQL/PostGIS. Le Géo Générateur permet de référencer les données et de les enrichir, de créer les analyses cartographiques nécessaires et de créer l’application (front office) (figures 7 et 8).
Figure 7. Extrait de la plate-forme illustrant la localisation en 2017 du Markaz Abnûb (gouvernorat d’Asyût)
Figure 8. Extrait de la plate-forme illustrant l’affichage du tableau de données « état matrimonial » en 2017 des Markaz/ Qism du gouvernorat d’Asyût
Quels usages de cedejcapmas.org pour les sciences humaines et sociales ?
Valorisant les données des recensements égyptiens depuis la fin du xixe siècle12, le portail web de cartes interactives constitue un outil de recherche documentaire pour les experts et chercheurs en sciences sociales qui peuvent extraire dès à présent des graphiques, des tableaux et des cartes personnalisées dans des domaines variés : niveau d’éducation, état matrimonial, catégories socio-professionnelles, etc. Les données statistiques peuvent être téléchargées aux formats XLSX ou CSV et les fonds de cartes aux formats CSV, DGN, DXF, GEOJSON, GML, GPX, KML, MAPINFO, SHP. Les graphiques et les cartes thématiques et de localisation sont imprimés aux formats PDF ou image. D’autres variables viendront prochainement alimenter cette base de données, comme l’accès à l’eau, la mortalité, le nombre de ménages vivant dans une seule pièce… Pour exemple, la plate-forme a été une des sources de l’Atlas de l’Égypte contemporaine (Bayoumi et Bennafla 2020), que ce soit pour l’instruction scolaire, la distribution de la population, la fécondité, la croissance démographique, etc.
Les données de recensements de la population permettent d’estimer indirectement des niveaux de fécondité grâce à l’indicateur du rapport enfants/femme. Par cette méthode, et en utilisant les données des recensements de la population, Doignon et al. (2021) ont décrit l’évolution de la géographie de la fécondité entre 1950 et 2006 au niveau infranational des markaz/qism, ce qui n’avait jamais été fait auparavant dans la littérature existante. Cette période (1950-2006) est celle où la fécondité de l’Égypte commence à diminuer, parce qu’un plus grand nombre de couples utilisent un moyen de contraception pour limiter leur descendance. Les résultats montrent que la baisse de la fécondité a commencé avant les années 1960 dans plusieurs villes (dont Le Caire et Alexandrie), mais aussi dans certains territoires ruraux, avant de se diffuser spatialement à travers les deux mécanismes traditionnels de diffusion par proximité géographique et de diffusion hiérarchique. Cette étude apporte aussi de nouvelles connaissances sur la stagnation et/ou l’augmentation de la fécondité à partir de 1971, originalité de la transition de la fécondité égyptienne par rapport aux autres transitions connues. En effet, cette stagnation/augmentation de la fécondité a duré moins de dix ans dans certains territoires (notamment dans une partie du delta du Nil) et plus de vingt ans ailleurs (principalement les zones rurales de la vallée du Nil).
Figure 9. Une carte montrant l’évolution de la fécondité (1966-1976) (Doignon et al. 2021, fig. 6)
Les auteurs utilisent les données des recensements de la population pour décrire l’évolution de la géographie de la fécondité au niveau des markaz/qism.
Auteur : Yoann Doignon, Elena Ambrosetti et Sara Miccoli. Tiré de Doignon et al. (2021).
Voir la publication originale : https://doi.org/10.1186/s41118-021-00131-9.
Éditeur original : Springer.
Licence : Creative Commons Attribution License 4.0.
À partir des données de la densité de la population et des secteurs d’activité, Florian Bonnefoi13 a créé des cartes thématiques au niveau du premier maillon administratif (gouvernorats) et à l’échelon inférieur (markaz/qism). L’objectif est de contextualiser son étude de doctorat, qui porte sur les liens entre changements environnementaux et mobilités dans le delta du Nil. Il a commencé par réaliser une simple carte de localisation des gouvernorats sur lesquels se concentre son travail. Dans le cadre de la rédaction d’un article sur les liens entre croissance démographique et pressions environnementales, il a ainsi réalisé une carte montrant la jeunesse de la population et une carte de la densité de population par shiyâkha.
Conclusion
Valorisant les données des recensements égyptiens depuis le xixe siècle, le portail web en libre accès de cartographie interactive cedejcapmas.org entend œuvrer à la protection et au partage d’un patrimoine (ici des données statistiques) en mettant à disposition une mine d’informations sur le territoire et la société du pays le plus peuplé du bassin méditerranéen. Ancré sur un partenariat avec l’institution égyptienne en charge de la collecte et la production des statistiques, ce projet concourt à renforcer la coopération scientifique au niveau international.
Les technologies du numérique ici mobilisées pour traiter des données massives sont mises au service de la société, le portail internet constituant à la fois un outil de recherche documentaire et un outil innovant d’aide à la décision pour ceux qui veulent connaître les dynamiques démographiques et socio-économiques de l’Égypte. Il s’adresse aux chercheurs et aux acteurs de la société civile ainsi qu’aux entreprises, aux décideurs et aux institutions internationales désireux d’établir des diagnostics territoriaux et de définir des politiques d’accompagnement adaptées, par exemple en matière d’éducation, de réduction de la pauvreté, de contrôle démographique ou d’investissements.